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ment, & qu'elle doit chercher dans fes dons les plus excellens, & non pas uniquement pour les dons qu'elle peut perdre.

Difons encore un mot de l'Oraifon qu'on apelle d'union. Je ne fçai rien de cette bienheureuse union, qui fait le paradis de ce monde. Mais voici un mot de ce que nous en ont dit ceux qui l'avoient éprouvée. C'eft un état dans lequel Dieu fe fait fentir très - uni à notre ame, d'une maniere plus ftable, & plus fixe que dans les autres états. Il fe retire dans le fond & le plus intime de cette ame. Là il fe communique plus particulierement à elle; mais dans fes communications auffibien que dans leur durée, il y a encore du plus ou du moins, afin que

dans tous fes états on fe fente de la viciffitude & de l'inftabilité de la vie. L'efprit & la mémoire font plus libres, dit fainte Therefe, dans cet état que dans le précédent. L'ame fous ce recueillement, eft comme Marie qui goûte en repos le plaifir d'être à Dieu, fans ofer rien faire qui l'attire, & fans rien perdre de fa paix & de fon recüeillement. Elle fe prête aux occupations de Marthe. Une ame auffi faintement unie fe trouve dans une par

faite indiférence pour la vie & la mort; la retraite & le monde, la fanté ou la maladie : tout lui est égal. Son cœur eft dans une paix qui paffe tout fentiment. Enfin elle eft revêtuë de JESUS-CHRIST, & à l'éxemple de l'Apôtre, elle ne vit plus que de fa vie divine. Sur cet état & fur tous les autres, je vous conseille de demeurer en paix content de la voïe dans laquelle Dieu vous a mis.

Comptez peu fur vos lumieres, & fur vos fentimens. Souvenez-vous bien que la fin de l'Oraifon eft la pratique fidelle des maximes de l'Evangile, & qu'une ame d'Oraifon doit être d'une vertu folide & prompte à fervir Dieu. Il ne faut pas faire l'Oraifon pour la faire précilément. C'est un moïen, & non pas notre fin. On doit prier pour bien vivre, & qui uferoit des dons de Dieu pour d'autres motifs, feroit un profanateur facrilege de fes graces. Enfin pour finir cette matiere, évitez la lâcheté de certaines ames, qui, apellées à la vie intérieure, fe fixent un point, au-delà duquel elles fe croïent en droit de ne point aller, & par-là même n'y arrivent jamais. Il ne nous apartient pas de nous borner; c'est

entreprendre fur les droits de Dien même. La colonne de feu ou la nuée régloit la marche des Ifraëlites. Ils ne s'arrêtoient, ou ne marchoient qu'avec elle. Voilà quelle doit être notre régle. Aller quand Dieu le veut, & où il apelle, fans jamais fe rendre maître de fa conduite par un attentat fur les

droits de Dieu même.

Je vais vous dire un mot maintenant des peines de l'Oraifon, qui font les diftractions, les féchereffes, & les tentations.

Pour les diftractions, je vous dirai qu'elles viennent ordinairement, ou de la diffipation de nos fens, qu'il faut arrêter & retenir dans une fainte captivité, pour aller au-devant du mal; ou de la légereté de notre efprit & de notre imagination, qu'il faut arrêter, par la grace du recueillement; ou de l'accablement des affaires, qui deviendront faciles & légeres, fi nous en retranchons les foins inutiles, & que nous nous renfermions dans le feul néceffaire; ou enfin de quelque attache trop grande que nous avons pour autre chofe que pour Dieu. Il faut tâcher de nous déprendre de ces chofes. En tout cas, la patience qui nous les fait

Tuporter avec une humble douceur, & qui nous fait travailler à corriger ces défauts, fans que cette épreuve diminuë rien de notre perfévérance, ou affoibliffe notre fidélité, fera très-certainement un remede infaillible, qui nous rendra ces épreuves très-utiles; pourvû que nous évitions le relâchement, qui eft la fource la plus dangereufe de nos diftractions; & que rien ne nous fépare de l'Oraison, qui ne peut que nous être avantageufe, quelque infipide qu'en foit la pratique.

Pour les féchereffes, rien n'eft plus dur dans la pratique de l'Oraifon ; mais rien n'est plus jufte, rien n'est plus utile. Nous avons dans le cœur un orgüeil fecret, dont il faut guérir. Il y a auffi un fonds d'amour propre pour le plaifir, qu'il faut détruire. Or rien n'y eft plus propre que les féchéreffes. Souvent nous languiffons à la vûë même des dons de Dieu. Les féchéreffes nous les font eftimer & rechercher. Nous avons effenfé Dieu, & nous l'offenfons tous les jours dans la pratique même de l'Oraifon. N'eft-il pas jufte que nous foïons punis de cette ingratitude ? Pouvons-nous l'être plus juftement & plus heureufement pour nous

que par les féchéreffes, qui viennent quelquefois de ce que Dieu ne fe fait plus fentir?

Mais quoiqu'on ne le fente plus, il n'en eft pas moins préfent, ni moins agiffant. Il faut faire en paix toutes nos petites diligences pour le retrouver; & demeurer en paix, fans interrompre nos éxercices.

Quelquefois ces féchéreffes viennent de ce que l'ame fe trouve privée du fenfible, & comme dans une efpéce. de vuide qui lui fait peur, peu près comme les Ifraëlites, qui fortis de l'Egypte, fe trouverent dans un défert affreux, où ils croïoient que tout leur alloit manquer.

Sous cette épreuve, on aprend admirablement à donner tour à Dieu, fans fe réserver rien, & à fe détacher de tout ce qu'il y a de plus fpécieux, & de plus doux dans les voïes intérieures; on foufre beaucoup, & par-là on s'avance. La foumiffion avec laquelle on attend que cet état paffe, y eft un très-bon remede : l'humilité avec laquelle on le reçoit, & on le porte, eft de toutes les difpofitions qu'on peut avoir en cet état, la plus affurée

& la meilleure.

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