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de la plus grande dignité, c'est-à-dire, d'une dignité infinie, qui eft infiniment relevée audeffus de tout ce qu'il y a de grand, il s'enfuit qu'elle eft infinie, & qu'elle furpaffe infiniment & toutes les injures & toutes les offenfes que l'on peut faire contre les hommes. C'est ne maxime conftante dans la morale, que l'offenfe tire fa grieveté de la grandeur de la perfonne qui eft offenfée : ainfi un affront fait à un Prince furpaffe de beaucoup celui qui eft fait à un homme de baffe condition. C'eft pourquoi Dieu étant infini en grandeur & en majefté, c'est une conféquence indubitable qu'une offenfe faite contre lui n'a point de bornes en fa malice, & qu'elle eft infinie à cause de la perfonne à qui elle est faite.

Joignez toutes ces chofes ensemble : une offenfe infinie commife contre la grandeur infinie de Dieu, accompagnée des indignites que nous avons dites, de rébellion, d'ingratitude du mépris de Dieu & de fon amitié, d'infidé lité; & jagez ce qu'il faut dire de la grandeur de l'injure que le péché fait à Dieu, & furtout étant commife par une chétive créature, par un miférable ferviteur, par un ver de terre, qui devant Dieu eft moins que rien. Jugez, dis je, de la grandeur de cette injure, fi vous le pouvez mais vous ne le pourrez jamais, quand vous auriez en vous seul autant d'intelligence qu'il y en a dans tous les hommes, & en tous les Anges ensemble.

Injure fi grande, qu'elle a fait dire à Saint Auguftin, & aux Théologiens après lui, qu'il vaudroit mieux laiffer périr tout le monde, c'est-à-dire, le ciel & la terre, & tout ce qu'ils contiennent, que de commettre un feul péché mortel contre Dieu. Le péché, dit ce faint Docteur, eft un deshonneur qu'on fait à Dieu; ce qu'un homme ne doit jamais faire, quand tout ce qui n'eft pas Dieu, c'est-à-dire, toutes les créatures en devroient périr.

Injure fi horrible, qu'elle fait dire à Saint Anfelme, que s'il voyoit d'un côté l'enfer ouvert avec toutes fes flammes, & d'un autre un feul péche mortel à commettre, & qu'il lui fût de néceffité de choisir l'un ou l'autre, il aimeroit mieux fe jetter dans l'enfer que de pécher mortellement. Et il en ajoute la raison : Parce que, dit-il, j'aimerois mieux, étant innocent & fans péché, entrer dans l'enfer, que de jouir du paradis étant fouillé du péché ; puifque c'eft une chofe très-certaine, qu'il n'y a que les méchans qui font tourmentés dans l'enfer, ni que les Juftes feuls qui font bienheureux dans le Ciel.

Quoique cette néceffité de choisir ne puiffe jamais arriver, néanmoins la fuppofition que ce grand Saint en fait, montre puissamment la grieveté du péché mortel, & de l'injure qu'il a faite à Dieu. Elle eft fondée fur cette vérité conftante de la Théologie, que le mal de coul pe eft infiniment plus grand & plus à craindre que le mal de peine.

Injure fi grande, que les Théologiens demeurent d'accord que quand tout ce qu'il y a d'hommes au monde, & tout ce qu'il y a d'Anges dans le Ciel feroient affemblés pour déplorer l'injure qui eft faite à Dieu par un péché mortel, & pour lui en faire une fatisfaction convenable, ils ne pourroient jamais rien faire qui approchât de ce qui feroit néceffaire pour réparer cette injure, & pour en obtenir la rémiffion.

Injure fi grande, qu'il n'y a jamais eu que Dieu feul qui ait été capable de la réparer, & que pour le faire il a fallu qu'il fe mit luimême en état d'y fatisfaire, en s'abbaiffant jufqu'à fe faire homme pour s'offrir en facri fice à la Juftice divine: facrifice dont le prix égaloit, & même furpaffoit de beaucoup la grieveté du péché, & dans lequel ont concouru admirablement ces deux chofes, la divinité & l'humanité; celle-ci pour être offerte, & celle-là pour lui donner le prix & le mérite infini, comme dit excellemment un Pere de l'Eglife. (Eufebe).

Enfin, injure fi grande & fi énorme, que les flammes de l'enfer qu'elle a allumées, ne pourront jamais la réparer durant toute l'éternité, & que jamais elles n'appaiferont la colère de Dieu contre ceux qui en étant coupa bles feront morts fans avoir employé pour l'appaifer le mérite de ce divin facrifice, & du fang précieux que le Fils de Dieu a répan

du pour leur donner les moyens de fe laver de leurs péchés, & d'en obtenir la rémiffion.

Pélez bien toutes ces confidérations, THEOTIME, relifez-les, & arrêtez-vous pour les méditer attentivement l'une après l'autre.

CHAPITRE X I.

Des effets déplorables du péché mortel, pour en connoître encore davantage la grieveté.

C

'EST encore un puiffant moyen pour connoître la grieveté du péché mortel que de bien confidérer les mauvais effets qu'il produit, étant certain qu'on ne fçauroit mieux connoître une caufe que par les effets.

Nous avons dit ci-deffus, qu'on ne peut pas bien connoître le péché en lui-même, parce que c'eft le fouverain mal qui eft infini; non plus qu'on ne peut connoître en lui-même le fouverain bien qui eft Dieu. Mais comme nous parvenons à la connoiffance de Dieu par les effets que nous voyons de fa puissance, de fa fageffe & de fa bonté; auffi nous connoiffons la grieveté du péché, quand nous confiderons attentivement les funeftes effets dont il eft la caufe, & les horribles malheurs qu'il tire après lui: & tous ces effets font autant de puiffans motifs de contrition, pour nous le faire dérefter & l'avoir en horreur.

Nous garderons quelqu'ordre pour les trouver plus facilement, & nous les chercherons

en plufieurs endroits; en nous mêmes, dans le ciel, dans l'enfer, en Dieu même, & en fon Fils Jefus-Christ.

ARTICLE I.

Du trifte effet que le péché produit en l'ame de celui qui le commet. La Mort.

J

E commence par cet effet du péché, parce que c'eft le premier qu'il produit auffitôt qu'il eft fait (Jac. 1.) Et plût à Dieu qu'il fût auffi fenfible comme il eft véritable, & que ceux qui l'attirent dans leurs perfonnes, reffentiffent le grand mal qu'il leur fair, & qu'ils le connuffent tel qu'il eft en lui-même ! C'est pour pour cela que je defire vous l'expliquer

& vous le faire entendre.

Le péché donc, dit l'Ecriture, n'eft pas plûtôt achevé, qu'il donne la mort. Il eft certain que ce n'eft pas la mort du corps, puifqu'on ne meurt pas au moment que le péché eft fait. C'est donc la mort de l'ame, mille fois plus funefte que celle du corps, parce que celle-ci ne fait que féparer le corps d'avec l'ame: mais la mort que le péché donne, eft une féparation de l'ame d'avec Dieu, qui eft fa vie furnaturelle, comme dit Saint Auguftin. Et comme cette vie que Dieu donne à l'ame, eft infiniment plus precieufe que celle que l'ame donne au corps qu'elle anime, auffi la mort qui fait la perte de cette vie divine, est infi

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