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C'est l'état où je fuis, & telle eft ma posture Qu'avoir Ménage fur les bras,

C'est le moins de mon avanture.

On n'y a pas non plus mis l'Epitre où eft ce trait.

Moi d'ailleurs dont l'humeur critique
Aux plus huppez feroit la nique,
Et qui dès mes plus jeunes ans
Appris l'art de railler les gens.
Qui de mon premier coup de foudre
Reduifis ce Coloffe en poudre,
Ménage qui dans fes écrits
Cenfuroit les plus beaux efprits,
Et qui du bruit de fa fcience
Avoit dupé toute la France.

Les vols faits par M. Ménage fur les Anciens lui ont été reprochez, non feulement par Liniére, mais encore par Gilles Boileau, Cotin, Moliere, Baillet, &c. Ce qu'il y a de plaifant, c'eft. qu'à la mode des Poëtes qui fe font des Maîtreffes en l'air, aiant choifi pour la fienne Mademoiselle de la Vergne, depuis Madame la Comteffe de la Fayette, il l'appelloit en Latin Laverna, nom de la Déeffe des voleurs. Ce qui donna lieu à cette Epigramme.

Tome I.

F

Lefbia nulla tibi eft, nulla eft tibi dicta Corinna,

Carmine laudatur Cynthia nulla tuo. Sed cum doctorum compiles fcrinia vatum, Nil mirum fi fit culta Laverna tibi. M. Ménage cependant fe faifoit honneur de ces reproches. Outre le foin qu'il a pris d'y répondre dans fon AntiBaillet, il marquoit longtems auparavant dans une lettre manufcrite que j'ai vûe de lui à M. Huet, datée de 1683. qu'il avoit fait autrefois un Traité de l'imitation & du larcin des Poëtes, ajoutant qu'il auroit été bien aife de le publier, & d'y joindre quelques notes fur fes Poëfies.

C'eft M. de Mommor qui a fait le Diftique que je vais vous dire fur la Pucelle de M. Chapelain. Je l'ai fû de P'Auteur, & ne l'ai publié qu'après fa

mort.

Illa Capellani dudum expectata Puella,
Poft longa in lucem tempora, prodit anus.

Cette Pucelle prétendue

De l'heureux Poëte Chapelain
Depuis fi longtems attendue,

Paroît de fa derniere main,

Mais fi vicille déja, qu'elle en eft méconnues

M. Chapelain ne fut fi longtems à donner fa Pucelle, que parce qu'il étoit paié d'une groffe penfion par Monfieur de Longueville. Il appréhendoit que ce Prince ne se fouciât plus de lui après qu'il auroit publié fon ouvrage. Les rieurs de ce tems-là difoient que la Pucelle étoit une fille entretenue par un grand Prince; que fur ce pied là, elle s'étoit toujours confervée une certaine espece d'honneur, mais qu'elle étoit devenue p.... fans crédit & fans réputation du moment qu'on l'avoit livrée au public,comme le difent ces vers que l'on fit alors fur ce fujet.

Lorfqu'un Prince en fecret honoroit la Pucelle

De fes dons & de fa faveur,

C'étoit une p... d'honneur

Qu'on ne connoiffoit pas pour telle;
Mais laffe de fa politique

Depuis qu'elle paroît & fe fait voir au jour
Que chacun la paie à fon tour,

La Pucelle n'eft plus qu'une fille publique.

La penfion que recevoit M. Chapelain étoit de deux mille francs, & il fut près de vingt ans avant que de publier Sa Pucelle: ce qui donna occafion au Poëte

Liniere de faire cette excellente Epi

gramme:

Nous attendons de Chapelain,

Ce noble & fameux écrivain
Une incomparable Pucelle;
La Cabale en dit force bien,
Depuis vingt ans l'on parle d'elle,
Dans fix mois on n'en dira rien.

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Ce qu'on a principalement re pris dans la Pucelle de Chapelain eft que contre la regle des Poëmes Epiques dont la conclufion doit toujours être glorieufe pour le Heros, le Poëme de la Pucelle finit par la prifon de l'Héroïne. Le Poëte pour s'excufer difoit qu'il n'avoit donné que la moitié de fon ouvrage; & que dans les douze autres chants, le Comte de Dunois, qui étoit le véritable Héros du Poëme, le termineroit par la délivrance du Roiaume, & par la défaite des ennemis de la France. On affure que ces douze derniers chants font achevez. Envoici deux témoignages authentiques. Chapelain étant mort le 22. Février 1674, M. Ménage peu de tems après écrivit à M. Huet ce qui fuit. M. Chapelain a fait un teftament dont M. Conrart eft executeur. Il donne par ce fement fa Bibliotheque à toute fa famille,c'eft

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à-dire à ceux de fes neveux qui font pro• feffion des Lettres. Sa Pucelle est toutt achevée, & il a même fait la Préface de la feconde partie. Outre ce grand Poëme il a laiffe un nombre prodigieux de lettres, qu'il défire qu'on imprime, fi on le juge à propos. Fene ne fais point encore combien il a laiffe d'argent, mais il ne faut pas douter qu'il n'en ait laiffe beaucoup. Feu M. Flechier dans une lettre datée de Nimes le 12. Juin 1705. écrit ces mots au P. de la Ruë Jefuite Il est vrai que j'ai en original la feconde partie du Poëme de la Pucelle de feu M. Chapelain, écrite de fa main. Nous en avons fait autrefois quelques lectures enfemble, d'un côté trop peu, de l'autre trop réjouiffantes. Si les affaires de ce paiss nous laiffoient quelque folide tranquilité, j'irois faire un dernier voiage à Paris, & j'y porterois ce manufcrit. Il a paffé des mains de M. Flechier à celles de l'ancien Evêque d'Avranches M. Huët, qui le laiffera aux P P. Jefuites de la rue S. Antoine, donataires de fes autres livres & papiers. On a imprimé des recueils entiers d'Epigrammes la plupart Françoises contre Chapelain. Celle ci qui eft Latine n'est

dans aucun.

Que dempfere tibi fomnum vigilata tot annos Carmina, nunc nobis hunc, Capellane,cient

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