CHAPELAIN. L'éclat de mes grands vers fut mon seul partifan. LA SERRE. Parlons-en mieux : le Roi fait honneur à ton âge. CHAPELAIN. Le Roi, quand il en fait, le mefure à l'Ou Et vrage. LA SERRE. Qui ne les obtient point, ne les merite pas Ne le mérite pas, moi? CHAPELAIN. Téméraire vieillard, aura fa récompenses Il lui arrache fa perruque. CHAPELAIN: Acheve, & prends ma tête après un tel af front, Le premier dont ma Mufe a vû rougir fon front. LA SERRE. Et que penfes-tu faire avec tant de foibleffe? CHAPELA IN. O Dieux! mon Apollon en ce befoin me laiffe. LA SER RE. Ta perruque eft à moi, mais tu ferois trop vain , Si ce fale trophée avoit fouillé ma main. Adieu fais lire au peuple, en dépit de Li niére, Mop nom feul au Palais nourrit trente fa milles ; Les Marchands fermeroient leurs boutiques fans moi, Et s'ils ne m'avoient plus, ils n'auroient plus d'emploi : Chaque heure, chaque inftant fait fortir de ma plume Cayers deffus cayers, volume fur volume. Il deviendroit Auteur en me regardant faire. rence, Un Monarque entre nous met de la diffe rence. LA SERRE. CHAPELAIN. Qui fait mieux compofer en eft bien le plus digne. CHAPELAIN. Tu l'as gagné par brigue étant vieux Cour Malgré le choix du Roi, m'en a fü rendre indigne. Et toi de mes travaux glorieux instrument, Mais d'un efprit de glace inutile ornement; Plume jadis vantée,& qui dans cette offense M'as fervi de parade, & non pas de défenfe, Va, quitte deformais le dernier des humains, Paffe pour me vanger en de meilleures mains, Si Caffagne a du cœur, & s'il eft mon ouvrage, Voici l'occafion de montrer fon courage: Son efprit est le mien, & le mortel affront Qui tombe fur mon chef, rejaillit fur fon front. SCENE III. CHAPELAIN, CASSAGNE C CHAPELAIN. Affagne as-tu du cœur ? CASSAGNE. Tout autre que mon Maître L'éprouveroit fur l'heure. CHAPEL AIN. Ah! c'eft comme il faut être, Digne reffentiment à ma douleur bien doux, Je reconnois ma verve à ce noble couroux. Ma jeuneffe revit en cette ardeur fi prompte. Mon difciple, mon fils, viens reparer ma honte. Viens me vanger. CASSAGNE. Gy CHAPELAIN. D'un affront fi cruel, Qu'à l'honneur de tous deux il porte un coup mortel. D'une infulte. Le traître eût payé la per ruque Un quart d'écu du moins fans mon âge caduc. a Ma plume que mes doigts ne peuvent foûtenir, Je la remets aux tiens pour écrire & punir. Va contre un infolent faire un bon gros Ou vrage, C'est dedans l'encre feul b qu'on lave un tel outrage, Rime, ou creve. Au furplus pour ne te point flatter, Je te donne à combattre un homme à re. douter: Je l'ai vu fort poudreux aux milieu des Libraires Se faire un beau rempart de deux mille exemplaires. CASSAGNE. Son nom; c'eft perdre tems en difcours fuperflus. Donc CHAPELA IN. pour te dire encore quelque chofe de plus: On difoit autrefois caduque tant au mafculin qu'au féminin. Aujourd'hui caduque n'eft que féminin. Le mafculin c'eft caduc. Age caduc. Mais le Poëte faifant ici parler Chapelain Auteur furanné a fort bien pû, conformément à l'ancien ufage,lui faire dire âge caduque. Richelet dans fon Dictionnaire a fait caduque des deux genres, en quoi il s'eft trompé. b Encre feut pour fonde, faute exprès affectée en la perfonne de Chapelain. Plus enflé que Boyer, plus bruyant qu'un CHAPELAIN. Ne replique point, je connois ton fatras . Combats fur ma parole, & tu l'emporteras, Donnant pour des cheveux ma Pucelle cn échange, J'en vais chercher, barbouille, écris, rims, & nous vange. SCENE IV. CASSAGNE feul. Ercé jufques au fond du cœur audi-bien que mortelle, Si près de voir couronner mon ardeur, En cet affront la Serre eft le tondeur, a Voiez touchant le caractére de Boyer la petite Comédie de Bourfault, intitulée la Satire des Satires, Pag. 35. & 36. b Le fatras dont tu es capable. Pierre le Févre Curé de Mérai dans fon Art de pleine Rhétorique fait mention d'une poëfie de fon tems nommée fatras, où un même vers étoit fouvent répeté. |