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le Cardinal de Rets qui tenoit table ou verte. Un jour pour y avoir une place commode, il se tint en bas; & à mesure qu'il voioit arriver quelqu'un pour dîner, il difoit, Et feize; voulant faire con noître par là qu'il y avoit déja quinze perfonnes, que celui qui arrivoit étoit le feiziéme. Ce fut de cette maniere qu'il éloigna tous ceux qui fe préfenterent. M. le Cardinal venant pour le mettre à table fut fort étonné de voir fi peu d'hôtes. Alors M. de Boifrobert lui ra conta de quelle maniere il s'y étoit pris pour les chaffer afin d'avoir place; & la chofe fe paffa en plaifanterie.

M. de Boifrobert avoit des très beaux talens pour la déclamation. Le ton de la voix étoit agréable,il avoit le gefte beau, beaucoup de feu, & il entroit fi bien dans la paffion qu'il vouloit repréfenter, qu'on en étoit charmé, auffi aimoit-il paffionnément les piéces tragiques, & particulierement lorfque Mondori y jouoit fon rêle Mondori étoit un des plus habiles Co

Le Comedien la Rancune dans le Roman Co. mique de Scarron, Tom. I. c. 5. trouvoit à redire en tous ceux de fa profeffion. Belleroze étoit trop affecté, Mondori rude, Floridor trop froid. La Tragedie, au reste, dont il eft ici parlé, & où Mondori repréfentoit le principal perfonnage, étoit la Mariane. Ce que le mefme Scarron chap. 2. du Tom. cité donne à entendre, lorf. qu'il dit que dans la repréfentation de ceste piece le

mediens de fon tems, & la reputation qu'il s'étoit acquife jufqu'alors, s'augmentoit fi fort à l'occalion d'une Tragedie que l'on repréfentoit à l'Hôtel de Bourgogne, où il faifoit le principal perfonnage, que M. le Cardinal de Richelieu voulut l'entendre. En effet il le fit venir pour être témoin lui-même de tout le bien qu'on lui en avoit dit. Mon.. dori joua fon rôle devant ce Miniftre, où il fe furpaffa de telle forte, que le Cardinal ne put s'empêcher de verfer des larmes dans les endroits les plus touchans. Boifrobert qui y étoit préfent, dit à M. le Cardinal qu'il feroit enco re mieux & même en présence de Mondori. Le jour fut pris, Mondori s'étant trouvé chez M. le Cardinal 9 l'Abbé de Boifrobert déclama avec tant de force, & entra fi bien dans la paffion qu'il repréfentoit que Mondori lui-même tout bon Comédien qu'il étoit, ne put lui refufer des larmes, en entendant déclamer le mê

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Comédien Deftin, qui faifoit Hérode, recita du ton de Mondor.

Fantôme injurieux qui trouble mon repos.

Vers, pour le dire en paffant, que Richelet attri bue mal à propos à Corneille, n'y ayant perfonne qui pe fache que la Mariane eft de Tristan,

me rôle devant lui. Cette paffion qu'il avoit pour la déclamation, & pour les vers n'empêchoit pas qu'il n'aimât le jeu extraordinairement. 11 perdit une fois dix mille écus contre M. le Duc de Roquelaure. Ce Duc qui aimoit l'argent voulut être paié ; & ce fut M. de Bautru qui fit l'accommodement. L'Abbé de Boifrobert vendit ce qu'il avoit, dont il fit quatorze mille francs. M de Bautru dit à M. le Duc de Roquelaure en lui donnant cette fomme qu'il falloit qu'il lui remît le furplus, & que l'Abbé de Boifrobert en reconnoiffance, feroit une Ode à fa louange, mais la plus méchante qu'il pourroit. Quand on saura dans le monde,ajouta-t-il, que M. le Duc de Roquelaure aura fait préfent de feize mille francs pour une fi méchante piéce, que ne préfumera-t-on pas qu'il eût fait pour une bonne ?

Ce fut auffi M. de Bautru qui fit fon accommodement auprès de M. le Cardinal de Richelieu. L'Abbé de Boifrobert fut foupçonné de débauche infame, &

* C'cft ce qui acquit à Boifrobert le nom d'Abbé Mondori. Voiez Coftar dans les deux endroits ci-deffus alleguez Balzac au contraire Tom. 2. de fes œuvres in folio. pag. 683. parlant de Malherbe le plus mauvais recitateur du monde dit qu'on le nommoit l'Anti-Mondori.

Tome I.

B

fes ennemis qui ne cherchoient que cette occafion, le firent chaffer d'auprès du Cardinal. Il s'adreffa à M. de Bautru qui avoit du credit auprès de ce Miniftre, pour le faire rentrer chez fon patron. Après plufieurs chofes qu'il lui repréfenta pour fa juftification: Si vous aviez vû, dit-il à M. Bautru, la perfonne au fujet de qui l'on m'accufe, vous en sericz furpris. Il ne faut que la voir pour connoître mon innocence. Bon, repli qua M. de Bautru, fa laideur vous excufe-t-elle ? vous n'en êtes que plus coupable. Allez, allez, je ferai vôtre paix.

Ce panchant de l'Abbé de Boifrobert lui a fouvent été reproché par de bons mots & des traits piquans. Celui-ci de nôtre Auteur dans fa Requête des Dictionnaires eft aflez fenfible.

De combien de mots mafculins
A-t-on fait des mots feminins?
Tous vos Puriftes font la figue,
A quiconque dit un intrigue,
Ils veulent malgré la raifon
Qu'on dife aujourd'hui ia poisen ;
Une Epitaphe, une Epigramme,
Une navire, une Anagramme
Une reproche, une Duché,

?

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Une menfonge, une Evêché,
Une évantaille, une fquelette,

La doute, une hymne, une Epithête.
Et le délicat SERIZAY

Eût chaque mot feminife,
Sans refpect ni d'Analogic,
Ni d'aucune étimologie,

Pour condefcendre au doux HABERT, Sans que L'A B BE' DE BOISROBERT, Ce premier Chanfonnier de France, Favori de fon Eminence

Cet admirable Patelin

Aimant le genre masculin,
S'opposât de tout fon courage

A cet efféminé langage.

A quoi j'ajoute ce paffage d'une lettre de Scarron à Marigny. Quand je fonge que j'étois né aßez bien fait pour avoir merité les refpects des Boifroberts de mon tems &c.

J'ai eu en communication pendant deux jours un vieux Roman manufcrit in folio, ancien de près de 400 ans, intitulé Le Renard contrefait, c'eft-àdire le Renard reprefenté, parce que l'Auteur y fuppofe que le Lion Roi des animaux les aiant tous mandez à fa Cour le Renard s'y rend des premiers. Que

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