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Bibliotheque entiere de tout ce qu'on avoit écrit pour & contre lui.

On peut bien s'imaginer qu'aiant traité tant de manieres différentes dans un fi grand nombre d'ouvrages qu'il nous a donnez, il étoit impoffible qu'il ne se rencontrât des gens d'un fentiment contraire au fien. En effet, quelques uns l'ont attaqué par écrit, comme M. l'Abbé d'Aubignac, M. Gilles Boileau, M. Cotin, M. de Salo, le P. Bouhours, & M. Baillet.

Dans la conteftation qu'il y eut entre lui & M. d'Aubignac, il ne s'agiffoit que de favoir combien d'heures avoit duré l'action de l'Heautontimorumenos de Térence. Cette difpute, qui commença en 1640, & qui paroiffoit de peu d'importance, ne laifla pas de durer plufieurs années, & donna occafion à des volumes entiers de part & d'autre.

Celle que feu M. Boileau lui fit n'étoit que fur fon Eglogue à la Reine de Suede, où il prétendoit que cette Princeffe n'étoit pas affez louée; que les vers en étoient trop pompeux pour une Eglogue, & que d'ailleurs ils étoient pillez de toutes parts.

A l'égard de M. l'Abbé Cotin, fa Mé nagerie n'eut pas grand cours. Il n'avoit

fait cette Satire que pour fe venger de quelques vers Latins qu'il difoit lui être très injurieux.

Le différend qu'il eut avec M. de Salo, ne vint que de ce que celui-ci avoit mal parlé d'Amanitates furis dans fon Journal de 1665. ce qui donna lieu à M. Ménage dans la Préface de fes Obfervations fur Malherbe, de traiter le journal des Savans de gazette & de billevezées hebdomadaires.

Le démêlé du P. Bouhours avec M. Ménage fut un peu aigre dans le commencement mais il fe paffa le plus honnêtement du monde de part & d'autre dans la fuite; & fi leur amitié en fut un peu alterée, il ne manqua rien à la fincerité de la réconcilia

tion.

La querelle de M. Baillet n'eut pas le même fuccès. M. Menage publia fon Anti-Baillet pour répondre à quelques jugemens defavantageux que M. Baillet avoit recueillis contre fes Ouvrages, & particulierement contre fes Poëties. On confeilla à M. Ménage de faire imprimer cette Réponse: & comme on fai. foit quelque difficulté de lui en accorder la permiffion, il fe réfolut, ne pouvant plus fortir à caufe de fon incommodi

té, d'en écrire à M. le Chancelier. Il le prioit de l'excufer, s'il ne pouvoit pas aller lui-même lui demander cette grace: Je fais, Monfeigneur, ajoûtoit-il, qu'il faut marcher droit devant vous & je ne fuis pas en état de le faire.... Elle lui fut refufée, parce que des perfonnes de confidération qui lui étoient oppofées, s'en mêlérent, & ce livre parut imprimé en Hollande peu de tems après. Dans la fuite on parla d'un accommodement qui fe devoit faire entre M. Ménage & M. Baillet, & on ne fait pas bien ce qui fut caufe qu'il ne se fit pas. On croit qu'il y a toûjours eu dans le cœur de l'un & de l'autre une difpofition très-prochaine à l'union, & à un parfait oubli de tout ce qui s'étoit paffé de part & d'autre.

On peut dire que toutes ces difputes n'ont jamais rien diminué de la réputation que M. Ménage s'étoit acquife par fes ouvrages. Il eut, comme on a déja dit, une place dans l'Académie de la Crufca ; & il auroit pû en avoir une dans l'Académie Françoife dès le tems de fon inftitution, fans fa Requête des Dictionnaires, par laquelle on difoit qu'il s'en étoit rendu indigne; fur quoi M. de Mommor, Maître des Requêtes, dit

fort plaifamment, que c'étoit par cette raifon qu'il faloit le condanner à en être, comme on condanne un homme, qui a deshonoré une fille, à l'époufer.

La plupart des Académiciens qui étoient nommez dans cette Requête étant morts, il fut propofé en 1684,pour remplir une place vacante dans cette célebre Compagnie, & il n'en fut exclus que par la rencontre d'un Compétiteur appuié de perfonnes puiffantes: puifque de tous ceux qui ne donnérent pas leur voix à M. Ménage, il n'y en eut pas un feul qui ne reconnût qu'il la méritoit.

Après la mort de M. le Cardinal de Rets, il tint réglément chez lui tous les Mércredis de chaque femaine une affemblée qu'il appeloit fa Mercuriale où il eut la fatisfaction de voir toûjours un grand concours de gens de Lettres, tant François qu'Etrangers. Les autres jours il alloit affidûment au cabinet de M. du Puy, & depuis leur mort, à celui de M. de Thou.

Quelque tems après étant à genoux à Notre-Dame un Vendredi Saint, il fe démit la cuifle en voulant fe relever; & depuis étant à Vitri ehez M. l'Abbé Parfait fon hôte, en voulant defcendre quatre degrez feulement, le pied lui man

qua; & quoiqu'il eût une canne à la main, il fit une chute qui lui démit l'épaule, ce qui lui faifoit dire quelquefois en riant, qu'il étoit une bête épaulée. Toutes ces incommoditez le mirent hors d'état de pouvoir fortir de sa chambre, & alors il tenoit tous les jours une espèce de petite Académie.

Il parloit beaucoup, & aimoit à débiter ce qu'il favoit : & s'il répétoit quelquefois les mêmes chofes, c'étoit toujours avec quelque circonftance nouvelle qui faifoit plaifir à ceux qui alloient l'entendre. Sa mémoire prodigieufe lui fourniffoit toujours une infinité de belles chofes fur tous les fujets dont on venoit à parler dans fon affemblée : & com me il avoit eu les plus belles connoiffances de la Cour, de la Ville & des Provinces, il favoit quantité de faits, de bons mots & de particularitez qui ne pouvoient être fçues que de peude per. fonnes, & dont il divertiffoit fon affemblée. Une étude continuée pendant toute la vie, & tant de correspondances qu'il avoit avec tous les favans & grands hommes de l'Europe, à qui il écrivoit & dont il recevoit des lettres tous les jours, étoit un fond inépuifable pour les penfées d'érudition qu'il mêloit

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