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clémence, ce Prince ne put oublier la conduite audacieuse que les foldats Noirs avoient tenue à Miquenes, & il prit des méfures pour se débarraffer de cette foldatefque turbulente, dont fon père avoit fi fouvent éprouvé l'avarice & l'inconf tance, & dont l'entretien devenoit tous les jours plus onéreux. Le tréfor, épuifé, ne pouvoit fournir, que difficilement à la folde des troupes; la campagne ravagée par les fauterelles en 1779, & par trois années confécutives de féchereffe qui augmentoient la misère & le befoin, ne permettoit plus aux peuples de fubvenir aux impofitions que le tems & les circonftances avoient multipliées. Il ne reftoit qu'environ dix millions de livres d'épargnes dans le tréfor de l'Etat, & il en falloit plus de quatre, tous les ans, pour entretenir, dans ces tems de calamité, trente ou trentecinq mille cavaliers Noirs. Dans cette fituation embarraffante, l'Empereur prit le parti, en 1780, de licencier une partie de ces étrangers, de l'inquiétude defquels il avoit tout à craindre. Pour déguifer fa réfolution & prévenir les inconvéniens qui pouvoient en réfulter, il fit partir les Noirs par détachemens, fous prétexte d'aller réfider dans les provinces ; & puis, envoyant un contre-ordre par des détachemens plus forts, il les fit défarmer, & leur affigna des terres dans

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différentes contrées, affez éloignées les unes des autres pour n'avoir rien à craindre de leur intelligence. Ce Prince n'a confervé qu'une partie de ces mêmes foldats dont il connoiffoit la fidélité des Chefs; de forte que, dans le cours de foixante ans, les cent mille Noirs armés, que Muley Ifmaël a laiffés après lui, & les généra tions qui en font réfultées, fe réduifent à environ quinze mille foldats; tout le reste a difparu.

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Evènemens particuliers du régne de Sidi Mahomet.

Après que Sidi Mahomet eut employé les premiers inftans de fon régne au rétablissement du commerce de fes Etats, ee Souverain fit fucceffivement des incurfions dans les provinces voifines des montagnes, pour y faire respecter fa puiffance; mais ces expéditions, dirigées par des -convenances d'intérêt & par des motifs de conciliation & de paix, n'ont jamais eu ce caractère impétueux & féroce, dont les peuples avoient fi fouvent éprouvé les effets fous le régne de fes ancêtres.

A peine ce Prince eut-il raffemblé, en 1767 & 1768, une quantité de mortiers & de canons, qu'il fe difpofa, au commencement de 1769, à faire le fiége de Mazagan, que les Portugais

avoient réfolu d'évacuer, & qui fe rendit dans le mois de Mars de la même année, comme on l'a vu au chapitre VI du troifième livre. Sidi Mahomet, flatté de cette conquête, qui infpiroit à l'Europe une plus grande idée de fa puiffance, & à fes peuples plus de vénération, médita des projets plus ambitieux. Ayant permis de nouyelles extractions de bleds, depuis 1771 jufqu'à la fin de 1773, il fit de nouveaux amas de mortiers & de canons; &, comme s'il eût borné là fes deffeins, il paffa dans le nord de fon Empire & fit quelques féjour à Rabat & à Salé. Les préventions que ce Prince avoit confervées contre ces deux villes, qui, dans les anciennes révolutions, avoient marqué de l'éloignement pour fon père, fervirent de prétexte à la recherche qu'il fit des biens & des maifons qui avoient appartenu au domaine, & il revendiqua cette vafte enceinte qui, depuis le règne de Jacob Almonfor, après avoir fouvent changé de maître, avoit été embellie par des jardins & par un magnifique vignoble (1). Outre ce terrein

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(1) Quand ce vignoble étoit en valeur, on avoit fix livres de très-bon raifin pour une blanquille, qui vaut 3 fous & 4 deniers; & en 1775, la livre de raifin coutoit 6 blanquilles, qui vaient vingt fous; il augmenta dans la proportion d'un à trente-fix.

précieux, les habitans de Rabat perdirent encore plufieurs maifons, & furent même exposés à la licence des foldats, qui, dans ces momens de prévention, voloient impunément leurs troupeaux, leurs fruits & leurs moiffons. Sidi Mahomet fit aligner dans cet emplacement, appelé Guadel, qui, dans l'idiome du pays, veut dire référve, une nouvelle ville, à laquelle on donna le même nom, qui fut habitée par cinq mille familles de foldats Noirs. Guadel, que ce Prince fit embellir de plufieurs mofquées & édificés publics, fe trouve actuellement déferte, & toutes les habitations en ont été ruinées, lorfque, par des motifs politiques, les Noirs ont été licenciés & difperfés. Cette ville, à peine achevée en 1776, n'étoit plus, en 1781, qu'un affemblage hideux de ruines qui fembloit avoir échappé à la fureur des élémens & des hommes. Le Souverain, par un retour de juftice, a permis enfuite à chaque particulier de rentrer dans fes propriétés; mais le fouvenir d'une oppreffion auffi récente, a détourné les habitans de Rabat de reprendre des poffeffions dont ils ne connoiffent plus les limites, & dont les titres même ne font plus en leur pouvoir.

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Ce ne fut que dans le courant de 1774 que I'Empereur développa les projets qu'il avoit

fecrètement médités. Il raffembla alors, dans le centre de fon Empire, des troupes, de l'artillerie & des munitions, &, après avoir déguifé fes vues fous des prétextes d'hoftilités, tantôt contre la ville de Fez, tantôt contre les Montagnards, il fe mit en marche pour aller faire le fiège de Mélille. Ce Prince prétendoit, telles furent fes expreffions, n'avoir la paix que par mer avec fon ami Don Carlos, avec qui il défiroit la maintenir, mais qu'il ne l'avoit pas par terre. Cette diftinction, qui tenoit du caractère national, & qui n'étoit fondée que fur l'efpérance du fuccès, offensa vivement la Cour d'Espagne; elle envoya de prompts fecours à la défenfe de cette place, & rompit toute liaison avec la Cour de Maroc. Sidi Mahomet auroit pu facilement s'emparer de Mélille, s'il l'eût attaquée d'abord avec quelque vigueur, parce que cette place, fur la foi de la paix, n'avoit qu'une foible garnifon; mais le Général Sherlof, y étant entré avec fept à huit cents hommes, fit une fi belle défenfe que l'Empereur eut à fe repentir d'une entreprife qui n'eut aucun fuccès, qui lui coûta infiniment, & que les Maures, peut-être, défapprouvoient fecrètement. Ce Prince fut obligé d'éloigner fon camp, foudroyé par le canon de la place & par les volées de quelques frégates,

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