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Où tu vois tes égaux à tes pieds abattus.

MAHOMET.

Des égaux! dès longtemps Mahomet n'en a plus.
Je fais trembler la Mecque, et je règne à Médine;
Crois-moi, reçois la paix, si tu crains ta ruine.

ZOPIRE.

La paix est dans ta bouche, et ton cœur en est loin : Penses-tu me tromper?

MAHOMET.

Je n'en ai pas besoin.

C'est le faible qui trompe, et le puissant commande.
Demain j'ordonnerai ce que je te demande;
Demain je puis te voir à mon joug asservi:
Aujourd'hui Mahomet veut être ton ami.

ZOPIRE.

Nous amis! nous, cruel! ah! quel nouveau prestige! Connais-tu quelque dieu qui fasse un tel prodige?

MAHOMET.

J'en connais un puissant, et toujours écouté,

Qui te parle avec moi.

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Avant qu'un tel nœud nous rassemble,

Les enfers et les cieux seront unis ensemble.
L'intérêt est ton dieu, le mien est l'équité;
Entre ces ennemis il n'est point de traité.
Quel serait le ciment, réponds-moi, si tu l'oses,
De l'horrible amitié qu'ici tu me proposes?
Réponds; est-ce ton fils que mon bras te ravit?
Est-ce le sang des miens que ta main répandit?

MAHOMET.

Oui, ce sont tes fils même. Oui, connais un mystère
Dont seul dans l'univers je suis dépositaire :
Tu pleures tes enfants, ils respirent tous deux.

ZOPIRE.

Ils. vivraient qu'as-tu dit? ô ciel! ô jour heureux ! Ils vivraient! c'est de toi qu'il faut que je l'apprenne!

MAHOMET.

Élevés dans mon camp, tous deux sont dans ma chaîne.

ZOPIRE.

Mes enfants dans tes fers! ils pourraient te servir!

MAHOMET.

Mes bienfesantes mains ont daigné les nourrir.

ZOPIRE.

Quoi! tu n'as point sur eux étendu ta colère ?

MAHOMET.

Je ne les punis point des fautes de leur père.

ZOPIRE.

Achève, éclaircis-moi, parle, quel est leur sort?

MAHOMET.

Je tiens entre mes mains et leur vie et leur mort;
Tu n'as qu'à dire un mot, et je t'en fais l'arbitre.

ZOPIRE.

Moi, je puis les sauver! à quel prix? à quel titre?
Faut-il donner mon sang? faut-il porter leurs fers?

MAHOMET.

Non, mais il faut m'aider à tromper l'univers;
Il faut rendre la Mecque, abandonner ton temple,
De la crédulité donner à tous l'exemple,
Annoncer l'Alcoran aux peuples effrayés,

Me servir en prophète, et tomber à mes pieds:
Je te rendrai ton fils, et je serai ton gendre.

ZOPIRE.

Mahomet, je suis père, et je porte un cœur tendre.

Après quinze ans d'ennuis, retrouver mes enfants,
Les revoir, et mourir dans leurs embrassements,
C'est le premier des biens pour mon âme attendrie:
Mais s'il faut à ton culte asservir ma patrie,

Ou de ma propre main les immoler tous deux,
Connais-moi, Mahomet, mon choix n'est pas douteux.
Adieu.

MAHOMET, seul.

Fier citoyen, vieillard inexorable,

Je serai plus que toi cruel, impitoyable.

Dans une autre scène de cette tragédie, Zopire reproche à Omar, lieutenant de Mahomet, d'avoir déserté ses dieux et ses lois pour servir le faux prophète, il lui rappelle la basse origine de Mahomet. Omar répond:

À tes viles grandeurs ton âme accoutumée

Juge ainsi du mérite, et pèse les humains

Au poids que la fortune avait mis dans tes mains.
Ne sais-tu pas encore, homme faible et superbe,
Que l'insecte insensible enseveli sous l'herbe,
Et l'aigle impérieux qui plane au haut du ciel,
Rentrent dans le néant aux yeux de l'Éternel?
Les mortels sont égaux; ce n'est point la naissance,
C'est la seule vertu qui fait leur différence.

Il est de ces esprits favorisés des cieux,

Qui sont tout par eux-mêmea, et rien par leurs aïeux.
Tel est l'homme, en un mot, que j'ai choisi pour maître;
Lui seul dans l'univers a mérité de l'être ;
Tout mortel à sa loi doit un jour obéir,
Et j'ai donné l'exemple aux siècles à venir.

a Eux-même, au lieu de eux-mêmes, par licence poétique. Voyez dans le Traité de versification française, les remarques sur la césure et l'hémistiche.

FRAGMENT DE MÉROPE,

TRAGÉDIE.

La scène est à Messène, dans le palais de Mérope.

À la mort du roi Cresphonte, Polyphonte, tyran de Messène, osa prétendre à la couronne. Dans la scène suivante, il déclare ses projets ambitieux à la reine Mérope, veuve de Cresphonte.

ACTE I. SCÈNE III.

MEROPE, POLYPHONTE.

POLYPHONTE.

MADAME, il faut enfin que mon cœur se déploie.
Ce bras qui vous servit m'ouvre au trône une voie ;
Et les chefs de l'état, tout prêts de prononcer,
Me font entre nous deux l'honneur de balancer.
Des partis opposés qui désolaient Messène,

Qui versaient tant de sang, qui formaient tant de haines,
Il ne reste aujourd'hui que le vôtre et le mien.
Nous devons l'un à l'autre un mutuel soutien :

Nos ennemis communs, l'amour de la patrie,
Le devoir, l'intérêt, la raison, tout nous lie;
Tout vous dit qu'un guerrier, vengeur de votre époux,
S'il aspire à régner, peut aspirer à vous.

Je me connais; je sais que, blanchi sous les armes,
Ce front triste et sévère a pour vous peu de charmes ;
Je sais que vos appas, encor dans leur printemps,
Pourraient s'effaroucher de l'hiver de mes ans ;
Mais la raison d'état connaît peu ces caprices;
Et de ce front guerrier les nobles cicatrices
Ne peuvent se couvrir que du bandeau des rois.
Je veux le sceptre et vous pour prix de mes exploits.
N'en croyez pas, madame, un orgueil téméraire :
Vous êtes de nos rois et la fille et la mère;

Mais l'état veut un maître, et vous devez songer
Que pour garder vos droits, il les faut partager.
MÉROPE.

Le ciel, qui m'accabla du poids de sa disgrâce,
Ne m'a point préparée à ce comble d'audace.
Sujet de mon époux, vous m'osez proposer
De trahir sa mémoire et de vous épouser?
Moi, j'irais de mon fils, du seul bien qui me reste,
Déchirer avec vous l'héritage funeste?

Je mettrais en vos mains sa mère et son état,
Et le bandeau des rois sur le front d'un soldat?

POLYPHONTE.

Un soldat tel que moi peut justement prétendre
À gouverner l'état quand il l'a su défendre.
Le premier qui fut roi fut un soldat heureux;
Qui sert bien son pays n'a pas besoin d'aïeux.
Je n'ai plus rien du sang qui m'a donné la vie;
Ce sang s'est épuisé, versé, pour la patrie;

Ce
sang coula pour vous; et, malgré vos refus,
Je crois valoir au moins les rois que j'ai vaincus :
Et je n'offre en un mot à votre âme rebelle
Que la moitié d'un trône où mon parti m'appelle.
MÉROPE.

Un parti! vous, barbare, au mépris de nos lois!
Est-il d'autre parti que celui de vos rois?
Est-ce là cette foi si pure et si sacrée,

Qu'à mon époux, à moi, votre bouche a jurée?
La foi que vous devez à ses mânes trahis,

À

sa veuve éperdue, à son malheureux fils, À ces dieux dont il sort, et dont il tient l'empire?

POLYPHONTE.

Il est encor douteux si votre fils respire.

Mais quand du sein des morts il viendrait en ces lieux
Redemander son trône à la face des dieux,

Ne vous y trompez pas, Messène veut un maître
Éprouvé par le temps, digne en effet de l'être;

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