Où tu vois tes égaux à tes pieds abattus. MAHOMET. Des égaux! dès longtemps Mahomet n'en a plus. ZOPIRE. La paix est dans ta bouche, et ton cœur en est loin : Penses-tu me tromper? MAHOMET. Je n'en ai pas besoin. C'est le faible qui trompe, et le puissant commande. ZOPIRE. Nous amis! nous, cruel! ah! quel nouveau prestige! Connais-tu quelque dieu qui fasse un tel prodige? MAHOMET. J'en connais un puissant, et toujours écouté, Qui te parle avec moi. Avant qu'un tel nœud nous rassemble, Les enfers et les cieux seront unis ensemble. MAHOMET. Oui, ce sont tes fils même. Oui, connais un mystère ZOPIRE. Ils. vivraient qu'as-tu dit? ô ciel! ô jour heureux ! Ils vivraient! c'est de toi qu'il faut que je l'apprenne! MAHOMET. Élevés dans mon camp, tous deux sont dans ma chaîne. ZOPIRE. Mes enfants dans tes fers! ils pourraient te servir! MAHOMET. Mes bienfesantes mains ont daigné les nourrir. ZOPIRE. Quoi! tu n'as point sur eux étendu ta colère ? MAHOMET. Je ne les punis point des fautes de leur père. ZOPIRE. Achève, éclaircis-moi, parle, quel est leur sort? MAHOMET. Je tiens entre mes mains et leur vie et leur mort; ZOPIRE. Moi, je puis les sauver! à quel prix? à quel titre? MAHOMET. Non, mais il faut m'aider à tromper l'univers; Me servir en prophète, et tomber à mes pieds: ZOPIRE. Mahomet, je suis père, et je porte un cœur tendre. Après quinze ans d'ennuis, retrouver mes enfants, Ou de ma propre main les immoler tous deux, MAHOMET, seul. Fier citoyen, vieillard inexorable, Je serai plus que toi cruel, impitoyable. Dans une autre scène de cette tragédie, Zopire reproche à Omar, lieutenant de Mahomet, d'avoir déserté ses dieux et ses lois pour servir le faux prophète, il lui rappelle la basse origine de Mahomet. Omar répond: À tes viles grandeurs ton âme accoutumée Juge ainsi du mérite, et pèse les humains Au poids que la fortune avait mis dans tes mains. Il est de ces esprits favorisés des cieux, Qui sont tout par eux-mêmea, et rien par leurs aïeux. a Eux-même, au lieu de eux-mêmes, par licence poétique. Voyez dans le Traité de versification française, les remarques sur la césure et l'hémistiche. FRAGMENT DE MÉROPE, TRAGÉDIE. La scène est à Messène, dans le palais de Mérope. À la mort du roi Cresphonte, Polyphonte, tyran de Messène, osa prétendre à la couronne. Dans la scène suivante, il déclare ses projets ambitieux à la reine Mérope, veuve de Cresphonte. ACTE I. SCÈNE III. MEROPE, POLYPHONTE. POLYPHONTE. MADAME, il faut enfin que mon cœur se déploie. Qui versaient tant de sang, qui formaient tant de haines, Nos ennemis communs, l'amour de la patrie, Je me connais; je sais que, blanchi sous les armes, Mais l'état veut un maître, et vous devez songer Le ciel, qui m'accabla du poids de sa disgrâce, Je mettrais en vos mains sa mère et son état, POLYPHONTE. Un soldat tel que moi peut justement prétendre Ce Un parti! vous, barbare, au mépris de nos lois! Qu'à mon époux, à moi, votre bouche a jurée? À sa veuve éperdue, à son malheureux fils, À ces dieux dont il sort, et dont il tient l'empire? POLYPHONTE. Il est encor douteux si votre fils respire. Mais quand du sein des morts il viendrait en ces lieux Ne vous y trompez pas, Messène veut un maître |