Albe à son tour commence à craindre un sort contraire ; Elle crie au second qu'il secoure son frère: Il se hâte et s'épuise en efforts superflus; Il trouve en les joignant que son frère n'est plus. Hélas! CAMILLE. VALÈRE. Tout hors d'haleine il prend pourtant sa place, Et redouble bientôt la victoire d'Horacea: Son courage sans force est un débile appui ; Voulant venger son frère, il tombe auprès de lui. L'air résonne des cris qu'au ciel chacun envoie ; Albe en jette d'angoisse, et les Romains de joie. Comme notre héros se voit près d'achever, C'est peu pour lui de vaincre, il veut encor braver "J'en viens d'immoler deux aux mânes de mes frères, Rome aura le dernier de mes trois adversaires, C'est à ses intérêts que je vais l'immoler," Dit-il; et tout d'un temps on le voit y voler. La victoire entre eux deux n'était pas incertaine : L'Albain percé de coups ne se traînait qu'à peine, Et comme une victime aux marches de l'autel, Il semblait présenter sa gorge au coup mortel: Aussi le reçoit-il, peu s'en faut, sans défense, Et son trépas de Rome établit la puissance. LE VIEIL HORACE. Ô mon fils! ô ma joie! ô l'honneur de nos jours! Quand pourrai-je étouffer dans tes embrassements a Redouble la victoire, geminatâ victoria, expression plus latine que française.-La Harpe. SCÈNE V. CAMILLE, HORACE. Le monologue de Camille n'est que le prélude de ses ressentiments; ils vont monter jusqu'à la fureur, exaltée par la férocité d'Horace victorieux, qui interdit la plainte à sa sœur, et lui ordonne même d'étouffer son amour. Donne-moi donc, barbare, un cœur comme le tien ; Ne cherche plus ta sœur où tu l'avais laissée; Puissent tant de malheurs accompagner ta vie, HORACE. Ô ciel! qui vit jamais une pareille rage! CAMILLE. Rome, l'unique objet de mon ressentimenta! Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant! a L'imprécation de Camille a toujours passé pour la plus belle qu'il y ait au théâtre. D Rome, qui t'a vu naître, et que ton cœur adore! Que l'Orient contre elle à l'Occident s'allie; FRAGMENTS DE CINNA, OU LA CLÉMENCE d'auguste, TRAGÉDIE. Cinna, petit-fils de Pompée, conspira contre Auguste (l'an 4 de J.-C.). L'empereur lui pardonna et le mit au nombre de ses amis. Ce trait de clémence est le sujet d'une des plus belles tragédies de Corneille. Personnages. OCTAVE-CÉSAR-AUGUSTE, empereur de Rome. La scène est à Rome. ACTE I. SCÈNE III. CINNA développe les projets des conjurés. Ce discours est un des plus beaux morceaux d'éloquence que nous avons dans notre langue. Plût aux dieux que vous-même eussiez vu de quel zèle Au seul nom de César, d'Auguste, d'empereur, Amis," leur ai-je dit, "voici le jour heureux Qui doit conclure enfin nos desseins généreux : Combien, pour le répandre, a-t-il formé de brigues, Là, par un long récit de toutes les misères Où les meilleurs soldats et les chefs les plus braves a “ Ont enduré paraît une faute aux grammairiens. Je ne suis point du tout de leur avis; il serait ridicule de dire les misères qu'ont souffertes nos pères, quoiqu'il faille dire les misères que nos pères ont souffertes. S'il n'est pas permis à un poëte de se servir en ce cas du participe absolu, il faut renoncer à faire des vers."VOLTAIRE. Où, pour mieux assurer la honte de leurs fers, Le fils tout dégouttant du meurtre de son père, * C'est bien là ce qui arriva entre les armées romaines, lorsqu'elles combattaient l'une pour Othon, l'autre pour Vitellius. On lit dans les histoires de Tacite, livre ii. § 56, après la peinture d'un furieux combat entre deux légions de Vitellius et d'Othon: "Enfin les députés reviennent, et les portes du camp sont ouvertes. Alors vainqueurs et vaincus fondent en larmes, et maudissent, dans l'épanchement d'une joie douloureuse, les calamités de la guerre civile. Confondus dans les mêmes tentes, les uns pansaient les blessures de leurs frères, les autres celles de leurs proches. Espoir, récompenses, tout cela était douteux; rien d'assuré que les funérailles et le deuil ; et pas un n'était assez exempt de la commune douleur pour n'avoir pas quelque mort à pleurer."-TISSOT. b"Peinture énergique des sanglantes proscriptions et des crimes du triumvirat, cet effrayant tableau met dans le parti de Cinna les spectateurs, qui ne voient dans son entreprise que le dessein toujours imposant de rendre la liberté à Rome, et de punir un tyran qui a été barbare."-LA HARPE. |