Que vois-je ? en une frêle barque, Quels infenfez fendent les eaux ! A ce fpectacle, en vain la Parque S'arme de fes mortels cifeaux ; En vain fe foûleve Neptune,
Et par une ligue commune,
Tous les vents ont troublé les airs;
Malgré la foudre qui l'effraye, L'avarice obstinée effaye Dedompter les vents & les mers.
C'eft toi, Furieinsatiable, Qui mets le comble à tous nos maux ; Par toi, l'espoir infatigable Embraffe les plus durs travaux. Du fein de la terre entr'ouverte, Chers inftrumens de notre perte, L'argent & l'or font arrachés : On les tire de ces abîmes
Où fage, & prévoyant nos crimes, La Nature les a cachez.
Fureur, trahifon mercenaire L'or vous enfante, j'en frémis ! Le frere meurt des coups du frere, L'e pere de la main du fils !
L'honneur fuit, l'interêt l'immole; Des loix que par tout on viole, Il vend le filence, ou l'appui: Et le Crime feroit paifible, Sans le Remords incorruptible. Qui s'éleve encor contre lui.
Viens calmer ce défordre extrême, Aftrée, exauce mes fouhaits;
Je cherche l'homme en l'homme même ; Il a perdu fes plus beaux traits; Qu'à ton retour tout fe répare; Des cœurs que l'interêt fépare, Viens refferrer les doux liens; Et fans la premiere abondance, Rends-nous feulement l'innocence, Elle tient lieu de tous les biens.
MONSEIGNEUR
LE CHANCELIER.
UELLE est cette fureur foudaine !
Le mont facré m'est dévoilé ;
Et je vois jaillir l'Hypocréne, Sous le pied du cheval aîlé. Un Dieu, car j'en crois cette flâme Que fon afpect verse en mon ame, Dicte fes loix aux chaftes Sœurs; L'immortel laurier le couronne, Et fous fes doigts fçavants refonne Sa lire maîtreffe des cœurs.
De la fuperbe Calliope, La trompette frappe les airs.
Que vois-je! elle me develope Les fecrets du vafte univers.
Les Cieux, les Mers, le noir Cocyte, L'Elifée où la paix habite,
A fon gré s'offrent à mes yeux. Sa voix enfante les miracles Et pour triompher des obftacles, Difpofe du pouvoir des Dieux.
Sous ces mifterieux prodiges, Muse, tu cache tes leçons ; Tunous inftruis, tu nous corriges, Par tes héroïques chansons. L'homme trop ami du mensonge, Souvent féduit par un vain fonge, Du vrai ne fent pas la beauté ; Mais malgré ce penchant coupable, Tufçais fous l'appas de la Fable, Lui faire aimer la verité.
Melpoméne les yeux en larmes,
De cris touchans vient me frapper : Quel art me fait trouver des charmes Aux pleurs que je fens m'échapper La Pitié la fuit gémissante, La Terreur toûjours ménaçante, La foûtient d'un air éperdu. Quel infortuné faut-il plaindre ? Ciel! quel eft le fang qui doit teindre Le fer qu'elle tient fufpendu.
Mais tes ris, aimable Thalie, Me détournent de ces horreurs ; D'un fiècle en proye à la folie, Tu peins les ridicules mœurs. Impofteurs, Avares, Prodigues, Tout craint tes naïves intrigues; On s'entend, on se voit agir. Tu bleffes, tu plais tout ensemble : Et d'un mafque qui nous reffemble, Ton art nous fait rire & rougir,
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