Entend ces Vers fans harmonie,

Victimes de ta tirannie,

Qui te redemandent des pieds,
Et dans leurs démarches mal-fures,
Par trop ou trop peu de mefures
Egalement eftropiez.

Plus l'Harmonie a de quoi plaire, Et plus l'oreille avec colére Se révolte contre un faux ton: Les Vers font enfans de la Lire; Il faut les chanter, non les lire; A peine aujourd'hui les lit-on.

Combien ignorant nos maximes,

Du repos du vers & des rimes
Rompent le charme feducteur !
Oüy, mon oreille poëtique

Redoute un injuste critique

Encor moins qu'un mauvais Lecteur.

Stupide avorton de l'école, Il ne fçait point à la parole Donner des tons ingenieux. Faut-il marcher ? Il se repose, Et change en languiffante profe Le vers le plus harmonieux.

Ainfi ce groffier fimphoniste
Qui des tendres airs de Baptifte
N'a jamais fenti les beautez,
En feroit, fous fes doigts barbares,
Des airs qui paroiftroient bizarres
Aux Graces qui les ont notez.

Mais, d'un nouveau crime, ma Muse

Pour fe juftifier t'accuse

A mon fiecle, aux fiecles fuivants

C'est toi feul qui me l'as cachée,
Cette ortografe relachée

Qui m'avilit aux yeux fçavants.

Par toi, quel foupçon d'ignorance!
De l'Y grec introduit en France
J'ai mafqué l'Ïambe étonné.

Quel Wifigot ou quel Wandale
Eut fait d'un femblable scandale
Fremir le peuple endoctriné

J'ai dépouillé de l'H antique
L'Enthoufiafme poëtique
Parmi nous naturalisé,

Et dans mes pages refractaires,
Privé de fes vrais caracteres

Chaque mot eft dépaïfé.

Heureux encor! fi mes Ouvrages
Avoient feuls fouffert tes outrages!
J'aurois pû les abandonner.

Mais que fur ceux qui m'embelliffent
Tes noirs attentats rejailliffent,
Je ne puis te le pardonner.

Fantes