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lices de Rome, pour accompagner Marc-Aurèle dans une guerre contre les barbares, il foupiroit fans ceffe après fon retour, & profita avec empreffement de la mort du plus accompli des Princes, pour acheter une paix ignominieufe & reprendre le chemin de fa Capitale.

Commode se voyant seul maître de l'Empire, ne tarde pas à dévoiler de plus en plus la baffeffe de fon ame, l'indignité de fa ridicule vanité, fes inclinations fanguinaires & ty

fes mœurs,

ranniques.

Les prédéceffeurs de Commode avoient fait confifter la gloire à commander eux-mêmes les armées, ou du moins à étendre les frontières de l'Empire, & les plus indignes du trône s'étoient efforcés d'échapper au mépris, en renfermant leur opprobre dans les bornes de leurs Palais. Mais l'ame baffe de Commode ne connoît d'autre honneur que de fe donner en fpectacle au peuple; c'est dans les exercices de l'amphithéâtre & du Cirque, c'est dans les Écoles des Gladiateurs qu'il aime à fe couvrir de lauriers. Le peuple & le Sénat font forcés d'applaudir à ses honteux fuccès, & de les confacrer en quelque forte en les confignant dans les Fastes publics (1).

Tant de baffeffe ne pouvoit être égalée que par la licence des mœurs de Commode; auffi n'eft-il point d'excès fi monstrueux en ce genre dont il ne fe rendît coupable. Pour en épargner à nos Lecteurs le détail faftidieux, nous dirons seulement qu'il abusa de fes fœurs, & qu'il entretenoit publiquement dans fon palais fix cens victimes de fes débauches, choifies parmi les plus belles perfonnes de l'un & l'autre fexe.

Au milieu de tant d'infamies, Commode dictoit ces arrêts qui firent couler des flots de fang. Il fentoit qu'il étoit devenu l'objet de la haine publique, & ce fentiment, ouvrant fon cœur à la défiance & à la crainte, lui fit facrifier indiftin&tement tous ceux

(1) Lamprid. in Commod. Cap. 15.

qui par leur crédit auroient pu donner un maître à l'Empire. Il n'épargna pas même fon propre fang: Lucille fa fœur, Antiftius Burrus fon beau-frère, Arrius Antoninus fon grand-père par adoption, font à la tête de la lifte effrayante des perfonnes de tout rang & de tout fexe qui furent les victimes de fa cruauté ou de celle de fes favoris. Sous fon règne la délation & la calomnie reprirent tous leurs droits, le fer & le poison furent employés également ; fouvent il fuffifoit d'être riche pour périr dans les fupplices les plus affreux, parce que le Prince avoit besoin de la reffource des confifcations pour continuer fes folles dépenses.

Jufque-là Commode n'avoit fait qu'égaler les Néron & les Caligula; mais il l'emporta fur leurs cruautés en accompagnant les siennes des plaisanteries les plus indécentes. Son amusement le plus doux confiftoit à tuer lui-même ou à mutiler les hommes (1).

Heureux l'Empire fi le plus abominable des Princes n'eût exercé fa tyrannie que fur les particuliers ! Une révolution auroit pu fauver un jour l'État ; mais Commode porta à la conftitution publique des coups dont jamais elle ne put depuis fe relever. Pour anéantir la puiffance du Sénat, il accorda tout à fes foldats, il se les attacha par la licence dans laquelle il leur permit de vivre; il leur fit connoître leurs forces, & de ce moment le pouvoir militaire prit la place du gouvernement civil, & introduifit cette multitude d'abus qui, en livrant la dignité impériale au plus fort ou au plus riche qui voulut s'en emparer, entraînèrent enfin la ruine entière de l'Empire Romain. » L'abus du gouvernement mi» litaire parut dans tout fon excès, dit Montefquieu (2); & les » foldats qui avoient vendu l'Empire affaffinèrent les Empereurs » pour en avoir un nouveau prix. .. Les Empereurs, choifis » ordinairement dans la milice, furent presque tous étrangers, & » quelquefois barbares; Rome ne fut plus la maîtreffe du monde, » mais elle reçut des loix de tout l'Univers. «<

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(1) Lamprid. in Commod. Cap. IX. (2) Grand. & Décad. des Romains.

1

Croiroit-on qu'un Prince tel que Commode porta son extravagante vanité jufqu'à ufurper les titres les plus faftueux (1), qu'il appella le Sénat Commodien, & Colonie Commodienne la ville de Rome, qu'il avoit désolée par fon brigandage? Croiroit-on qu'il ofa même s'arroger les honneurs divins & défigner le GrandPrêtre qui devoit préfider à fon culte (2)? Il se faifoit appeller l'Hercule Romain, & il eft qualifié de ce titre fur plufieurs de fes médailles. En fe déshonorant par fon commerce avec les Gladiateurs & par la prédilection qu'il témoigna toujours pour leurs exercices, cet Empereur méprifable & odieux tout-à-la-fois croyoit avoir égalé la gloire du deftructeur des monftres. On le repréfentoit prefque toujours couvert d'une peau de lion, & c'est ainfi que nous le voyons fur le beau Camée qui fait le fujet de cet article; mais il nous offre une particularité remarquable dans la couronne qui orne la tête de Commode. Les couronnes de ce Prince fur les médailles font toujours de laurier, & notre pierre eft le feul monument que nous connoiffions qui lui donne une couronne de chêne. L'Artiste aura voulu fans doute faire allufion à la force prodigieufe dont fe glorifioit l'Empereur, ou à la qualité de fils de Jupiter qu'il osoit prendre.

Commode eut une fin digne de lui. Il fe préparoit à de nouvelles cruautés lorfque fa Concubine favorite, son Préfet du Prétoire & fon Chambellan prévinrent par fa mort celle qu'il devoit leur faire donner le lendemain (3). Il mourut après douze ans de la plus odieuse tyrannie, chargé de l'exécration publique; & fon corps feroit même resté fans fépulture, fi Pertinax son succeffeur ne l'eût fait transporter dans le tombeau d'Hadrien.

(1) Dio.

Lamprid. in Commod. cap. 8.

(2) Lamprid. cap. 17.

(3) Id. ibid.

PERTINAX.

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