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65.

e Assemblage de trois Côtes d'Animaux).

Cornaline

ASSEMBLAGE DE HUIT TÊTES.

Jafpe.

ASSEMBLAGE DE TROIS TÊTES D'ANIMAUX.

ON

Cornaline.

N connoit une infinité de pierres gravées antiques qui offrent l'affemblage bizarre de têtes humaines & de têtes d'animaux, ou de têtes humaines feulement, ou enfin de têtes d'animaux, les unes & les autres groupées & accouplées de mille manières, portées quelquefois fur des pieds d'oiseaux, & tellement difpofées qu'on ne peut guère les diftinguer qu'en cherchant le vrai point de vue. Celles que nous publions, planches 64 & 65, font un exemple de cet étrange affemblage.

Ces compofitions avoient-elles pour objet le ridicule ? Contenoient-elles des allégories relatives aux vices, aux vertus différentes paffions des hommes ? N'étoit-ce que des caprices ou des fantaisies d'Artistes? Les temps où elles ont été faites font trop reculés & les mœurs des anciens trop inconnues pour prononcer fur cela. Tâchons cependant de rapprocher quelques idées qui pourront fervir à la folution de ce problême.

L'arme du ridicule fut toujours redoutable : il est constant que les Anciens s'en fervirent plus d'une fois, & ce ne fut jamais en vain lorsqu'ils employèrent des caricatures, lefquelles confiftoient à rendre hideux les traits des perfonnes qu'ils vouloient ridiculifer. C'est ce que femble faire entendre Cicéron dans fon traité de l'Orateur, où il rapporte fon bon mot à un Romain qu'il comparoit au Gaulois représenté dans une attitude grotesque sur le bouclier de Marius (1).

(1) Valdè autem ridentur imagines quæ ferè in deformitatem, aut in aliquod vitium corporis ducuntur cum fimilitudine turpioris: ut meum illud in Helmium Manciam, jam oftendam cujus modi fis; cum ille, oftende quæfo: demonftravi digito pictum Gallum in Mariano fcuto Cimbrico fub Novis diftortum, ejecta lingua, buccis fluentibus. De Orator. II. 66.

Philoftrate nous apprend auffi (1) que le fophifte Varus fut furnommé la Cicogne, & représenté, par dérifion, fous des formes empruntées de la Cicogne, parce qu'on avoit trouvé des traits de conformité entre lui & cet oiseau.

M. le Comte de Caylus a publié une petite figure de bronze représentant un Sénateur Romain habillé d'une toge plus exactement rendue peut-être que fur aucun autre monument. Ce digne Confulaire tient à la main le volume ou rouleau qu'on avoit coutume de donner aux hommes de cet état. Outre que la tête du perfonnage, dit M. le Comte de Caylus, eft celle d'un ours parfaitement deffinée, l'habitude du corps, le maintien & la position des pieds reffemblent à cet animal (2).

Le Cardinal Albani poffédoit un petit monument de bronze représentant un âne revêtu auffi de la toge (3); & combien d'autres exemples de ce genre l'Antiquité ne fourniroit-elle pas ? Il faut même croire qu'on abufoit beaucoup de ces fortes de charges ou caricatures, puisqu'on fut obligé de faire une loi pour les défendre (4). Il paroît que celles dont nous venons de parler étoient autant de fatyres.

Mais on en connoît d'une autre espèce dont il n'eft pas fi facile de faifir l'objet. Telle eft celle qu'on voit fur un vase Etrusque qui appartenoit à M. Mengs (5), & dont la peinture semble faire allufion à une fcène de l'Amphitrion de Plaute. Jupiter y paroit le visage couvert d'un mafque d'où pend une longue barbe : il a le modius fur la tête qu'il tient paffée à travers les échelons d'une échelle qu'il eft fur le point d'appliquer au mur de la chambre de fa maîtreffe. Vis-à-vis de lui, Mercure, repréfenté avec un gros ventre, comme le Sofie de Plaute, tient de la main gauche fon caducée abaiffé: de la droite il élève une lampe vers la fenêtre;

(1) De Vit. Sophist. Lib. II. cap. 7.

(2) Rec. d'Antiq. tom. III. pag. 280. (3) Ibid.

(4) Lex Cornel. de injur.

(5) Winckelm. Hift. de l'Art. Liv. 3. chap. 3.

il

il eft fur-tout remarquable par fon long phallus d'un rouge foncé.

Une caricature non moins fingulière fert d'ornement à l'une des pages du quatrième volume des Antiquités d'Herculanum (1): elle rappelle la description que Virgile fait d'Énée fe fauvant de Troye, portant Anchise fur fes épaules & tenant Ascagne par la main (2). Nous ignorons fi ces fujets renferment quelque fens caché nous n'y voyons du moins aucune fatyre, & nous aimerions mieux les ranger dans la claffe des facéties, ainfi que d'autres peintures dont la gravure fert de vignette à quelques-unes des pages du troisième volume des Antiquités d'Herculanum (3).

Nous croyons qu'il faut ranger auffi dans la même claffe, & regarder comme des fantaisies d'Artistes les pierres gravées où l'on voit des têtes d'hommes, d'animaux, d'oiseaux, &c. fi fingulièrement groupées. Quant au portrait de Socrate qui s'y trouve quelquefois mêlé, comme ce Philofophe avoit été fi indécemment immolé à la rifée publique fur le théâtre d'Athènes on a pu croire que les pierres gravées où fa tête eft accouplée à d'autres têtes d'animaux, font autant de fatyres de ce grand homme; cependant l'explication qu'un favant a donnée de ces fortes de pierres (4) n'y laiffe foupçonner aucun trait satyrique contre Socrate. D'ailleurs on en connoit dont il eft impoffible de tourner le fens contre lui. Telle est une Cornaline fur laquelle on voit le bufte de Minerve armée : la Déeffe a la pointe de fon cafque ornée d'une tête de Socrate: la même tête fert à former son épaule : au dessous on apperçoit le profil d'une tête jeune & agréable, qu'on croit être celle d'Alcibiade. Cette pierre publiée par M. le Comte de Caylus (5), & d'autres à-peuprès semblables publiées par Chifflet, auroient été une compensation de celles qu'on suppose être fatyriques contre Socrate; &

(1) Pittur. tom. IV. pag. 368.

(2) Eneid. Lib. II.

(3) Pag. 131, 135, 141.

(4) Joann. Chiffletii Socrates, five de Gemmis ejus imagine cælatis judicium. (5) Rec. d'Antiq. Tom. VI. pl. XL. n°. 1.

fi l'on employa quelquefois les Arts pour outrager des hommes estimables, il étoit bien jufte qu'on les fît fervir auffi à réparer ces outrages.

Du refte, il paroit certain qu'une infinité de fujets grotef ques & bizarres, représentés fur les pierres gravées, ne font autre chofe qu'un libertinage d'imagination. Que peuvent fignifier, par exemple, des Dauphins fur un char tiré par des chenilles: des truies aîlées : des renards conduifant des chars attelés de coqs: des concerts d'animaux : des grillons perchés fur des cithares: & ces mêmes infectes dans une action & des attitudes qui ne conviennent qu'à des hommes?

Toutes ces compofitions ne font que confirmer le mot d'Horace fur les licences que prennent impunément les Peintres & les Poëtes (1).

Si nous en croyons Pline, on défignoit ces figures burlesques, fur-tout celles des pierres gravées que nous venons d'indiquer, par le nom générique de Grylli qui, felon le Naturaliste, venoit de ce que le peintre Antiphile avoit représenté un Grillon dans une attitude & un coftume qui excitoient à rire (2). Quelques auteurs parmi les modernes ont donné le nom de Chimères aux figures dont il s'agit.

Mais fous quelque rapport qu'on les confidère, on a peine à concevoir comment un tel genre a pu être admis dans les Arts & foumis à une espèce de règle. Il eft vrai que de tout temps il fut réprouvé par les hommes d'un goût fûr & délicat. Vitruve s'élève avec force contre de pareils abus, & il se plaint de voir déshonorer la Peinture & l'Archite&ture par des monftres extravagans & des fantaisies ridicules (3). Cependant Raphaël & fes élèves n'ont point dédaigné de nous transmettre les Grotesques qui ornoient les Thermes de Titus.

(1)

Pictoribus atque poëtis

Quidlibet audendi femper fuit æqua poteftas.

(2) Hift. Nat. lib. XXXV. cap. 10.

(3) Lib. VII. cap. 5.

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