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ÉLISABETH,

REINE D'ANGLETERRE. Agate-Onyx.

A TOUTES les vertus qui font les grands-hommes, Élifabeth réunissoit, par le plus bizarre affemblage, cette rivalité de beauté, ce défir d'être admirée, cette jaloufie d'amour qui font le ridicule des femmes frivoles. Auffi vaine de fes prétendus charmes que de fes exploits & de fa politique, jamais on ne lui disoit affez qu'elle étoit belle: elle vouloit encore à l'âge de foixantedix ans qu'on l'entretînt de fa beauté, avantage dont il faut cependant convenir que, même dans fa première jeunesse, elle ne fut douée que très-médiocrement. Comme elle porta fes conquêtes, fuivant la remarque d'un Écrivain Anglois (1), partout où elle porta fes armes, fes armes, elle croyoit peut-être qu'il en devoit être de même du triomphe de fes yeux. Une petiteffe impardonnable dans une grande Reine eut plus d'une fois des fuites. terribles : nous n'en citerons qu'un feul exemple. Quoique Élifabeth, dit Robertson (2), fût autant au deffous de Marie Stuart, pour les graces & la beauté, qu'elle étoit au deffus d'elle, pour les talens du gouvernement, elle étoit affez foible pour fe comparer à la Reine d'Écoffe; & comme elle ne pouvoit pas se diffimuler ce qu'elle perdoit à la comparaison, elle lui portoit envie comme à une rivale qui l'éclipfoit. Pour expliquer, ajoute le même Hiftorien, la conduite d'Elifabeth envers Marie, nous ne devons pas toujours la confidérer comme Reine, il faut la regarder quelquefois comme femme.

Cette exceffive fenfibilité d'Élifabeth fur l'article de la beauté

(1) Thomas Warton, Hift. de la Poéfie Angloife.

(2) Hift. d'Ecoffe.

donna naiffance en 1563 à la plus fingulière Ordonnance (1). Il fut défendu à tout peintre & graveur de continuer de peindre la Reine ou de la graver, jufqu'à ce que quelque excellent Artifte en eût pu faire un portrait fidelle, qui devoit fervir de modèle pour toutes les copies qu'on en feroit à l'avenir, après que ce modèle auroit été examiné & reconnu auffi bon & auffi exac qu'il pourroit l'être. Il étoit dit que le défir naturel à tous les fujets de tout rang & de toute condition de pofféder le portrait de S. M., ayant engagé un grand nombre de Peintres, de Graveurs & autres Artiftes à en multiplier les copies, il avoit été reconnu qu'aucun jufqu'alors n'étoit parvenu à rendre dans toute leur exactitude les beautés & les graces de S. M., ce qui excitoit journellement les regrets & les plaintes de fes fujets bien-aimés. La loi portoit enfin qu'il feroit nommé des experts, pour juger de la fidélité des copies, & il leur étoit enjoint de n'en tolérer aucun qui confervât quelques défauts ou difformités, dont, par la grace de Dieu, S. M. étoit exempte.

L'honneur de peindre Alexandre avoit autrefois été réservé au feul Apelle, & à Lyfippe celui de le modeler en bronze: Pyrgotèle avoit de même le privilège de graver fur des pierres fines le portrait de ce grand homme; mais cette loi du vainqueur des Perfes n'ayant eu pour objet que la gloire de l'Art, mérite des éloges; celle d'Elifabeth ne ceffera au contraire de la convaincre d'une foibleffe puérile.

Le portrait de cette Princeffe que nous publions, fut gravé, felon M. Mariette, par le célèbre Coldoré (2), appellé pour cela en Angleterre par la Reine elle-même. Si cette conjecture de M. Mariette est fondée, Coldoré aura copié le prototype dont il eft parlé dans l'Ordonnance que nous avons citée ci-dessus ; à moins, ce qui eft plus vraisemblable, que la Reine n'ait fait en faveur de cet Artifte une exception dont la fupériorité de fes talens le rendoit digne.

(1) Cette Ordonnance, écrite de la main du Secrétaire Cécil, fut publiée en 1563. (2) Traité des Pierr. grav. tom. I. pag. 136.

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