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JULES-CÉSAR.

Cornaline.

DE TOUS les honneurs qui furent déférés à Jules - César, ou qu'il s'arrogea lui-même, aucun ne lui a été plus agréable que le droit de porter toujours une couronne de laurier, & celui de faire graver fon portrait fur les monnoies. Comme il étoit chauve la couronne de laurier devenoit pour lui un moyen de cacher ce défaut auquel il étoit très - fenfible: & il devoit être d'autant plus flatté de l'autre privilège, que c'étoit un fymbole de la Souveraineté, & qu'avant lui neur n'avoit été accordé à aucun des Romains.

cet hon

On lit dans Suétone que Céfar avoit une taille avantageuse, le teint blanc, de l'embonpoint, le visage affez plein, les yeux noirs & vifs (1). Velleius affure qu'il n'y avoit personne à Rome qui l'égalât en beauté (2). Le témoignage de ces Hiftoriens eft néanmoins contredit, en quelques points, par les médailles, & cette contradiction eft devenue une forte d'énigme pour plufieurs Critiques, qui n'ont point eu affez égard à la différence des âges de Céfar,

Le portrait que Suétone en a tracé pouvoit convenir à ce Prince lorsqu'il étoit jeune; on peut croire auffi qu'alors il avoit de la beauté, puisqu'indépendamment de fes liaisons avec Nicomède Roi de Bithynie (3), on lui a reproché d'être le mari de toutes les femmes & la femme de tous les maris (4). Mais cette vie licentieufe à laquelle il s'étoit livré d'abord, les guerres continuelles qu'il eut à foutenir, les fatigues qu'il effuya, l'ambi

(1) In Cæfar. n°. 45.

(2) Formâ omnium civium excellentiffimus. Lib. II.

(3) Sueton. in Cæsar. n°. 49.

(4) Id. ibid. n°. 52.

tion exceffive dont il fut dévoré dûrent encore ajouter aux ou

trages du temps, assez puissant lui seul pour altérer & détruire la beauté. Auffi Plutarque nous apprend - il que les Soldats de Céfar étoient furpris de voir leur Général foutenir de fi grands travaux, quoiqu'il eût le corps grêle, le teint pâle & une santé extrêmement délicate (1); or ceci doit s'entendre de César dans un âge avancé. En fuppofant donc que le témoignage de Suétone & de Velleius fur la beauté de Céfar fe rapporte au temps de sa jeuneffe, il n'y aura plus de contradiction entre ces Auteurs & les médailles où ce Prince a été représenté dans fa vieilleffe, & fur lesquelles il paroît avec le cou allongé, le vifage fillonné de rides & dans un état de maigreur extraordinaire (2).

Sur notre Cornaline il paroît moins flétri, les traits du visage rappellent fon ancienne beauté : ils offrent le vrai type du génie & de la valeur, pour nous fervir de l'expreffion de Valère - Maxime (3).

Le Bâton augural qu'on voit derrière la tête défigne ici, comme fur les médailles de Céfar où il fe trouve, le Souverain Pontificat, dignité qu'il disputa, quoiqu'encore assez jeune, à des hommes illuftres & puiffans, & qu'il fut leur ravir par fes immenses libéralités (4).

L'étoile placée au deffous du menton, & qui le feroit mieux au dessus de la tête, fait allusion à la Comète qui parut pendant la célébration de fes funérailles (5).

On connoit plufieurs médailles de Céfar qui ont pour légende DIVI IVLI (6), & c'eft fans doute à l'imitation de ces médailles qu'on aura gravé la même infcription fur notre Cornaline. Le titre de Divus a rapport aux honneurs Divins

(1) Plutarch. in Cæfar.

(2) Goltz. vita ac res Geft. Cæfar.

(3) Certiffima veræ virtutis effigies. Lib. III. cap. 2.

(4) Plutarch. in Cæsar. p. 710.

(5) Sueton. in Cæfar.

(6) Goltz. vit. ac res geft. Cæfar.

qui lui furent décernés de fon vivant, & fur-tout à son Apothéofe.

Le Peuple Romain témoin des phénomènes effrayans qui accompagnérent la mort de Céfar, dut croire qu'il avoit été admis au rang des Dieux; mais la place que lui affigna la postérité n'est pas moins honorable à la mémoire de cet homme extraordinaire auquel elle n'en a trouvé aucun autre à comparer. On eft faifi d'admiration à la lecture de tout ce que les Hiftoriens nous en racontent. Il pofféda toutes les qualités qui peuvent former un grand homme. A la trempe d'ame la plus forte dont jamais mortel ait été doué (1), il joignit le courage, la conftance, la prudence, l'audace & une activité qui le rendoit capable de tout entreprendre & de tout exécuter (2). Les plus grands obftacles ne fervirent qu'à lui préparer les fuccès les plus étonnans. Cependant au milieu de ces fuccès il éprouva un chagrin domeftique qui fembloit peu fait pour un Prince dont la beauté, l'éloquence, le génie & la gloire l'élevoient au deffus de tous les Romains.

Cicéron, dans une de fes Lettres à Atticus, dit que cette aventure avoit eu le plus grand éclat, Dion, Suétone & Velleius en ont auffi fait mention; mais Plutarque eft celui qui l'a racontée avec le plus de détails. Il y avoit, dit cet Auteur (3), un jeunehomme de noble & patricienne maison nommé Clodius, homme riche & éloquent, mais qui au demourant ne cédoit en audace, infolence & témérité à nul de ceux qui ont efté les plus renommez pour leur mefchanceté. Il devint amoureux de Pompeia femme de Cæfar, laquelle n'en eftoit pas mal contente: mais on la tenoit en fi eftroite garde, & la mère de Cæfar, Aurelia, femme de bien & d'honeur, avoit l'œil fur elle de fi près, que ces deux amans ne fe pouvoient trouver enfemble, qu'avec grande difficulté & non moindre danger. Or adorent les Romains une Déeffe qu'ils appellent la bonne Déesse. Quand donques le temps de la fefte eft efcheu, le mary,

(1) Animi vigore præftantiffimus. Plin. Lib. VII. cap. 25.

(2) Omnium capax quæ coelo continentur. Ibid.

(3) Vie de Céfar, Traduction d'Amyot.

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