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MÉCÈN E.

Améthyfte.
Cornaline.

UNE TÊTE accompagnée du nom de Solon, fur une pierre gravée, aura pu aisément être prife pour le portrait du Législateur d'Athènes, & c'est ce qui eft arrivé à l'égard de celle qu'on voyoit fur une Sardoine du Palais Ludovifi (1): toutes les autres reffemblantes à cette dernière furent attribuées depuis à Solon le Législateur. Mais c'étoit une méprife, & S. A. R. Mgr. le Duc d'Orléans qui s'en apperçut le premier, jugea que le nom joint à cette tête étoit celui du Graveur de la pierre. Ce Prince éclairé voulut bien faire part de ses conje&ures fur cet objet à M. Baudelot, qui les expofa dans un Mémoire qu'on trouve parmi ceux de l'Académie des Belles - Lettres (2).

Le nom de Diofcoride joint à une tête reffemblante à celle dont il eft question, celui de Solon joint à des têtes bien différentes & même à des fujets compofés de plufieurs figures, prouvoient affez le fentiment de M. le Régent. Il ne s'agiffoit plus que de favoir quel personnage le Graveur Solon avoit voulu représenter. M. Baudelot crut que c'étoit Agrippa, mais la comparaison qu'on pouvoit faire de ce portrait avec les médailles du gendre d'Augufte fuffifoit pour détruire l'opinion de l'Académicien; M. le Régent fe décida pour Mécène. Voici les raifons que nous croyons pouvoir alléguer en faisant ufage de fa conjecture à l'occasion des deux têtes que nous attribuons à Mécène & qui ont donné lieu à cet article.

La tête originale dont celles-ci ne font que des copies a été gravée par Solon, elle l'a été auffi par Diofcoride; ces deux

(1) Stofch, Gemm. Antiq. Calat. Tab. LXI.

(2) Tom. III. pag. 268.

Artistes étoient honorés de l'eftime d'Augufte; ils ont fouvent traité les mêmes fujets avec une forte de rivalité : or il eft à croire qu'ils fe feront empreffés de faire le portrait d'un perfonnage auffi puiffant que Mécène, qui fe fervoit fur-tout pour la gloire des Arts de la faveur dont il jouiffoit auprès du Prince.

Mais l'amour de la vérité ne nous permet pas de diffimuler une objection qu'on peut former contre le fentiment que nous propofons, c'est que la tête dont il s'agit est très-forte, & qu'elle semble appartenir à un corps vigoureux, ce qui ne s'accorde point avec le portrait qu'Horace & Pline nous ont fait de Mécène, dont la fanté, felon ces Auteurs, étoit délicate & fragile.

Nous pourrions répondre que non-feulement on ne doit pas toujours juger de la force ou de la fanté d'un homme d'après fon portrait, mais encore que fouvent des hommes, bien constitués en apparence, font cependant valétudinaires. Quoi qu'il en foit, fi l'on ne peut regarder comme le portrait de Mécène le feul qui nous foit parvenu avec les noms de deux célèbres Artistes contemporains de ce grand Miniftre, quel autre portrait pourra passer pour celui de Mécène ? Ce ne fera pas, fans doute, celui qu'on voit fur la médaille gravée au frontispice de la vie de ce favori d'Augufte (1), car cette médaille eft certainement de coin moderne.

En effet il n'y avoit point de raisons pour qu'on frappât des médailles au coin de Mécène ; quoiqu'il comptât des Rois parmi fes ayeux, il n'étoit pas Roi lui-même, & le droit de faire frapper des médailles étoit réservé aux Rois feuls & aux Empereurs. Il est vrai néanmoins qu'il y a eu des médailles frappées en tous métaux, à Rome, au coin d'Agrippa, & que le même honneur lui a été déféré dans d'autres pays foumis aux Romains; mais cette exception, quoiqu'en faveur du gendre d'Augufte, n'en eft pas

(1) Meibomii Mæcenas, Lugd. Bat. 1653. in-4°.

moins étonnante chez un peuple qui confervoit encore le fentiment de fon ancienne liberté, & à qui ce symbole de la Royauté devoit être odieux. Ce qui eft plus étonnant encore c'eft que malgré de fi grands honneurs rendus à Aggrippa, fon nom soit bien moins célébre que celui de Mécène.

Tous deux avoient un mérite également rare tous deux étoient amis d'Augufte. Le premier affermit le pouvoir de l'Empereur par les victoires multipliées qu'il remporta fur fes ennemis le fecond lui concilia l'eftime & l'amour des Romains qu'il accoutuma infenfiblement à porter le joug, & dont il fut amollir l'ame en leur offrant des amusemens & des plaifirs: l'un & l'autre enfin fe rendirent nécessaires à Augufte, & furent, après lui, les premiers de l'Etat ; cependant le nom d'Agrippa n'est pas devenu, comme celui de Mécène, un titre glorieux pour les Souverains même. Et l'on ne dira pas que le nom de Mécène n'est parvenu avec tant d'éclat à la postérité, que parce qu'il a fuivi le fort de ceux d'Horace & de Virgile dont les écrits font immortels, car Horace, à qui Mécène doit en partie fa renommée, a chanté auffi Agrippa: peut-on même imaginer un éloge plus ingénieux & plus flatteur que l'Ode qu'il lui a adreffée (1) ? Et Virgile n'avoit - il pas fu placer dans la def

(1)

Scriberis Vario fortis, & hoftium

Victor Mæonii carminis alite,

Quam rem cumque ferox navibus, aut equis
Miles te duce gefferit.

Nos, Agrippa, neque hæc dicere, nec gravem
Peleida ftomachum cedere nefcii,

Nec curfus duplicis per mare Ulyffei,

Nec favam Pelopis domum.

Conamur tenues grandia: dum pudor,
Imbellifque lyra Mufa potens vetat
Laudes egregii Cæfaris, & tuas

Culpa deterere ingeni.

Quis Martem tunica tectum adamantina
Digne fcripferit? aut pulvere Troïco
Nigrum Merionem? aut ope Palladis

cription du Bouclier d'Enée (1) l'éloge le plus pompeux du dre d'Augufte?

gen

Pourquoi donc la réputation de Mécène est-elle plus brillante que celle d'Agrippa? C'est qu'il n'y avoit point entre Agrippa & les Gens de Lettres du fiècle d'Augufte le même commerce & la même familiarité qui étoit entr'eux & Mécène; c'est que les Poètes ayant fouvent reçu des marques de la bienfaisance de Mécène ont eu plus d'occafions de faire éclater leur reconnoiffance; c'eft que Mécène étoit lui-même homme de Lettres; enfin c'est que les gens de Lettres des fiècles fuivans ont toujours rappellé avec complaifance la protection que Mécène avoit accordée aux Lettres.

Il n'en est pas de même d'Agrippa; Horace & Virgile, après avoir une fois payé à ce grand homme le tribut de louanges qui étoit dû à fon mérite personnel, & que d'ailleurs la faveur du Prince fembloit exiger, crurent avoir acquitté leur dette.

Si les deux pierres dont il s'agit offrent le portrait de Mécène, ainfi que nous le conjecturons, elles méritoient, fans doute, d'être publiées mais elles ne le méritoient pas moins par la beauté de leur gravure qui eft vraiment digne du fiècle d'Augufte.

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