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On veut qu'un chien soit tel que quand il vient de naître;
Et de peur qu'il ne croisse, on y prend mille soins.
Il ne faut pas en rendre moins,

Pour empêcher l'Amour de croître.

Vous caressez Marquès, parce qu'il est petit ;

S'il devenoit trop grand, il n'auroit rien d'aimable.
Un petit Amour divertit ;

S'il devient trop grand, il accable.

Mais j'entends que Marquès se plaint du mauvais tour
Que lui fait ma muse indiscrète.

Ah! vous me ruinez, vous gâtez tout, Poëte,
Dit-il, en me faisant ressembler à l'Amour.

L'Amour n'est pas trop bien auprès de ma maîtresse ;
Si vous ne le savez, elle l'a toujours fui;

Et c'est assez pour perdre sa tendresse,
Que d'avoir par malheur du rapport avec lui.

En mon état de chien, j'ai l'ame assez contente
Je suis heureux par cent bonnes raisons.
J'ai bien affaire, moi, que vos comparaisons
Viennent troubler ma fortune présente.

Et si, pour ressembler aux dieux,
Ma maîtresse me disgracie,

A votre avis, m'en trouverai-je mieux ?

Non, non, c'est trop d'honneur, je vous en remercie.

Ah! mon pauvre Marquès, ce seroit grande pitié,
Qu'après avoir quitté pour elle père et mère,
La patrie aux grands cœurs toujours aimable et chère,
Tu te visses disgracié

Pour une cause si légère.

Non, cela ne se peut. Fais valoir tes appas :
Cher Marquès, ta maîtresse aime que tu la flattes,
Caresse-là, tiens-toi sans cesse entre ses bras,
En aboyant, en lui donnant tes pattes,
Explique-toi le mieux que tu pourras.

Et loin qu'elle te soit cruelle,
Parce qu'avec l'Amour on te voit du rapport,
Fais que l'amour trouve grace auprès d'elle,
Puisqu'il te ressemble si fort.

L'INDIFFÉRENCE A IRIS.

1678.

SANS doute, belle Iris, je vous ai bien servie;
Vous avez jusqu'ici vécu tranquillement ;
Mais depuis peu, dans votre train de vie,
J'apperçois quelque changement.

Cet heureux temps n'est plus, ce temps si favorable
Pour un règne comme le mien,

Où vous ne saviez pas que vous fussiez aimable,
Où l'on ne vous en disoit rien.

Vous souffrez maintenant des gens qui vous le disent:
Sur ce que vous valez, il vous ouvrent les yeux;
Et depuis qu'ils vous en instruisent,
Vous en valez même encor mieux.

Vous voyez chaque jour votre mérite croître ;
Pourquoi faut-il qu'on vous l'ait découvert ?
Vous voudrez éprouver peut-être

A quoi tant de mérite sert.

Vous voudrez voir si la tendresse

Ne le sauroit pas mieux mettre en œuvre que moi ;
Car il est, entre nous, d'une certaine espèce
Assez propre à ce doux emploi.

Cultiver les talens d'une jeune personne,
Animer sa beauté, façonner son esprit,

Ce n'est pas un métier à quoi je sois trop bonne ;
L'Amour, dit-on, y réussit.

Dirai-je tout ce que je pense?
Vous avez un Tircis, Iris, qui me déplaît,
Qui, toujours en votre présence,
Quoique vous dussiez bien prendre mon intérêt,
Dit du mal de l'indifférence.

Il dit que je ne suis propre qu'à vous gâter,
Qu'il est mille plaisirs que vous pourriez goûter,
Que je vous fais perdre votre bel âge:
Je suis lasse de tout cela;

Et si vous le voulez écouter davantage,
De bonne foi, je vous quitterai-là.

Aussi-bien, si son amour dure, (Et franchement j'en ai grand'peur ). La victoire pour moi n'est pas chose trop sûre; Tant de soins, de respects, sont de mauvais augure, Et m'annoncent toujours qu'il faut sortir d'un cœur.

Encor si j'avois espérance

Que de votre froideur on dût se rebuter

Je ne voudrois pas vous quitter.
Et du moins j'aurois patience,

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Mais Tircis n'est pas si-tôt las:

Il a de votre cœur entrepris la conquête.
Puisqu'il s'est mis ce dessein dans la tête ;
Je le connois, il n'en démordra pas.

Jusqu'à ce qu'à son point il vous ait amenée,
Vous obséder sera son seul emploi ;
C'est une humeur tellement obstinée,

Qu'il faut qu'on l'aime, ou qu'on dise pourquoi.

Ainsi donc, j'aime mieux céder de bonne grace,
Que de me voir obliger à céder ;

Votre cœur est de plus une espèce de place,
Que, sans beaucoup de peine, on ne sauroit garder.

Je prévois qu'il faudroit le défendre sans cesse,

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Tout le monde l'attaquera.

Il est plus à propos qu'enfin je vous le laisse,
Vous en ferez tout ce qu'il vous plaira.

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J'en veux chercher quelqu'autre où je demeure en paix.
Il en est, et plusieurs, où je suis assurée
Qu'on ne m'attaquera jamais.

RÉPONSE D'IRIS

A L'INDIFFÉRENCE.

1678.

Quoi! vous m'abandonnez, hélas ! ma chere hotesse
Vous me dites adieu dans mon plus grand besoin :

A quoi bon de mon cœur avoir pris tant de soin, Pour fuir, quand on en veut surprendre la tendresse ?

Mais quel sujet encor vous force à me quitter?
Tircis médit de vous; voyez la belle affaire !
Quoi! pour des mots faut-il se rebuter?
Vraiment vous ne résistez guère ;
Il ne faut rien pour vous épouvanter.

Montrez-lui ce que c'est que cette indifférence
Qui régna si long-temps dans mon cœur endurci ;
Vous voyez qu'il se fie en sa persévérance ;
Hé bien, persévérez aussi.

Plus l'ennemi vous paroît redoutable,
Et plus vous trouverez de gloire à mériter:
C'est justement parce qu'il est aimable,
Qu'à de plus grands efforts il faut vous exciter.

De plus, quand vous m'aurez laissée,
Si Tircis me laissoit, à parler franchement,
Je serois bien embarrassée,

De n'avoir plus ni vous ni mon amant.

Donnez-moi donc le temps d'éprouver sa constance, Avant qu'à vous quitter je puisse consentir ;

Après cela, si vous voulez partir,

Il faudra prendre patience.

Souvent les amans sont trompeurs,

Et malgré tous leurs soins et toutes leurs douceurs,
Il est bon que l'on se défende:

Car dès qu'ils sont les maîtres de nos cœurs
On remarque combien la différence est grande,
De ces amans soumis à des amans vainqueurs.

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