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y laisse un chagrin sombre et farouche: en un mot, un désespoir un peu raisonné, plutôt qu'une vraie patience. Graces à notre auguste religion, nous savons que nous ne dépendons point d'un destin aveugle, qui nous emporte et nous entraîne invinciblement. Nos malheurs ne viennent point de l'arrangement fortuit de ce qui nous environne : une intelligence éternelle non moins puissante que le paroissoit aux philosophes leur fatalité imaginaire, mais de plus souverainement sage, préside à tout. Ce bras dont nous ressentons les coups, est un bras qui nous distribue les maux mêmes selon nos besoins et selon ncs forces, qui, à proprement parler, ne nous envoie que des biens; c'est le bras d'un père: nous souffrons comme des enfans, sûrs de la bonté de celui qui nous fait souffrir, et non point comme des esclaves assujettis à toutes les rigueurs les plus bizarres et les plus cruelles: ce n'est point l'inutilité de la révolte qui nous arrête, c'en est l'injustice; et notre patience est une véritable soumission d'esprit qui répand dans le cœur une consolation presque aussi douce, si je l'ose dire, que la jouissance même du bien.

Tels sont les effets que produisit chez les chrétiens le divin exemple de patience qui leur fut proposé lorsque le juste, le seul juste qui l'ait été jamais par lui-même , se vit sur le point d'expier les péchés du genre humain. Abandonné de toute la

nature, hormis de quelques disciples, qui n'avoient plus que peu d'instans à lui être fidèles, frappé de l'affreuse idée d'un supplice également honteux et cruel qui lui étoit destiné, il s'adresse à son père céleste; il lui demande que, s'il est possible, les tourmens qu'il envisage lui soient épargnés: er un souhait que la grandeur de ses tourmens, déjà présens à ses yeux, rendoit si légitime, un souhait plus légitime encore par l'innocence de celui qui le faisoit, un souhait où la modération éclate jusques dans les termes qui l'expriment, est cependant réprimé dans le même moment par une soumission entière et sans réserve aux desseins de Dieu. Que ta volonté soit faite, dit Jesus-Christ à son père: et quelle volonté ! combien savoit-t-il qu'elle étoit sévère et rigoureuse à son égard! il se voyoit livré à la justice irritée; il voyoit la bonté entièrement suspendue: cependant, pour satisfaire aux devoirs de l'obéissance d'un fils, il souscrit à sa propre disgrace; et son unique soulagement au milieu de ses douleurs les plus vives, est de tourner les yeux sur la main dont il les reçoit.

Il soupira encore sur la croix; il se plaignit d'avoir été abandonné de son père: mais il ne murmuroit pas de cette extrême rigueur; il nous marquoit seulement combien il y étoit sensible. Les philosophes prétendoient à une impassibilité, qui dans l'état où nous sommes ne peut s'accorder

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avec la nature humaine, et Jesus-Christ ne voulut pas jouir de celle qu'il eût pu recevoir de sa divinité. Il souffrit les plus cruels supplices pour laisser un exemple qui convînt à des hommes nécessairement sujets à la douleur. Il prit route notre sensibilité pour nous porter avec plus de force à l'imitation de sa patience.

Inspirez-nous, Verbe incarné, 'cette vertu héroïque si éloignée de la corruption qui nous est devenue naturelle, et de la fausse perfection à laquelle la philosophie aspiroit. Daignez-nous instruire dans la science de souffrir; science toute céleste, et qui n'appartient qu'à vos disciples. Tout le cours de votre vie nous en donne d'admirables leçons mais comment les mettre en pratique sans le secours de votre grace? C'est vous seul sur qui nous pouvons prendre une véritable idée des vertus ; et c'est vous seul encore de qui nous pouvons recevoir la force de les suivre. Vous qui êtes la raison et la sagesse de votre adorable père, devenez aussi la nôtre pour régler les emportemens auxquels la nature s'abandonne dans les afflictions. Ne permettez, Seigneur, à votre justice de les faire tomber sur nous, que quand vous aurez mis dans notre ame les dispositions nécessaires pour en profiter ; et ne nous envoyez tous les maux dont nous sommes dignes, qu'en nous donnant en même tems un courage vraiment chrétien,

DE

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DE L'EXISTENCE

DE DIE U.

LA métaphysique fournit des preuves fort so

lides de l'existence de Dieu: mais comme il n'est pas possible qu'elles ne soient subtiles, et qu'elles ne roulent sur des idées un peu fines, elles en deviennent suspectes à la plupart des gens qui croient que tout ce qui n'est pas sensible et palpable, est chimérique et purement imaginaire, J'en ai beaucoup vu poussés à bout sur cette ma→ tière par des preuves de métaphysique; mais nullement persuadés, parce qu'ils avoient toujours dans la tête qu'on les trompoit par quelque subtilité cachée. Il y a lieu d'espérer que ceux qui sont de ce caractère goûteront un raisonnement de physique fort clair, fort intelligible et fondé sur des idées très-familières à tout le monde: on en vanteroit un peu aussi la solidité et la force; si on ne croyoit pas l'avoir inventé.

Les animaux ne se perpétuent que par la voie de la génération: mais il faut nécessairement que les deux premiers de chaque espèce aient été produits ou par la rencontre fortuite des parties de la matière, ou par la volonté d'un Être intelligent qui dispose la matière selon ses desseins, -X

Tome V

Si la rencontre fortuite des parties de la matière a produit les premiers animaux, je demande pourquoi elle n'en-produit plus? et ce n'est que sur ce point que roule tout mon raisonnement. On ne trouvera pas d'abord grande difficulté à répondre que lorsque la terre se forma, comme elle étoit remplie d'atomes vifs et agissans, imprégnée de la même matière subtile dont les astres venoient d'être formés, en un mot jeune et vigoureuse, elle être assez féconde pour pousser hors d'elle-même toutes les différentes espèces d'animaux; et qu'après cette première production qui dépendoit de tant de rencontres heureuses et singulières, sa fécondité a bien pu se perdre et s'épuiser; que, par exemple, on voit tous les jours quelques marais nouvellement désséchés, qui ont toute une autre force pour produire que cinquante ans après qu'ils ont été labourés.

put

Mais je prétends que quand la terre, selon ce qu'on suppose, a produit les animaux, elle a dû être dans le même état où elle est présentement. Il est certain que la terre n'a pu produire les animaux que quand elle a été en état de les nourrir; ou du moins il est certain que ceux qui ont été la première tige des espèces n'ont été produits par la terre que dans un tems où ils ont pu aussi en être nourris. Or, afin que la terre nour risse les animaux, il faut qu'elle leur fournisse

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