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quantité de paroles est une marque de la foiblesse des raisons mais on les prie de considérer que ce raisonnement-ci n'est long que par les chicanes qu'il faut prévenir, et non par la difficulté des choses qu'il a besoin qu'on établisse.

Je n'ai pas voulu, de peur d'en interrompre le fil, y faire entrer une réflexion qui le fortifie encore beaucoup; et j'aime mieux la donner ici détachée. Il n'eût pas suffi que la terre n'eût produit les animaux que quand elle étoit dans une certaine disposition où elle n'est plus; elle eût dû aussi ne les produire que dans un état où ils eussent pu se nourrir de ce qu'elle leur offroit: elle eût dû, par exemple, ne produire le premier homme qu'à l'âge d'un an ou deux, où il eût pu satisfaire, quoiqu'avec peine, à ses besoins, et se secourir lui-même. Dans la foiblesse où nous voyons un enfant nouveau né, en vain on le mettroit au milieu de la prairie la mieux couverte d'herbes, auprès des meilleures eaux du monde, il est indubitable qn'il ne vivroit pas long-temps car notre supposition exclut la louve de Romulus et Rémus; elle n'auroit pu ellemême se sauver de la mort qui l'eût attendue à sa naissance. Mais comment les loix du mouvement produiroient-elles d'abord un enfant à l'âge d'un an ou deux? comment le produiroient-elles même dans l'état où il est présentement lorsqu'il

vient au monde ? nous voyons qu'elles n'amènent rien que par degrés, et qu'il n'y a point d'ouvrages de la nature qui depuis les commencemens les plus foibles et les plus éloignés, ne soient conduits lentement, par une infinité de changemens tous nécessaires, jusqu'à leur dernière perfection. Il eût fallu que l'homme, qui eût dû être formé par le concours aveugle de quelques parties de la matière, eût commencé par cet atome, où la vie ne se remarque qu'au mouvement presqu'insensible d'un point; et je ne crois pas qu'il y ait d'imagination assez fausse pour concevoir d'où cet atome vivant, jetté au hasard sur la terre, aura pu tirer du sang ou du chyle tout formé, la seule nourriture qui lui convienne, ni comment il aura pu croître, exposé à toutes les injures de l'air. Il y a-là une difficulté qui deviendra toujours plus grande; plus elle sera approfondie, et plus ce sera un habile physicien qui l'approfondira. La rencontre fortuite des atomes n'a donc pu produire les animaux; il a fallu que ces ouvrages soient partis de la main d'un Etre intelligent, c'est-à-dire de Dieu même. Les cieux et les astres sont des objets plus éclatans pour les yeux; mais il n'ont peut-être pas pour la raison des marques plus sûres de l'action de leur auteur. Les plus grands ouvrages ne sont pas toujours ceux qui parlent le plus de leur ouvrier,

Que je voie une montagne applanie, je ne sais si cela s'est fait par l'ordre d'un prince ou par un tremblement de terre: mais je serai assuré que c'est par l'ordre d'un prince, si je vois sur une petite colonne une inscription de deux lignes. Il me paroît que ce sont les animaux qui portent, pour ainsi dire, l'inscription la plus nette, et qui nous apprennent le mieux, qu'il y a un Dieu auteur de l'univers.

DU BONHEU R.

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Voici une matière la plus intéressante de toutes, dont tout le monde parle, que les philosophes, sur-tout les anciens, ont traitée avec beaucoup d'étendue mais quoique très-intéressante, elle est dans le fond assez négligée; quoique tout le monde en parle, peu de gens y pensent ; et quoique les philosophes l'aient beaucoup traitée, ça été si philosophiquement, que les hommes n'en peuvent tirer guères de profit.

On entend ici par le mot de bonheur un état, une situation telle qu'on en desirât la durée sans changement; et en cela le bonheur est différent du plaisir, qui n'est qu'un sentiment agréable mais court et passager, et qui ne peut jamais être un état. La douleur auroit bien plutôt le privilège d'en pouvoir être un.

A mesurer le bonheur des hommes seulement

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par le nombre et la vivacité des plaisirs qu'ils ont dans le cours de leur vie, peut-être y a-t-il un assez grand nombre de conditions assez égales ↳ quoique fort différentes. Celui qui a moins de plaisirs, les sent plus vivement : il en sent une infinité que les autres ne sentent plus ou n'ont jamais senti; et à cet égard la nature fait assez son devoir de mère commune. Mais si, au lieu de considérer ces instans répandus dans la vie de chaque homme, on considère le fond des vies mêmes, on voit qu'il est fort inégal; qu'un homme qui a, si l'on veut, pendant sa journée autant de bons momens qu'un autre, est tout le reste du tems beaucoup plus mal à son aise, ét que la compensation cesse entièrement d'avoir lieu.

C'est donc l'état qui fait le bonheur: mais ceci est très-facheux pour le genre humain. Une infinité d'hommes sont dans des états qu'ils ont raison de ne pas aimer; un nombre presque aussi grand sont incapables de se contenter d'aucun état : les voilà donc presque tous exclus du bonheur, et il ne leur reste pour ressources que des plaisirs, c'est-à-dire des momens semés ça et là sur un fond triste qui en sera un peu égayé. Les hommes dans ces momens reprennent les forces nécessaires à leur malheureuse situation, et se remontent pour souffrir.

Celui qui voudroit fixer son état, non par la crainte d'être pis, mais parce qu'il seroit content; mériteroit le nom d'heureux : on le reconnoîtroit entre tous les autres hommes à une espèce d'immobilité dans sa situation; il n'agiroit que pour s'y conserver, et non pas pour en sortir. Mais cet homme - là a-t-il paru en quelque endroit de Ja terre? On en pourroit douter, parce qu'on ne s'apperçoit guères de ceux qui sont dans cette immobilité fortunée; au lieu que les malheureux qui s'agitent composent le tourbillon du monde et se font bien sentir les uns aux autres par les chocs violens qu'ils se donnent. Le repos même de l'heureux, s'ils est apperçu, peut passer pour être forcé, et tous les autres sont intéressés à n'en pas prendre une idée plus avantageuse. Ainsi l'existence de l'homme heureux pourroit être assez facilement contestée. Admettons - là cependant, ne fût-ce que pour nous donner des espérances agréables mais il est vrai que, retenus dans de certaines bornes, elles ne seront pas chimériques.

goutte,

lui a

Quoi qu'en disent les fiers Stoïciens, une grande partie de notre bonheur ne dépend pas de nous. Si l'un deux, pressé par la dit: je n'avouerai pourtant pas que tu sois un mal; il a dit la plus extravagante parole qui soit jamais sortie de la bouche d'un philosophe. Un Empereur de l'univers, enfermé aux petites - maisons, déclare

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