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he concevrois pourtant pas qu'il fut impossible qu'il y en eût de blancs.

Mais si d'ailleurs je n'avois jamais vu que du noir, alors n'ayant l'idée que du noir, je verois évidemment et poserois pour axiome, que tout cheval seroit noir, et il me seroit impossible de le concevoir autrement.

Je verrois cet axiome comme je vois que le tout, &c.

Un axiome n'est donc point fondé sur l'évidence réelle de la chose, c'est-à-dire sur la vérité qui produise en moi l'évidence, mais sur l'impossibilité que j'ai de concevoir la chose autrement.

Car quoiqu'il n'y ait nulle évidence réelle, nulle vérité dans cet axiome, tout cheval est noir, vous voyez pourtant un cas possible où il iroit de pair avec le tout plus grand, &c.

L'impossibilité de concevoir la chose autrement peut venir, ou de ce que je n'ai pas des idées contraires qui soient possibles, ou de ce que ces idées contraires sont réellement impossibles.

Comment distinguer dans lequel de ces deux cas nous sommes à l'égard de quelque idée ?

Par l'expérience même. Si quelque idée pouvoit être contraire au tout plus grand, &c., dans le grand nombre d'idées particulières que je reçois, quelqu'une lui seroit contraire.

D'ailleurs, en supposant ce principe, s'il n'étoit

pas réellement vrai, je n'en tirerois pas une infinité de choses que l'expérience m'apprend être vraies. Je n'attends pourtant pas ces réflexions pour m'assurer de la vérité du tout, &c.

Car l'évidence m'emporte; et dans lequel des deux cas que ce soit, elle m'emportera toujours. Mais quand elle vient de la nature des choses, rien ne la détruit jamais.

Quand elle ne vient que du défaut d'idées contraires, elle est bientôt détruite.

Je ne doute point que dans mon enfance je n'aie eu beaucoup d'axiomes vrais et faux , que je croyois tous avec une égale évidence; mais les uns ont tenu bon, les autres non.

En un mot, toute chose m'est axiome la première fois que je la vois, si je n'ai encore vu qu'elle; car je la conçois évidemment telle, et ne la puis concevoir autrement.

Mais il n'a jamais été d'instant où je n'aie eu l'idée que d'une seule chose; et si n'y ayant que deux idées dans mon esprit, il ne m'est pas impossible de prendre de l'un et de l'autre pour en faire une troisième, dès-lors ni l'une ni l'autre n'est axiome, parce que je puis concevoir l'une et l'autre autrement que je ne l'ai vue d'abord.

Ce que, par aucun mélange d'idées, je ne puis jamais concevoir autrement que je ne l'ai vu d'abord, demeure axiome.

De-la

De-là vient que, quoique les axiomes soient pris dans l'expérience, ils n'ont point besoin d'in duction.

Car je ne crois point que le tout, &c, parcé que je l'ai toujours vu ainsi; mais parce que, ne l'eussé-je jamais vu qu'une fois, je ne le puis concevoir autrement quelque mêlange que je fasse des autres idées que j'ai par l'expérience.

Une chose que j'ai toujours vue ainsi, et que je puis concevoir autrement, n'est point un véritable axiome, quelque induction que j'aie faite.

Ce n'est qu'un axiome d'expérience. Je crois avoir tort de concevoir la chose autrement, puisqu'elle n'est jamais autrement.

La différence de ces deux sortes d'axiomes vient de ce que dans un certain ordre de choses, la nature se montre toute entière à nous; dans un autre ordre, seulement en partie.

Quand elle se montre toute entière à nous, la même nécessité réelle qui rend la chose telle, devient en nous une nécessité absolue de la concevoir telle.

Quand la nature des choses ne se montre qu'en partie, la nécessité qui les rend telles ne se montre point du tout; car cette nécessité est indivisible: ainsi je les puis concevoir autrement.

Si je vois une montre par dedans, je vois qu'il faut nécessairement qu'elle sonne, et ne pourrois Tome. V.

Bb

concevoir qu'elle ne sonnât pas. Cela répond aux

vrais axiomes.

Si je ne la vois que par dehors, ou que la moitié du dedans, je vois bien qu'elle sonne toujours; mais je pourrois bien concevoir qu'elle ne sonnât pas. Cependant parce qu'elle sonne toujours, &c. Cela répond aux axiomes d'expérience,

LOI DE LA PENSÉE.

L'esprit juge vrai tout ce qu'il ne peut penser autrement. Raison de cette loi. En vain un esprit seroit capable d'idées vraies, s'il ne les croyoit vraies. De juger en quel cas il les doit croire vraies, sur une règle qui seroit née avec lui, et laquelle il iroit envisager, cela seroit inutile; car cette règle même, pourquoi la croiroit-il vraie ? Ce ne pourroit être que par un mouvement naturel et imprimé de Dieu or il vaut autant que ce mouvement lui soit imprimé sur les choses mêmes que sur la règle.

Mais en quel cas Dieu doit-il donner ce mouyement pour croire ?

Ce ne doit être que dans les cas où il portera généralement au vrai.

Un esprit parfait, et auquel la vraie nature de choses se montre, et qui ne fait que recevoir les objets, doit juger vrai tout ce qu'il conçoit; ce

doit être là son mouvement de créance: mais l'esprit humain n'est pas parfait.

Non-seulement la nature des choses ne se mon tre pas toujours toute à lui, mais après avoir reçu les objets, il opère diversement sur eux; double source d'erreur pour les idées simples des sens, et les idées composées de l'entendement.

pour

Il a fallu que Dieu, en imprimant la loi géné rale de créance, évitât les cas de l'erreur.

Or, quoique dans les idées des sens la nature des choses ne se montre pas toute, c'est pourtant parce que la nature des choses est telle, qu'elles se montrent d'une certaine manière, en tant qu'elles se montrent. Ainsi ce qu'on en voit a sa vérité. Mais la présence des objets détermine nécessairement l'esprit à les concevoir d'une telle façon, et non d'une autre. Si je vois un homme debout il m'est impossible de le voir couché, &c. Ainsi l'esprit, dans ce cas-là, se portera au vrai, en jugeant vrai ce qu'il ne pourra penser autrement; car ce qu'il ne pourra penser autrement, est pris dans la nature même des choses, qui est vraie en cette partie qu'elle montre.

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A l'égard des idées composées de l'entendement, j'en puis faire qui ne représentent rien de réel; aussi jusques-là je n'ai nul penchant à les juger vraies. Mais quand, malgré cette composition arbitraire d'idées, il y a toujours quelque chose qui

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