페이지 이미지
PDF
ePub

en cas qu'une pensée ne soit pas nécessaire pour

commander ce mouvement-là.

Voici ma preuve : Le cerveau de cet homme supposé est en même tems dans deux états.

L'un est l'état où il doit être pour rêver fortement: tension ou agitation de fibres; agitation èt consommation d'esprits.

L'autre est l'état où il doit être pour marcher. Et je ne sais si les fibres y contribuent de rien: mais il est sûr qu'il y a beaucoup d'esprits qui coulent sans cesse dans les nerfs des jambes, &c.

Les esprits employés à rêver ne sont point ceux qui sont employés à marcher.

--Donc il est déjà clair que ce qui empêche que l'ébranlement causé par le pieu dans le cerveau, ne détermine les pieds à s'en détourner, ce n'est point que les esprits sont occupés à rêver.

Pour détourner mes pieds de ce pieu, il ne faut ni faire un plus grand effort, ni mouvoir d'autres membres; il ne faut que changer un peu la direction de mes pieds: et, pour cela, il n'est besoin que de déterminer les mêmes esprits qui enflent certains muscles en un sens, à les enfler un peu en un autre. Or il est indubitable qu'un corps étant en mouvement selon une détermination, la moindre force suffit pour lui donner une détermination différente.

Donc n'étant question que de déterminer le

mouvement des esprits, qui coulant du cerveau remuent les pieds, le moindre ébranlement causé dans le cerveau suffira pour cet effet.

Donc l'ébranlement causé par la vue du pieu y suffira.

Cependant ce même ébranlement ne suffit pas pour faire penser au pieu.

Car pour faire penser à une chose nouvelle, Lorsqu'on est occupé d'une autre, il faut un ébranlement du cerveau d'une égale force à-peu-près que celui qui cause la première pensée.

Ce n'est pas là donner une nouvelle détermination au même mouvement; c'est donner un nouveau mouvement tout différent au même corps.

La force du gouvernail qui suffit pour déterminer le mouvement horisontal qu'un navire a sur l'eau, ne suffiroit pas pour lui donner un mouvement vertical de bas en haut.

Donc si l'homme supposé ne se détourne pas du pieu, ce n'est pas parce qu'il pense à autre chose, c'est parce qu'il ne pense point au pieu.

Donc un chien, dans la même supposition, ne pourra se détourner du pieu, s'il ne pense point. La conséquence que je tire suppose évidemment

le cerveau de l'homme et celui du chien sont que semblables en ce point; que ce qui ne se peut faire machinalement dans le cerveau de l'homme ne se peut faire machinalement dans celui d'un Dd z

.

chien, n'y ayant nulle diversité de circonstances.

Or, pour faire le chien se détourne ma

que

chinalement du pieu, vous ne sauriez, non pas montrer, mais seulement imaginer aucune chose dans le cerveau du chien qui ne soit constamment dans le cerveau de l'homme. Je crois qu'on y rêveroit inutilement toute sa vie.

Donc les bêtes pensent, et ne sont pas des

machines.

Les Cartésiens prouvent ordinairement qu'elles en sont, en rapportant tout ce que les hommes font machinalement, et en concluent que les bêtes faire machinalement aussi. La conclusion est juste en ce point particulier, mais non pas pour ce qui est de conclure que tout soit machinal dans les bêtes.

le

peuvent

Je fais un raisonnement plus juste en renversant

celui des Cartésiens

,

et prenant la chose par la face opposée à quoi ils ne songent pas. Je dis: Ce que les hommes et les bêtes font également, et ce que les hommes ne font pas machinalement, les bêtes ne le font machinalement non-plus.

pas

SUR L'HISTOIRE.

Tour le monde convient de l'utilité de l'histoire; mais, ce qui est assez surprenant, elle n'est guères utile de la manière dont presque tout le monde entend qu'elle l'est, et elle peut l'être assez d'une

ertaine autre manière que bien peu de gens connoissent. Comme ce que je pense là-dessus est d'une discussion un peu difficile, je demande la permission de prendre la chose d'assez loin, et de faire l'histoire de l'histoire même.

Naturellement les pères content à leurs enfans ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont vu; et sans doute cela s'est pratiqué dans les premiers siècles du monde. Ces récits devoient porter le caractère de ce tems-là. Comme l'ignorance y étoit parfaite, la plupart des choses étoient des prodiges. Ainsi un père ne manquoit pas d'en remplir les contes qu'il faisoit à ses enfans.

Quand on dit quelque chose de surprenant, l'imagination s'échauffe sur son objet, l'agrandit encore, et est même portée à y ajouter ce qui manqueroit pour le rendre tout-à-fait merveilleux, comme si elle avoit regret de laisser une belle chose imparfaite. De plus, on est flatté des sentimens de surprise et d'admiration que l'on cause à ses auditeurs, et on est bien-aise de les augmenter encore, parce qu'il semble qu'il en revient je ne sais quoi à notre vanité. Ces deux raisons jointes ensemble font que tel homme qui n'a point envie de mentir en commençant un récit un peu extraordinaire, pourra se surprendre lui-même en mensonge sur quelque circonstance, s'il y prend bien garde, et que l'on

a besoin d'une attention particulière et d'une espèce d'effort pour ne dire exactement que la vérité. Que sera-ce après cela de ceux qui naturellement aiment à en imposer aux autres, et à inventer?

Les premiers hommes ont donc vu bien des prodiges, parce qu'ils étoient fort ignorans; mais parce qu'ils étoient hommes, ils les ont exagérés en les racontant, soit de bonne foi, pour ainsi dire, soit de mauvaise foi. Si ces récits sont déjà gâtés à leur source, assurément ce sera bien pis quand ils passeront de bouche en bouche. Chacun en ôtera quelque petit trait de vrai, et y en mettra quelqu'un de faux, et principalement du faux merveilleux, qui est le plus agréable; et peut-être qu'après un siècle ou deux, il n'y restera rien du vrai qui y étoit d'abord, et même peu du pre

mier faux.

A ces récits fabuleux, qui ne contenoient que des faits, se sont joints des systêmes de philosophie aussi fabuleux; car il y a eu de la philosophie même dans ces siècles grossiers. Les hommes sont toujours curieux, toujours portés naturellement à rechercher la cause de ce qu'ils voient; j'entends les hommes qui ont un peu plus de génie que les autres. D'où peut venir cette rivière qui coule toujours, a dû dire un contemplatif de ces siècles-là, qui étoit assurément une étrange espèce de contemplatif? Après une longue méditation, il a trouvé

« 이전계속 »