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logues au fond des fujets, des fentiments honnêtes & vertueux, il s'appliquoit peu à faire agir ces grands refforts de la Tragédie qui émeuvent les paffions & produifent des chefs-d'oeuvre. Il plaifoit à l'efprit, & ne touchoit le cœur que foiblement. Il intéreffe pourtant quelquefois; mais c'eft d'une maniere douce, uniforme, & prefque imperceptible. Auffi n'avoit-il de talent bien décidé, que pour le genre lyrique dans lequel il n'a eu de fupérieur que Quinault, & d'égal que la Motte, ou peut-être le Poëte Roy. La Tragédie demande plus d'élévation, plus d'étendue de génie : l'Opéra, plus d'efprit, plus de nature; & ce genre n'excédoit point les forces de notre Poëte. It animoit & varioit le Spectacle avec aifance, plaçoit dans fes Poëmes des fituations intéreffantes, les enrichiffoit de tours neufs, y répandoit des traits nobles, hardis, tendres & touchants. Il n'y a donc point d'injuftice, fi, après avoir mis Danchet au fecond rang fur la Scene lyrique, on le place beaucoup plus bas fur la Scene Françoife. Le Public, qui revoit fes Opéra avec plaifir, applaudit particuliérement à Héfiode, à Tancrede, à Arethufe, aux Fêtes Vénitiennes à Idoménée. Les autres moins connus font les Fragments de Lully, Alcine, les Mufes Télemaque, les Amours de Mars & de Vénus, Telephe, Camille Achille & Deidamie, &c. La Fable, l'Hiftoire, le Costume y font ménagés autant qu'ils peuvent l'être dans des Ouvrages de ce genre.

Danchet fut un jour confulté par un jeune Poëte fur une petite piece qui commençoit ainfi :

Maison qui renfermez mon aimable Maîtreffe.

:

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Danchet interrompit le Poëte, & lui dit le mot de Maifon eft bas mettez Palais. L'Auteur recommença fon vers de la même façon. Je vous ai déja dit, reprit Danchet, de mettre Palais. « Eh! Monfieur

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» répliqua le jeune homme, vous voulez que je mette Palais, tandis qu'elle eft à l'Hôpital ».

Danchet a été inhumé à Saint-Germain-l'Auxerrois. Son Portrait a été gravé avec ces vers:

tre,

Si l'honneur de briller au Théatre lyrique,
Si des fuccès heureux fur la Scene tragique,
Danchet, affranchiffoient de l'éternelle nuit,
On te verroit jouir encore de la vie,

Et joindre le bon cœur avec le bel efprit,
Qui ne fe trouvent pas toujours de compagnie.

DANCOURT, (Florent Carton, fieur) naquit à Fontainebleau_en_1661, le même jour que le Grand Dauphin. Le Pere de la Rue, Jéfuite, fous lequel il fit fes études, voulut procurer à la Société un jeune homme dont la vivacité & la pénétration promettoient beaucoup; mais l'éloignement du disciple pour le Cloirendit inutiles tous les foins du Maître : Dancourt aima mieux fe livrer au Barreau, qu'il abandonna bientôt pour le Théatre. Il fut non feulement grand Acteur, fur-tout dans les rôles de Jaloux, de Financier, d'Hypocrite, de Mifanthrope, mais encore Auteur diftingué. « Ce que Regnard étoit à l'é"gard de Moliere dans la haute Comédie, dit un » homme d'efprit, le Comédien Dancourt l'étoit dans "la Farce ». Plufieurs de fes Pieces attirent encore un grand concours. Le Dialogue en eft léger, vif, rapide, plein de gaieté & de faillies. La facilité qu'il avoit dans fes Ouvrages, il la portoit dans la Société. Il étoit recherché de ce qu'il y avoit de plus diftingué & de plus aimable. Ses Œuvres, recueillies en plufieurs Volumes, font le Notaire obligeant, ou les Fonds perdus; le Chevalier à la mode, la Maifon de campagne, la Folle enchere, l'Eté des coquettes, la Parifienne, la Femme d'intrigue, les Bourgeoifes à la mode, la Gazette, l'Opéra de Village, l'In-promptu de Garnifon, les Vendanges, le Tuteur, la Foire de

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Bezons, les Vendanges de Surefne, la Foire SaintGermain, le Moulin de Javelle, les Eaux de Bourbon, les Vacances, Renaud & Armide, la Loterie, le Charivari, le Retour des Officiers, les Curieux de Compiegne, le Mari retrouvé, les Fées, les Enfants de Paris, ou la Famille à la mode; la Fête de Vils lage, ou les Bourgeoifes de qualité; les Trois Cour fines, Colin maillard, l'Opérateur Barry, les nouveaux Divertiffements des Comédies de l'Inconnu, des Amants magnifiques & de Circé; le Galant Jardinier, l'In promptu de Livry, le Divertissement de Sceaux, les Deux Diables boiteux, la Trahifon punie, Madame Artus, les Agioteurs, la Comédie des Comédiens, où l'Amour Charlatan ; Céphale & Procris, Sancho Pança l'In-promptu de Surefne, les Fêtes du Cours, le Verd Galant, le Prix de l'Arquebufe, la Métamorphofe, Déroute du Pharaon, & la Désolation des Joueuses. Il a encore donné la Dame à la mode, Merlin déferteur, le Carnaval de Venife, le Médecin de Chaudray, la Beller Mere, & l'Eclipfe, qui n'ont point été imprimées, ou tre les Nouvelliftes, Angélique & Médor, & la Mort d'Alcide, qu'on lui attribue, avec quelques autres Pieces de Théatre qu'il a laiffées après la mort, & des Ouvrages de Piété.

la

Dancourt n'a qu'un petit cercle, autour duquel il revient fans ceffe; prefque par-tout ce font des Financiers, des Procureurs ou des Villageois qui forment la base de fes Comédies. Il eft même plus fou, vent au Village qu'à la Ville, & auffi fouvent au Moulin qu'au Village. Le talent fingulier qu'il eut pour faire parler les Payfans, les lui fit fouvent mettre en jeu; il les peint toujours d'une maniere agréa ble & naturelle; il les fait parler de même : nul Auteur, avant lui, n'avoit ofé composer une Piece toute en ftyle Villageois. Dancourt en a fait plufieurs; & toutes ont réuffi; la plupart même font reftées au Théatre. C'est donc un nouveau genre, dont la Scene Françoife lui eft redevable. Borné aux

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petites peintures, il entreprit rarement de grands Tableaux; & lorfqu'il voulut le tenter il choifit mal fes fujets j'en excepte le Chevalier à la mode, Piece d'intrigue. Dancourt à fu y jeter des caracteres plaifants & bien foutenus; mais ce qui paroît l'avoir principalement occupé, c'est le foin d'ajuster au Théatre l'Hiftoire & le Vaudeville du Jour. Une aventure, une Mode, un Proverbe, la plus légere circonftance lui fourniffoient l'idée d'une Comédie; & fouvent la Piece a furvécu aux circonstances qui l'avoient fait naître. Plus d'une raifon bornoit Dancourt à ce genre de production, outre le defir d'être utile à fa Troupe; on fent qu'il avoit peu lu les Anciens & les Modernes ; il avoue lui-même n'avoir eu d'autre connoiffance du Théatre, que celle que donnent Je bon fens & l'ufage. Ce n'en étoit point affez pour fuivre de près Moliere & Regnard : l'Auteur du Galant Jardinier fit donc fagement, de fe frayer une route moins épineufe; il eft certain, à cela près, que ce défaut d'étude ne nuit point à la conduite de fes Drames : elle eft communément réguliere, ingénieuse, adroitement ménagée; il fait amener une fituation plaifante, & en tirer parti. Jamais l'expofition du fujet ne l'embarraffe; & il entend l'art du dénouement; il excelle fur- tout à faire agir les intriguants & les valets; fon dialogue eft vif, naturel, ingénieux, précis on peut donner fa profe pour un modele d'agrément & de légéreté mais il s'en faut de beaucoup, que fes vers y répondent; c'eft de la profe froidement compaffée, rimée avec peine, & à qui cette contrainte a fait perdre toute fa vivacité. Il est cependant vrai qu'il manie affez bien le Vaudeville, & qu'il réuffit dans les Divertiffements. Ceux qu'il a joints à fes Comédies, font liés avec art au fujet, & fouvent même en font partie. Il réfulte de toutes ces chofes, que Dancourt eft un des Auteurs à qui le Théatre a le plus d'obligation, par le nombre de Pieces qu'il a fait repréfenter, &

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DAN qui y font reftées. On le fait par cœur ; ce qui fait qu'on les applaudit peu; mais on les écoute volon→ tiers; & c'est beaucoup. Enfin, qu'on me paffe la comparaison; Dancourt occupera parmi nos Auteurs dramatiques, le rang que tiennent parmi les Miniftres & les Généraux, ceux qui ont fait plusieurs actions utiles, fans en avoir jamais fait de grandes, ni d'héroïques.

Les talents d'Acteur & d'Auteur avoient mis Dancourt à la tête de la Comédie Françoife. Les jeunes gens qui s'effayoient dans le genre dramatique, s'adreffoient à lui pour être joués. Il fe faifoit laiffer les Manufcrits, les copioit; & huit jours après: il les rendoit, en difant toujours que la Piece n'étoit pas jouable. L'année d'enfuite, il faifoit paroître cette même Piece, dont il avoit déguifé le fond de fon mieux, & de laquelle il avoit écrit les détails. C'est ce que d'honnêtes gens de Lettres, fes Contemporains, ont affuré lui être arrivé frequemment.

Dancourt étoit d'une moyenne grandeur & avoit la taille bien prife, avant que l'âge lui eût donné de l'embonpoint. Il avoit les cheveux & les fourcils bruns, de beaux yeux, le vifage agréable, & la phyfionomie_noble & fpirituelle. Son principal talent pour le Théatre étoit les rôles de haut Comique, à manteau & raifonné. A l'égard du Tragique, il y étoit froid & monotone; auffi jouoit-il le moins qu'il pouvoit dans ce dernier genre. Au refte, il poffédoit l'art de lire au mieux, non feulement fes Ouvrages, mais auffi ceux des Auteurs qui lui confioient leurs productions, & cependant fans s'y préparer par aucune lecture, lorsqu'il apportoit l'Ouvrage à l'ALfemblée.

On difoit de Dancourt, qu'il jouoit noblement dans la Comédie, & bourgeoisement dans le Tragique.

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