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la Comteffe d'Efcarbagnas, & le Malade imaginaire. Moliere avoit encore compofé, pour la Province & pour Paris, plusieurs petites Farces, comme le Docteur amoureux, le Docteur pédant, les Trois Docteurs Rivaux, le Maître d'Ecole, le Médecin volant, lạ Jaloufie de Barbouillé, la Jaloufie du Gros-René, Gorgibus dans le fac, le Fagoteur, le Grand benet de Fils, Gros-René petit enfant, &c, qui n'ont pas été imprimées.

Le rang que Moliere doit occuper dans l'empire littéraire, eft réglé depuis long-temps. Pour juger du mérite de fes ouvrages, il fuffit de les comparer avec tout ce que l'antiquité offre de plus parfait dans ce genre. Plus l'examen fera approfondi, plus la fupériorité de ce grand homme fera reconnue. Il puifa chez les anciens les premieres notions de l'art qu'il devoit perfectionner: il leur dut ce goût fûr qui éclaira fon génie, & lui fit furpaffer tous les modeles. Bientôt il n'en voulut avoir d'autre que fon génie même. La nature & les ridicules de fon fiecle lui parurent une fource inépuifable; il en tira cette foule de tableaux fi différents entr'eux, & fi reffemblants avec les objets qu'il avoit voulu peindre. La Comédie prit une nouvelle forme, & s'annoblit entre fes mains, Il étudia le génie des grands, les fit rire de leurs défauts, & ofa fubftituer nos Marquis aux Efclaves des anciens. Ces derniers ne jouoient fur leur Théatre que la vie commune & bourgeoife; Moliere joua fur le nôtre la Ville & la Cour. Spectateur philofophe, rien n'échappoit à fes regards; il eft peu de conditions où il n'ait fouillé, peu de vices dans la fociété qu'il n'ait repris; perfonne enfin n'a fi bien connu l'art de trouver le ridicule des chofes les plus férieuses. Il alloit le faifir où d'autres ne l'euffent pas même foupçonné. Auffi a-t-il joui d'un avantage bien rare, celui de réformer une partie des abus qu'il attaquoit. Le jargon des Précieufes ridicules difparut; celui des Femmes favantes devint intelligible. On ceffa

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de turlupiner à la Cour, & de fe guinder à la Ville. On vit encore, je l'avoue, des avares & des hypocrites; c'eft qu'un vice eft plus difficile à réformer qu'un ridicule, & que fouvent on en rougit moins. Il faut convenir cependant que même dans les chefsd'œuvre de Moliere, on fouhaiteroit un langage plus épuré, & des dénouements plus heureux. On lui reproche encore de s'être trop occupé du Peuple dans quelques-unes de fes. Comédies; & ce reproche eft fondé; mais il faut envifager les circonftan-. ces. Moliere, Chef d'une Troupe de Comédiens, avoit befoin de plaire à la multitude, fans laquelle une pareille Troupe ne peut vivre: il étoit même fouvent obligé d'amufer la Cour, qui, avec un goût délicat, aime encore plus à rire qu'à admirer. Il faut d'ailleurs diftinguer les genres: le Médecin malgré lui, Pourceaugnac, les Fourberies de Scapin, &c, ne peuvent entrer en parallele avec le Mifanthrope, le Tartuffe, les Femmes favantes, &c; mais plus d'un trait dans ces premieres productions, décele le génie qui enfanta les fecondes. Moliere en introduifant le bon goût fur la fcene comique, n'avoit pu en bannir entiérement le mauvais; il étoit obligé d'encenfer quelquefois l'idole qu'il vouloit renverfer. En un mot, il imitoit la fageffe de certains Légiflateurs qui, pour accréditer de bonnes loix, fe foumettent eux-mêmes à d'anciens abus.

PORTRAIT

DE

MOLIER E.

Tantôt Plaute, tantôt Térence,

Toujours Moliere cependant :

Quel homme ! Avouons que la France
En perdit trois, en le perdant.

La Dame Poiffon, femme d'un des meilleurs Comiques que nous ayons eus, fille de Ducroify, Comédien de la Troupe de Moliere, & qui avoit joué le rôlé d'une des Graces dans Plyché en 1671, 2

MOL

MOL donné ce portrait de Moliere. « Il n'étoit ni trop gras » ni trop maigre. Il avoit la taille plus grande que "petite, le port noble, la jambe belle, il marchoit » gravement, avoit l'air très-férieux, le nez gros, la "bouche grande, les levres épaiffes, le teint brun » les fourcils noirs & forts, & les divers mouvements

qu'il leur donnoit, lui rendoient la phyfionomie ex» trêmement comique. A l'égard de fon caractere, il » étoit doux, complaifant, & généreux. Il aimoit fort » à haranguer; & quand il lifoit fes Pieces aux Co»médiens, il vouloit qu'ils y amenaffent leurs en»fants, pour tirer des conjectures de leurs mouve

»ments naturels ».

A peine Moliere fut mort, que Paris fut inondé d'épitaphes à fon fujet; toutes affez mauvaises, à l'exception de celle que le célebre la Fontaine composa, & d'une Piece de vers du P. Bouhours.

VERS du P. Bouhours fur Moliere.

Ornement du Théatre, incomparable Acteur,
Charmant Poëte, illuftre Auteur,
C'est toi, dont les plaifanteries
Ont guéri du Marquis l'efprit extravagant:
C'est toi qui, par tes momeries,
A réprimé l'orgueil du Bourgeois arrogant.
Ta Mufe, en jouant l'hypocrite,
A redreffé les faux Dévots;
La Précieufe, à tes bons mots,
A reconnu fon faux mérite :
L'homme ennemi du genre humain
Le Campagnard, qui tout admire,
N'ont pas lu tes écrits en vain :

Tous deux fe font inftruits, en ne penfant qu'à rire.
Enfin tu réformas & la Ville & la Cour :

Mais quelle fut ta récompense?

Les François rougiront un jour
De leur peu de reconnoiffance,

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Qui mit, à les polir, fon art & fon étude;
Mais, Moliere, à ta gloire il ne manqueroit rien,
Si, parmi leurs défauts, que tu peignis fi bien,
Tu les avois repris de leur ingratitude.

ÉPITAPHE de Moliere par la Fontaine.

Sous ce tombeau gifent Plaute & Térence;
Et cependant le feul Moliere y gît.
Leurs trois talents ne formoient qu'un esprit,
Dont le bel Art réjouiffoit la France.
Ils font partis ; & j'ai peu d'espérance
De les revoir, malgré tous nos efforts.
Pour un long-temps, felon toute apparence,
Térence & Plaute & Moliere font morts.

Un Abbé présenta à M. le Prince l'Epitaphe suivante, dont on a parlé au bas de la page 507 du fecond Tome de cet ouvrage.

Ci-gît qui parut, fur la fcene,

Le finge de la vie humaine,

Qui n'aura jamais fon égal;

Mais voulant de la mort, ainfi que de la vie,
Etre l'Imitateur, dans une Comédie,

Pour trop bien réuffir, il réuffit très-mal;

Car la mort, en étant ravie,

Trouva fi belle la copie

Qu'elle en fit un original.

Deux ou trois ans après la mort de Moliere, il y eut un hiver très-rude. Sa veuve fit porter cent voies de bois fur la tombe de fon mari, & les y fit brûler pour chauffer les pauvres du quartier La grande chaleur du feu fendit en deux la pierre, qui couvroit la

tombe.

Moliere avoit un grand-pere qui l'aimoit beaucoup; & comme ce vieillard avoit de la paffion pour la Comédie, il menoit fouvent le petit Poquelin à l'Hôtel de Bourgogne. Le pere, qui appré

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hendoit que ce plaifir ne diffipât fon fils, & ne lui otât l'attention qu'il devoit à fon métier, demanda un jour au bon-homme pourquoi il menoit fi fouvent fon petit-fils au Spectacle « Avez-vous envie, » lui dit-il, d'en faire un Comédien ? Plût à Dieu » lui répondit le grand - pere, qu'il fût auffi bon » Comédien que Bellerofe ». Cette réponse frappa le jeune homme.

Le pere de Moliere, fâché du parti que fon fils avoit pris d'aller dans les Provinces jouer la Comédie, le fit folliciter inutilement par tout ce qu'il avoit d'amis, de quitter cette penfée. Enfin il lui envoya le Maître chez qui il l'avoit mis en pension pendant les premieres années de fes études, efpérant que par l'autorité que ce Maître avoit eue fur lui pendant ce temps-là, il pourroit le ramener à fon devoir; mais bien loin que cet homme l'engageât à quitter fa profeffion, le jeune Moliere lui perfuada de l'embraffer lui-même, & d'être le Docteur de leur Comédie; lui repréfentant que le peu de Latin qu'il favoit, le rendroit capable d'en bien faire le perfonnage, & que la vie qu'ils meneroient feroit bien plus agréable que celle d'un homme qui tient des Penfionnaires.

Moliere récitoit en Comédien fur le Théatre & hors du Théatre; mais il parloit en honnête homme, rioit en honnête homme, avoit tous les sentiments d'un honnête homme. Defpréaux trouvoit la profe de Moliere plus parfaite que fa Poéfie, en ce qu'elle étoit plus réguliere & plus châtiée, au lieu que la fervitude des rimes l'obligeoit fouvent à donner de mauvais voifins à des vers admirables: voifins Maîtres de l'Art appellent des Freres Chapeaux.

que

les

Quoique Moliere fût très-agréable en conversation lorfque les gens lui plaifoient, il ne parloit guere

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