IV. ENTRETIEN. L'Efprit de Jefus-Christ manifefté par la Doctrine & par la pratique des Apôtres & des premiers Chrétiens, fur la fréquente Communion.

LE DOCTEUR. THEOPHILE.

LE DOCTEUR.

Uor, Théophile, il y a deux jours que je ne vous ai vu! Où eft donc l'ardeur que vous faifiez paroître pour vous rendre ici? Auriez-vous changé de pensée ?

THEOPHILE. Oui, mon cher Pere, j'en ai changé, mais non pas dans le fens que vous pourriez l'entendre. Je ne puis vous rien cacher. Pénétré jufqu'au fond du cœur, de ce que Jefus-Chrift a dit & a fait pour nous porter à communier fouvent, je me fuis dit à moi-même:Quel Docteur, quel Livre doit l'emporter dans mon efprit? Jefus-Chrift après tout, eft le feul maître que je dois écouter. Il parle en Dieu, & il décide. Devant ce

Soleil, tout aftre s'éclipfe. Je me fuis déterminé à aller trouver mon Confeffeur; & tout bon qu'il eft, voici comme il m'a reçu. Monfieur, m'a-t-il dit, it y a fix mois que je veux que vous communyiez, & vous ne le faites pas. Je ne puis plus me charger de votre confcience, il faut obéir ; & fur cela il me renvoyoit, lorfque je l'ai arrêté. Oui, mon Pere, lui ai-je répondu, je viens pour cela. Mon parti eft pris de communier felon votre confeil. Il a voulu favoir d'où venoit un fi heureux changement. Je lui ai fait récit de nos converfations; il m'a embraffé, & m'a félicité de l'avantage que j'ai d'examiner la matiere de la fréquente Communion avec vous. Il dit qu'il vous connoît, & il m'a avoué que vous étiez prefque le feul qu'il avoit entendu parler avec connoiffance de caufe fur cet article-là. Enfin nous fommes convenus que je communierois tous les huit jours. Je confacrai la journée d'hier à cette fainte action. J'ai cru ne pouvoir mieux vous marquer ma docilité, qu'en m'approchant de l'Eucha

riftie..

LE DOCTEUR. Vous me comblez de joie ; & je reconnois de plus en plus la

droiture de votre cœur, & votre docilité à la grace. Je fuis charmé que vous ayiez différé de me voir pour une raison fi plaufible. Cela m'animera à continuer nos Entretiens.

THEOPHILE. Je vous en conjure. Affermiffez un commençant, qui craint toujours de communier trop fouvent, & fuivre l'Efprit de Jefus-Chrift

de ne pas

en cela.

LE DOCTEUR. Perfonne ne peut mieux nous affurer du véritable Esprit de Jefus-Chrift par rapport à l'ufage de l'Euchariftie, que les Apôtres. Ils avoient entendu fon difcours après la multiplication des cinq pains, ce qu'il avoit dit en différentes occafions fur l'Euchariftie, & fur-tout ce qu'il avoit dit en l'inftituant. Après fa Réfurrection, Jefus-Chrift les inftruifit encore pendant quarante jours. Il leur avoit envoyé fon Efprit le jour de la Pentecôte, qui leur apprit toute vérité, & qui par fes infaillibles lumieres, les mit en état de former l'Eglife primitive felon l'efprit de JesusChrift même. Saint Pierre à la tête de ces Fondateurs du Chriftianifme, convertit d'abord dans deux fermons huit mille anes; & le nombre des Fideles

croiffant tous les jours, on les batifa, & puis on les fit fréquenter tous les jours la divine Euchariftic.

C'eft ce que certifie l'Hiftoire Sainte des Actes des Apôtres, en deux endroits différens. Ils perfévéroient dans la Doctrine des Apôtres, & dans la frac- Al. 24 tion du pain: Erant autem perfeverantes in Doctrina Apoftolorum & communicatione fractionis panis.

Un peu plus bas la même Hiftoire fainte affure, que tous les croyans demeu

roient TOUS LES JOURS ensemble dans le temple, (a) & rompoient le pain dans les maifons; c'eft-à-dire, prenoient l'Euchariftie avec fimplicité & pureté de cœur, avec des tranfports de joie, louant Dieu avec reconnoiffance; & par leur conduite pleine de charité, fe rendant aimables à tout le monde.

Sur quoi remarquez, 1°. que le mot de fraction du pain, eft toujours employé par les Auteurs facrés pour l'Eu

(a) Omnes etiam qui credebant... QUOTI DIE perdurantes unanimiter in templo, & frangentes circa domos panem, fumebant cibum cum exultatione & fimplicitate cordis, collaudantes Deum, & habentes gratiam ad omnem plebem. Act, 2.

v. 420

chariftie, felon que faint Paul (a) l'explique. » Le pain que nous rompons, n'eft-ce pas la participation du Corps o du Seigneur? Les Hérétiques s'accordent fur ce point avec la tradition de l'Eglife. 2°. Que les Apôtres alloient tous les jours de maifon en maifon diftribuer l'Euchariftie: QUOTIDIE frangentes panem circa domos ; à caufe de la multitude des Fideles qui croiffoit chaque jour. 3°. Que cette Communion quotidienne étoit la fource d'une joie pure, d'une reconnoiffance qui éclatoit en louanges perpétuelles envers le Seigneur; que cette Communion étoit précédée d'une fimplicité & d'une pureté de cœur qui fe faifoit fentir, & fuivie d'une conduite aimable & pleine de charité.

Cela fuppofé, voici mon raisonnement tout fimple. Les premiers Chrétiens communioient tous les jours. De qui avoient-ils appris cette pratique-là? Des Apôtres. Ils perfévéroient dans la Communion de tous les jours; parce qu'ils perfévéroient dans la Doctrine des Apôtres; Erant perfeverantes in Doctrina (a) Panis quem frangimus, nonne participatio Corporis Domini eft? I. Cor. 10. 16.

Apoftolorum