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feffion inaliénable de fa premiere liberté. Il pensera comme un perfonnage de la république de Platon (Thrafimaque ), que la juftice n'eft que la fottife d'une belle ame, & l'injuftice,l'adreffe d'un homme inftruit. Lorsqu'on lui fera la même question que celle qu'Epicure s'eft faite à lui-même (a), « Si le »fage affuré du fecret, pourroit

כב

faire une action contraire aux > loix » : il avouera comme lui,que la réponse eft embaraffante: ce qui fignifie, ajoûte Plutarque, qu'il le pourroit; mais qu'il faudroit bien fe garder d'en faire l'aveu.

S'il donne des confeils en confidence, à quelqu'un de fes amis, il lui dira, comme Epicure à Idomenée (b), « de ne s'affujettir aux

(a) Plut. adv. Col. 1127.

(b) Adv. Col. 1127. Ceft cet Idomenée à qui Epicure difoit

modeftement, pour le détourner du genre de vie qu'il avoit embraffé: Si c'eft la gloire qui vous touche: les

loix qu'autant qu'il le faut, pour » éviter le choc & le trouble qui » fuit la tranfgreffion ».

Partant de ces principes, le fage Epicurien ne manquera pas de rendre à ce qu'il appellera nature dans fa perfonne, tout ce qu'il pourra ôter aux loix. Il faura profiter de la liberté que lui donne fa philofophie contre la fociété, & des avantages que lui donne la loi de la fociété contre ceux qui ne font pas philofophes. En un mot, il fe fouftraira à l'autorité autant qu'il le pourra, quand elle fera contre lui; & il la fera valoir tant qu'il pourra, quand elle fera pour lui. Qui peut lui faire un crime d'avoir préféré son propre avantage à celui d'un autre? fur-tout, s'il eft vrai, comme il l'eft dans fon fif

Lettres que je vous écris vous rendront plus célebre, que tout ce

que vous faites pour vous donner de la con

fidération. Sen. Ep.11

tême, que l'utilité feule eft la mere des loix ; & que la loi de l'utilité particuliere, antérieure à celle du bien public, eft l'ouvrage de la nature; tandis que celle du bien public n'eft que l'ouvrage de la convention réciproque des hom

mes?

Ce font ces conféquences, & quelques autres foigneufement voilées par ceux qui les admettent, qui ont effrayé les défenfeurs des principes innez. A voir la chaleur avec laquelle on a com→ battu pour & contre ces principes, depuis quelque tems, il est aisé de fentir qu'ils tiennent à un fiftême plus étendu & plus impor tant qu'il ne paroît au premier coup d'œil.

En effet, fans compter la notion de l'ame, qu'on brouille dans tous fes points, en la réduifant à une fimple table rafe; en ne lui

laiffant aucun acte,ni connoiffance qui provienne d'elle, qui foit à elle; en lui ôtant jufqu'au fentiment d'elle-même, lorfqu'elle n'a plus les organes des fenfations, (ce qui réduit toutes les idées que nous avons de la vie de l'ame féparée du corps, à une corps, à une poffibilité abfolue, comprise dans l'idée générale que nous avons de la puiffance infinie de Dieu, qui peut, dit-on, donner des perceptions à l'ame par d'autres voies que par celles du corps ) fans compter, disje, cet inconvénient, qui n'eft pas de médiocre importance; il y a celui de faire dépendre les notions du bien & du mal moral des fenfations du bien & du mal physi→ que; de forte que les idées du bien & du mal phyfique feroient les idées de la nature, & celles du bien & du mal moral, des idées factices de l'efprit humain.

Ces conféquences néceffaires dans le fiftême des Epicuriens renverfent réellement, & felon leur intention, les loix effentielles de la Morale, les notions fondamentales du vice & de la vertu, & ne font de toute la fociété humaine qu'un affemblage d'animaux qui croient agir par raison, & vouloir librement, ce qu'ils ne font que par mécanisme : automates d'autant plus fots, qu'ils s'imaginent n'en pas être ; & d'autant plus malheureux, qu'ils penfent & qu'ils fentent comme s'ils n'en étoient pas.

Cependant, il faut l'avouer, toutes ces conféquences ne font pas effentielles à l'opinion même qui tire toutes nos idées des fenfations.

Car, quand même on réduiroit tous les fentimens de la nature à la douleur & au plaisir; qui empêcheroit

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