페이지 이미지
PDF
ePub

Il semble l'un pour l'autre exprès nous conserver.

ALCANDRE.

Je t'entends, Rosidor; par là tu me veux dire
Qu'il faut qu'avec le ciel ma volonté conspire,
Et ne s'oppose pas à ses justes décrets,
Qu'il vient de témoigner par tant d'avis secrets.
Eh bien! je veux moi-même en parler à la reine;
Elle se fléchira, ne t'en mets pas en peine.
Achève seulement de me rendre raison
De ce qui t'arriva depuis sa pâmoison.

ROSIDOR.

Sire, un mot désormais suffit pour ce qui reste.
Lysarque et vos archers depuis ce lieu funeste
Se laissèrent conduire aux traces de mon sang,
Qui, durant le chemin, me dégouttait du flanc;
Et me trouvant enfin dessous un toit rustique,
Ranimé par les soins de son amour pudique,
Leurs bras officieux m'ont ici rapporté.
Pour en faire ma plainte à votre majesté.
Non pas que je soupire après une vengeance
Qui ne peut me donner qu'une fausse allégeance:
Le prince aime Clitandre, et mon respect consent
Que son affection le déclare innocent;
Mais si quelque pitié d'une telle infortune

Peut souffrir aujourd'hui que je vous importune,
Otant par un hymen l'espoir à mes rivaux,
Sire, vous taririez la source de nos maux.
ALCANDRE.

Tu fuis à te venger; l'objet de ta maîtresse
Fait qu'un tel désir cède à l'amour qui te presse;
Aussi n'est-ce qu'à moi de punir ces forfaits,
Et de montrer à tous, par de puissants effets,
Qu'attaquer Rosidor c'est se prendre à moi-même:
Tant je veux que chacun respecte ce que j'aime!
Je le ferai bien voir. Quand ce perfide tour
Aurait eu pour objet le moindre de ma cour,
Je devrais au public, par un honteux supplice,
De telles trahisons l'exemplaire justice.
Mais Rosidor surpris, et blessé comme il l'est,
Au devoir d'un vrai roi joint mon propre intérêt.
Je lui ferai sentir, à ce traître Clitandre,

CALISTE.

Sire, ne songez pas à cette misérable;
Rosidor garanti me rend sa redevable;
Et je me sens forcée à lui vouloir du bien
D'avoir à votre état conservé ce soutien.
ALCANDRE.

Le généreux orgueil des âmes magnanimes
Par un noble dédain sait pardonner les crimes;
Mais votre aspect m'emporte à d'autres sentiments,
Dont je ne puis cacher les justes mouvements;
Ce teint pâle à tous deux me rougit de colère,
Et vouloir m'adoucir, c'est vouloir me déplaire.

ROSIDOR.

Mais, sire, que sait-on? peut-être ce rival,
Qui m'a fait, après tout, plus de bien que de mal,
Sitôt qu'il vous plaira d'écouter sa défense,
Saura de ce forfait purger son innocence.

ALCANDRE.

Et par où la purger? sa main d'un trait mortel
A signé son arrêt en signant ce cartel.
Peut-il désavouer ce qu'assure un tel gage,
Envoyé de sa part, et rendu par son page?
Peut-il désavouer que ses gens déguisés

De son commandement ne soient autorisés? [boue;
Les deux, tout morts qu'ils sont, qu'on les traîne à la
L'autre, aussitôt que pris, se verra sur la roue;
Et pour le scélérat que je tiens prisonnier,
Ce jour que nous voyons lui sera le dernier.
Qu'on l'amène au conseil ; par forme il faut l'entendre,
Et voir par quelle adresse il pourra se défendre.
Toi, pense à te guérir, et crois que, pour le mieux,
Je ne veux pas montrer ce perfide à tes yeux :
Sans doute qu'aussitôt qu'il se ferait paraître,
Ton sang rejaillirait au visage du traître.

ROSIDOR.

L'apparence déçoit, et souvent on a vu
Sortir la vérité d'un moyen imprévu,

Bien que la conjecture y fût encor plus forte;
Du moins, sire, apaisez l'ardeur qui vous transporte;
Que, l'âme plus tranquille et l'esprit plus remis,
Le seul pouvoir des lois perde nos ennemis.

ALCANDRE.

Quelque part que le prince y puisse ou veuille prendre, Sans plus m'importuner, ne songe qu'à tes plaies.

Combien mal à propos sa folle vanité
Croyait dans sa faveur trouver l'impunité.

Je tiens cet assassin; un soupçon véritable,

Que m'ont donné les corps d'un couple détestable,
De son lâche attentat m'avait si bien instruit,
Que déjà dans les fers il en reçoit le fruit.

(à Caliste.)

Toi, qu'avec Rosidor le bonheur a sauvée,
Tu te peux assurer que Dorise trouvée,

Comme ils avaient choisi même heure à votre mort,
En même heure tous deux auront un même sort.

Non, il ne fut jamais d'apparences si vraies. Douter de ce forfait, c'est manquer de raison. Derechef, ne prends soin que de ta guérison.

SCÈNE II.

ROSIDOR, CALISTE.

ROSIDOR.

Ah! que ce grand courroux sensiblement m'afflige!

CALISTE.

C'est ainsi que le roi, te refusant, t'oblige:

[blocks in formation]

Ne crains pas désormais que mon amour s'oublie;
Répare seulement ta vigueur affaiblie :
Sache bien te servir de la faveur du roi,
Et pour tout le surplus repose-t'en sur moi.

SCÈNE III.
CLITANDRE, en prison.

Je ne sais si je veille, ou si ma rêverie

A mes sens endormis fait quelque tromperie,
Peu s'en faut, dans l'excès de ma confusion,
Que je ne prenne tout pour une illusion.
Clitandre prisonnier! je n'en fais pas croyable
Ni l'air sale et puant d'un cachot effroyable,
Ni de ce faible jour l'incertaine clarté,
Ni le poids de ces fers dont je suis arrêté;

Je les sens, je les vois; mais mon âme innocente
Dément tous les objets que mon œil lui présente,
Et, le désavouant, défend à ma raison
De me persuader que je sois en prison.
Jamais aucun forfait, aucun dessein infâme
N'a pu souiller ma main, ni glisser dans mon âme;
Et je suis retenu dans ces funestes lieux!

Non, cela ne se peut : vous vous trompez, mes yeux;
J'aime mieux rejeter vos plus clairs témoignages,
J'aime mieux démentir ce qu'on me fait d'outrages,

Que de m'imaginer, sous un si juste roi,
Qu'on peuple les prisons d'innocents comme moi.
Cependant je m'y trouve; et bien que ma pensée
Recherche à la rigueur ma conduite passée,
Mon exacte censure a beau l'examiner,
Le crime qui me perd ne se peut deviner;
Et quelque grand effort que fasse ma mémoire,
Elle ne me fournit que des sujets de gloire.
Ah! prince, c'est quelqu'un de vos faveurs jaloux
Qui m'impute à forfait d'être chéri de vous.
Le temps qu'on m'en sépare, on le donne à l'envie
Comme une liberté d'attenter sur ma vie.
Le cœur vous le disait, et je ne sais comment
Mon destin me poussa dans cet aveuglement
De rejeter l'avis de mon dieu tutélaire;
C'est là ma seule faute, et c'en est le salaire,
C'en est le châtiment que je reçois ici.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

En vain pour m'éblouir vous usez de la ruse,

Mon esprit, quoique lourd, aisément ne s'abuse:
Ce que vous me cachez, je le lis dans vos yeux.
Quelque revers d'amour vous conduit en ces lieux;
N'est-il pas vrai, monsieur? et même cette aiguille
Sent assez les faveurs de quelque belle fille ;
Elle est, ou je me trompe, un gage de sa foi.

DORISE.

O malheureuse aiguille! Hélas! c'est fait de moi.

PYMANTE.

Sans doute votre plaie à ce mot s'est rouverte.
Monsieur, regrettez-vous son absence, ou sa perte?
Vous aurait-elle bien pour un autre quitté,
Et payé vos ardeurs d'une infidélité?
Vous ne répondez point; cette rougeur confuse,
Quoique vous vous taisiez, clairement vous accuse.
Brisons là: ce discours vous fàcherait enfin;
Et c'était pour tromper la longueur du chemin
Qu'après plusieurs discours, ne sachant que vous dire,
J'ai touché sur un point dont votre cœur soupire,
Et de quoi fort souvent on aime mieux parler
Que de perdre son temps à des propos en l'air.

DORISE.

Ami, ne porte plus la sonde en mon courage :
Ton entretien commun me charme davantage;
Il ne peut me lasser, indifférent qu'il est ;
Et ce n'est pas aussi sans sujet qu'il me plaît.
Ta conversation est tellement civile,

Que pour un tel esprit, ta naissance est trop vile;
Tu n'as de villageois que l'habit et le rang,
Tes rares qualités te font d'un autre sang;
Même, plus je te vois, plus en toi je remarque
Des traits pareils à ceux d'un cavalier de marque;
Il s'appelle Pymante, et ton air et ton port
Ont avec tous les siens un merveilleux rapport.

PYMANTE.

J'en suis tout glorieux ; et de ma part, je prise
Votre rencontre autant que celle de Dorise,
Autant que si le ciel, apaisant sa rigueur,
Me faisait maintenant un présent de son cœur.

DORISE.

Qui nommes-tu Dorise?

PYMANTE.

Une jeune cruelle

Qui me fuit pour un autre.

DORISE.

Et ce rival s'appelle?

PYMANTE.

Le berger Rosidor.

DORISE. Ami, ce nom si beau

Chez vous donc se profane à garder un troupeau?

PYMANTE.

Madame, il ne faut plus que mon feu vous déguise Que sous ces faux habits il reconnaît Dorise.

Je ne suis point surpris de me voir dans ces bois
Ne passer à vos yeux que pour un villageois;
Votre haine pour moi fut toujours assez forte
Pour déférer sans peine à l'habit que je porte.
Cette fausse apparence aide et suit vos mépris :
Mais cette erreur vers vous ne m'a jamais surpris;
Je sais trop que le ciel n'a donné l'avantage
De tant de raretés qu'à votre seul visage;
Sitôt que je l'ai vu, j'ai cru voir en ces lieux
Dorise déguisée, ou quelqu'un de nos dieux;
Et si j'ai quelque temps feint de vous méconnaître
En vous prenant pour tel que vous vouliez paraître,
Admirez mon amour, dont la discrétion
Rendait à vos désirs cette submission,
Et disposez de moi, qui borne mon envie
A prodiguer pour vous tout ce que j'ai de vie.

[blocks in formation]

Éprouve par sa mort comme un amant fidèle Venge votre beauté du mépris qu'on fait d'elle.

DORISE.

Monstre de la nature, exécrable bourreau,
Après ce lâche coup qui creuse mon tombeau,
D'un compliment railleur ta malice me flatte!
Fuis, fuis, que dessus toi ma vengeance n'éclate;
Ces mains, ces faibles mains que vont armer les dieux,
N'auront que trop de force à t'arracher les yeux,
Que trop à t'imprimer sur ce hideux visage
En mille traits de sang les marques de ma rage.

PYMANTE.

Le courroux d'une femme, impétueux d'abord,
Promet tout ce qu'il ose à son premier transport;
Mais comme il n'a pour lui que sa seule impuissance,
A force de grossir il meurt en sa naissance;
Ou s'étouffant soi-même, à la fin ne produit
Que point ou peu d'effet après beaucoup de bruit.

DORISE.

Va, va, ne prétends pas que le mien s'adoucisse;
Il faut que ma fureur ou l'enfer te punisse;
Le reste des humains ne saurait inventer
De gêne qui te puisse à mon gré tourmenter.

Si tu ne crains mes bras, crains de meilleures armes;
Crains tout ce que le ciel m'a départi de charmes :
Tu sais quelle est leur force, et ton cœur la ressent;
Crains qu'elle ne m'assure un vengeur plus puissant.
Ce courroux, dont tu ris, en fera la conquête
De quiconque à ma haine exposera ta tête,
De quiconque mettra ma vengeance en mon choix.
Adieu : je perds le temps à crier dans ces bois :
Mais tu verras bientôt si je vaux quelque chose,
Et si ma rage en vain se promet ce qu'elle ose.

PYMANTE.

J'aime tant cette ardeur à me faire périr,
Que je veux bien moi-même avec vous y courir.

DORISE.

Traître! ne me suis point.

PYMANTE.

Prendre seule la fuite!

Vous vous égareriez à marcher sans conduite;
Et d'ailleurs votre habit, où je ne comprends rien,
Peut avoir du mystère aussi bien que le mien.
L'asile dont tantôt vous faisiez la demande
Montre quelque besoin d'un bras qui vous défende ;
Et mon devoir vers vous serait mal acquitté,
S'il ne vous avait mise en lieu de sûreté.
Vous pensez m'échapper quand je vous le témoigne;
Mais vous n'irez pas loin que je ne vous rejoigne.
L'amour que j'ai pour vous, malgré vos dures lois,
Sait trop ce qu'il vous doit, et ce que je me dois.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Puisqu'ici la raison n'est que ce que je veux,
Et, ployant dessus moi, permet à mon envie
De recueillir les fruits de vous avoir servie.
Il me faut des faveurs malgré vos cruautés.

DORISE.

Exécrable! ainsi donc tes désirs effrontés
Voudraient sur ma faiblesse user de violence?
PYMANTE.

Je ris de vos refus, et sais trop la licence
Que me donne l'amour en cette occasion.

DORISE, lui crevant l'œil de son aiguille.
Traître! ce ne sera qu'à ta confusion.
PYMANTE,
Ah, cruelle!

portant les mains à son œil crevé.

DORISE.

Ah, brigand!

PYMANTE.

Imprimé dans mon cœur, exprimé dans mes yeux,
Quoi que te commandât une âme si cruelle,
Devait être adoré de ta pointe rebelle.

Honteux restes d'amour qui brouillez mon cerveau!
Quoi! puis-je en ma maîtresse adorer mon bourreau?
Remettez-vous, mes sens; rassure-toi, ma rage;
Reviens, mais reviens seule animer mon courage;
Tu n'as plus à débattre avec mes passions
L'empire souverain dessus mes actions;
L'amour vient d'expirer, et ses flammes éteintes
Ne t'imposeront plus leurs infâmes contraintes.
Dorise ne tient plus dedans mon souvenir
Que ce qu'il faut de place à l'ardeur de punir.
Je n'ai plus rien en moi qui n'en veuille à sa vie.
Sus donc, qui me la rend? Destins, si votre envie,
Si votre haine encor s'obstine à mes tourments,
Jusqu'à me réserver à d'autres châtiments,

Ah! que viens-tu de faire? Faites que je mérite, en trouvant l'inhumaine,

DORISE.

De punir l'attentat d'un infâme corsaire.

Par un nouveau forfait, une nouvelle peine;
Et ne me traitez pas avec tant de rigueur

PYMANTE, prenant son épée dans la caverne où il Que mon feu ni mon fer ne touchent point son cœur.

l'avait jetée au second acte.

Ton sang m'en répondra ; tu m'auras beau prier,
Tu mourras.

DORISE, à part.
Fuis, Dorise, et laisse-le crier.

SCÈNE II.

PYMANTE.

Où s'est-elle cachée? où l'emporte sa fuite?
Où faut-il que ma rage adresse ma poursuite?
La tigresse m'échappe, et, telle qu'un éclair,
En me frappant les yeux, elle se perd en l'air :
Ou plutôt, l'un perdu, l'autre m'est inutile;
L'un s'offusque du sang qui de l'autre distille.
Coule, coule, mon sang; en de si grands malheurs,
Tu dois avec raison me tenir lieu de pleurs :
Ne verser désormais que des larmes communes,
C'est pleurer lâchement de telles infortunes.
Je vois de tous côtés mon supplice approcher;
N'osant me découvrir, je ne me puis cacher.
Mon forfait avorté se lit dans ma disgrâce,
Et ces gouttes de sang me font suivre à la trace.
Miraculeux effet! Pour traître que je sois,
Mon sang l'est encor plus, et sert tout à la fois
De pleurs à ma douleur, d'indices à ma prise,
De peine à mon forfait, de vengeance à Dorise.

O toi qui, secondant son courage inhumain,
Loin d'orner ses cheveux, déshonores sa main,
Exécrable instrument de sa brutale rage,
Tu devais pour le moins respecter son image;
Ce portrait accompli d'un chef-d'œuvre des cieux,

Mais ma fureur se joue, et, demi languissante,
S'amuse au vain éclat d'une voix impuissante.
Recourons aux effets, cherchons de toutes parts;
Prenons dorénavant pour guides les hasards.
Quiconque ne pourra me montrer la cruelle,
Que son sang aussitôt me réponde pour elle;
Et ne suivant aussi qu'une incertaine erreur,
Remplissons tous ces lieux de carnage et d'horreur.
(Une tempête survient.)

Mes menaces déjà font trembler tout le monde;
Le vent fuit d'épouvante, et le tonnerre en gronde;
L'œil du ciel s'en retire, et par un voile noir,
N'y pouvant résister, se défend d'en rien voir;
Cent nuages épais se distillant en larmes,
A force de pitié, veulent m'ôter les armes.
La nature étonnée embrasse mon courroux,
Et veut m'offrir Dorise, ou devancer mes coups.
Tout est de mon parti; le ciel même n'envoie
Tant d'éclairs redoublés qu'afin que je la voie.
Quelques lieux où l'effroi porte ses pas errants,
Ils sont entrecoupés de mille gros torrents.
Que je serais heureux, si cet éclat de foudre,
Pour m'en faire raison, l'avait réduite en poudre!
Allons voir ce miracle, et désarmer nos mains,
Si le ciel a daigné prévenir nos desseins.
Destins, soyez enfin de mon intelligence,
Et vengez mon affront, ou souffrez ma vengeance!

SCÈNE III.

FLORIDAN.

Quel bonheur m'accompagne en ce moment fatal!
Le tonnerre a sous moi foudroyé mon cheval,

« 이전계속 »