페이지 이미지
PDF
ePub

Il y a eu des fonges prophétiques; la preuve en eft dans l'Hiftoire de Jofeph (a), & autres récits de l'Ecriture. Il y a des fonges qui s'accompliffent; tels que celui d'Alexandre à l'égard de Caffandre, celui de la Syracufaine Himere fur l'élévation de Denys le Tyran, celui de Calpurnie fur la mort de Céfar (b). Mais on ne dira pas que les rêves prédifent ou s'accompliffent; ils ne font jamais que de fauffes vifions, des imaginations follés, des idées creufes.

Le fonge eft donc plus fpécieux & impofant que

(a) Voyez la Genefe, c. 47. Seroit-ce un rêve que de fixer à l'accompliffement des fonges expliqués par Jofeph, finon la premiere origine de l'Empire Egyptien, du moins une forme nouvelle ou une nouvelle conftitution de l'Empire. La fageffe des Egyptiens étoit, certes alors beaucoup plus avancée que celle de leurs voifins, puifqu'au milieu des peuples pafteurs, ils étoient un peuple agricole, & qu'ils avoient pofé la bafe d'un Empire ftable & attaché les premiers liens de la Société civile. Mais il n'eft pas moins fenfible qu'un Prince qui, avec les fruits feuls de fon domaine propre, achete la fubfiftance d'un peuple pour fept années confécutives, & même des fecours à vendre aux étrangers, ne peut être que le chef d'un petit peuple; car il n'y a pas de Monarque affez riche pour payer la fubfiftance d'une grande Nation pendant un an. Ce n'eft qu'après avoir fauvé les Egyptiens d'une longue famine, ce n'eft qu'après avoir attiré dans fes mains tout ce qui fert à conftituer la puiffance, ce n'eft qu'alors que Pharaon devient Monarque, ou que la Monarchie s'éleve. Alors, dit la Vulgate, le pays eft affervi à Pharaon alors, felon le texte Hébreu & la verfion Syriaque, les habitans commencent à fe raffembler dans des efpeces de villes : alors feulement, fuivant les Septante, le peuple devient fujet ou efclave: alors, felon tous les textes, il s'établit des impôts ou des droits réguliers.

(b) Voyez Valere Maxime. Voyez auffi Cicéron, de Divinatione.

le reve. Aufli un fonge formera-t-il le nœud d'une Tragédie; & le rêve fournit à peine à la Comédie un incident: il eft bizarre & extravagant.

Dans un fens figuré, nous difons d'une chofe ridicule ou invraifemblable que c'est un réve une fable, une chimere: nous difons d'une chofe fugitive, vaine, illufoire, d'une chose qui n'a ni folidité ni durée, quoique réelle, que c'est un fonge. Nos projets font des rêves, & la vie est un fonge. Tout s'accorde à mettre les rêves fort au deffous des fonges.

Réuffite, Succès, Issue.·

Réuffite & réuffir viennent de l'ancien verbe uffir, comme iffue, fuivant la remarque de la Bruyere, d'iffir, fortir, en italien ufcir, exire en latin: uffir & iffir ont pour racine l'ancien mor huis, porte. Succéder fignifie littéralement venir après le fuccès eft ce qui s'enfuit, l'événement, un cas qui arrive. Il faut prendre ici le mot iffue au figuré. fue, comme l'italien ufcita, marque proprement la fortie; & réuffite, comme l'italien riufcita, l'iffue d'une affaire, celle qui répond à vos vues, qui aboutit à vos fins.

1o. La réuffite est le fuccès final & une issue profpere. Il ya divers fuccès, divers événemens fucceffifs jufqu'à la réuffite qui eft le dernier événement & le fuccès décifif. Il ya de bonnes & de mauvaises if fues, comme de bons & de mauvais fuccès; mais la réuffite eft heureuse, felon la valeur propre du mot, c'eft un fuccès réel, le vrai fuccès. Iffue ne défigne en aucune maniere la nature du dénouement: réuffite la défigne par lui-même, & tant

qu'une modification forcée & contraire à l'efprit de la chofe, n'en altere pas l'idée propre: fuccès, dans un fens abfolu, défigne auffi quelquefois bonne issue, mais précairement & non par fa propre vertą, comme le fait réuffite.

2°. L'iffue eft la fin propre de la chofe : l'entreprife a une iffue; mais la perfonne n'en a pas. Le fuccès eft ou le moyen ou la fin des perfonnes & de leurs actions: les perfonnes, leurs efforts, leurs entreprises ont également du fuccès, des fuccès, un bon ou un mauvais fuccès. La réuffite eft la fin des chofes & le but des perfonnes : l'objet de la perfonne eft la réuffite de l'affaire.

3°. L'iffue eft le terme relatif & oppofé à l'entrée ou au commencement; la voie eft la communication d'un terme à l'autre. Le fuccès roule fur les oppofitions & les réfiftances à vaincre jufqu'à la fin; & un fuccès eft contraire à un autre. La réuffite eft un résultat du travail elle eft naturellement oppofée à la difgrace d'échouer..

On ne s'engage pas dans une affaire, fans en prévoir l'iffue je vois bien que vous allez; mais où allez-vous? Il n'y a point proprement de fuccès là où il n'y a point d'obftacles à furmonter ; entouré d'obstacles, foyez encore content fi vous avez des fuccès mêlés. On travaille de toutes fes forces pour la réuffite & à la réuffite; mais la fortune fe mêle

de tout..

[ocr errors]

Si vous vous frayez de nouvelles voies, vous vous ouvrirez donc de nouvelles iffues. Si l'audace croît avec les fuccès, de fuccès en fuccès on fe perd. Si la réussite d'un projet vous conduit toujours à un autre, vous ne jouirez donc jamais.

L'homme borné ne voit d'iffue à rien, il craint

la

la fin, il n'entreprend pas. Le pufillanime voit toujours devant lui des montagnes ou des abîmes; il défefpere du fuccès, il recule. Le préfomptueux ne veut pas voir à fes pieds; il ne doutoit pas de la réuffite, il a échoué.

On n'a pas bonne ifue d'une entreprise téméraire. Avec les mêmes moyens, on aura desfuccès différens. La conduite eft une chofe, & la réuffite

une autre.

4°. Réuffice eft un terme fimple & modefte: ilfe dit à l'égard des affaires, des entreprises, des événemens & des fuccès communs, ordinaires, qui n'ont rien d'éclatant ou de bien remarquable : un essai de culture, le projet de raccommoder deux amis, un ouvrage fans prétention, auront de la réuffite, beaucoup, peu de réuffice: de par l'ufage, la réuffite eft feulement ou bonne, heureufe, ou malheureuse, mauvaise. Mais on dit de grands, de brillans fuccès, des fuccès éclatans, glorieux; il est vrai auffi qu'on a des fucces petits, légers, vains, vulgaires, communs : ainfi ce mot, fufceptible de toute forte de modifications, s'applique à toute forte d'objets & de chofes. Iffue, au figuré, fied bien dans le ftyle noble : mais il ne défigne que le fuccès bon ou mauvais ; & il s'employe à l'égard des affaires & des entreprifes difficiles compliquées, embarraffées, périlleufes, dont il est au moins très-mal-aifé de fortir, de fe tirer, de fortir avec fuccès, de fe tirer avec honneur.

La vie eft mille fois plus douce & plus heureuse par des réussites ordinaires, que par des fuccès brillans. Si vous prenez la vogue pour le fuccès, les plus grands Juccès font aujourd'hui réfervés pour les plus petites chofes. A force de chercher des fucTome IV.

G

cès, on fe jette dans de grands embarras, trop heureux à la fin de trouver quelque iffue pour en fortir!

La prudence domeftique ne cherche que la réuffite, & s'y tient. Les armes procurent des fuccès glorieux, & l'on s'en enivre. Dans un labyrinthe d'affaires, l'on ne trouve point d'ifjue, & l'on s'y perd.

L'idée de deffaler l'eau de la mer & de diftiller des liqueurs fans feu & fans frais, avec la machine pneumatique, a promis par des effais une bonne réuffite; mais l'on ne s'occupera guere d'une chofe fi fimple. Les navigations aux Terres Auftrales ont obtenu les plus mémorables fuccès; mais il faut attendre les fruits qu'en recueillera l'humanité. Les voyages dans la mer du Nord pour y découvrir un paffage, n'ont pas eu jufqu'à préfent une bonne iffue; mais la cupidité ambitieuse ne permettra pas qu'on s'en dégoûte fi-tôt.

Céfar fembloit être affuré de la réuffite dans les entreprifes de fa vie privée, comme s'il étoit né pour être le plus heureux des particuliers. Dans fa vie publique, les merveilleux fuccès de tout genre qu'il ambitionna, il les eut, en maître de la fortune & du monde. Mais quelle fut enfin l'iffue de tous fes projets? il mourut en tyran.

Bouhours obferve qu'on ne diroit point que la conjuration des Efpagnols contre la République de Venife, eut une mauvaise réuffite: en effet, elle eur un mauvais fuccès. On fçait quelle en fut l'iffue pour les conjurés mûs par une Puiffance étrangere.

Le même Grammairien affure que réuffite, mot affez nouveau de fon temps, ne fe difoit que des ouvrages d'efprit, & qu'il auroit été mal appliqué

« 이전계속 »