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les promeffes de ces envoyez, fortirent de leur pays avec leurs femmes & leurs enfans, & pendant tout ce fiecle, il en paffoit continuellement de cette Nation en Italie. Les plus confiderables furent les enfans de Tancrede de Hauteville, Gentilhomme des environs de Coutance en Baffe Normandie. Il avoit douze garçons, tous portant les armes. L'aîné, & qui fut comme le chef de ces avanturiers, s'appelloit Guillaume, furnommé Bras de fer, à caufe de fa force & de fa valeur : Drogon ou Dreux étoit le fecond; Humfroy le troifiéme; Herman, Robert & Roger, les trois derniers. L'histoire net nous a point confervé le nom des fix autres fils de Tancrede, & on ne fçait pas même s'ils passerent en Italie.

Il y avoit dans cette contrée trois fortes de dominations, celle de quelques Princes particuliers, anciens restes des Lombards, & indépendans les uns des autres : un autre canton obéiffoit aux Empereurs Grecs, mais dont les Sarafins avoient ufurpé la meilleure partie. Les fils de Hauteville formerent bientôt une troifiéme puiffance, & qui abforba toutes les autres : c'étoient les Italiens & les Grecs, comme nous le venons de dire, qui les avoient appellez à leur fecours contre les Sarafins.

Les Normands d'Italie réunis fous les enfeignes des fils de Hauteville, pafferent à la folde des Grecs, prirent des Villes, gagnerent des batailles, & par des actions heroïques, vinrent à bout de chaffer ces Infideles de la plupart des Places qu'ils occupoient. Ils en furent mal récompensez : les Grecs qui les avoient appellez à

PREUVE II.

leur fecours, inquiets, & jaloux de la puiffance qu'ils acqueroient infenfiblement dans le pays, mirent en ufage les dernieres perfidies pour faire périr les chefs de cette Nation. Les fils de Hauteville fe trouverent dans la neceffité de fe défendre contre de fi lâches ennemis : ils le firent avec leur valeur ordinaire, & avec tant de bonheur, qu'après beaucoup de travaux, de dangers & de combats, ils enleverent aux Grecs la Calabre, la Pouille & la Sicile : & peut-être qu'ils ne furent pas fâchez qu'on leur eût fourni le prétexte d'une vengeance utile, & l'occafion de s'emparer de ces riches contrées. Ils partagerent depuis entre eux ces grandes Provinces. Robert Guiscard eut le Comté de Calabre, & devint depuis le plus puiffant de tous fes freres : on lui avoit donné le nom de Guifcard, à caufe de fon adresse & des rufes qu'il pratiquoit à la guerre, & nous allons voir le Prince Boëmond son fils aîné déja fi redoutable aux Grecs par fa valeur, ne se distinguer pas moins contre les Infideles par fon adresse & fon habileté, & fe couvrir en Orient d'une nouvelle gloire.

Ce Prince avant que de partir, & dans la vûe de fe faire un puiffant établissement dans l'Afie, ceda fes droits d'aîneffe à fon cadet appellé Roger, du nom de leur oncle; & pour toute reffource, il ne fe réferva que la ville de Tarente, & l'efperance de faire de nouvelles conquêtes dans l'Orient. Il paffa enfuite la mer à la tête de dix mille hommes de cavallerie, & d'un grand corps d'infanterie, & après être débarqué,

il prit le chemin de Conftantinople pour y joindre les Croifez. Le Pape écrivit en même tems à l'Empereur de Conftantinople, que plus de trois cens mille hommes marchoient à fon fecours, & pour délivrer les Lieux Saints de la do. mination des Infideles. Il lui nommoit les principaux Chefs des Croisez, & il l'exhortoit à donner promptement les ordres néceffaires pour la subfiftance de ces troupes. Elles arrivoient à la file & fucceffivement de differents endroits ; & dans une revûe qui s'en fit dans les plaines de Conftantinople, il s'y trouva cent mille hommes de cavallerie, & jufqu'à fix cens mille hommes de gens de pied, parmi lesquels on comptoit des Prêtres, des Moines & un nombre infini de femmes habillées en hommes, & dont la plûpart, à la honte du Chriftianisme, se prostituoient aux foldats..

L'Empereur Grec, au lieu d'un secours médiocre qu'il avoit demandé, fut bien furpris de voir fes Etats inondez de ces troupes innombrables, & en état de lui donner la loi dans la Capitale même de fon propre Empire. Alexis craignoit fur-tout Boëmond, dont il avoit éprouvé la valeur & la conduite; pour fe débarrasser de ces alliez, plus redoutables que des ennemis déclarez, il réfolut de gagner les Chefs à force de caresses & de présens, & de n'oublier rien en même tems pour couper les vivres à leurs foldats, & pour faire périr ceux qui fe débanderoient pour en recouvrer. Par une conduite auffi artificieuse, & fans fe déclarer ouvertement il

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fit plus de mal aux Latins, qu'ils n'en effuyerent de toutes les forces des Turcomans réunies enfemble.

Par fon ordre on portoit tous les jours des présens & des rafraîchiffemens aux Princes Croilez. Pour éloigner même toute forte de soupçons, il voulut s'engager dans la Croisade : il en prit folemnellement la marque, & par un traité avec les Princes de l'Europe, il s'obligea de joindre fa flotte à celle des Latins, de leur fournir des vivres jufqu'à Jerufalem, & il devoit fe rendre lui-même dans la grande armée, à la tête de ses troupes pour agir de concert contre les Infideles, foit Turcomans, foit Arabes ou Sarafins.

Les Croisez de leur côté éblouis par de si magnifiques promeffes, confentirent à lui remettre Nicée, dont les Turcomans venoient de s'emparer, & les autres Places de l'Empire, dont ils chafferoient les Barbares : ou du moins, fi les Latins les vouloient retenir, on convint qu'ils lui en feroient hommage. En exécution de ce traité, il y eut plufieurs Seigneurs d'Occident, qui dans l'efperance de s'emparer de quelques Principautez dans l'Orient, lui firent d'avance le ferment de fidelité.

L'Empereur, malgré ces précautions, toujours inquiet de voir une armée formidable aux por tes de fa Capitale, & en état de lui donner la loi jufques dans fon Palais, preffoit les Chefs de paffer promptement en Bithinie fous prétexte de furprendre & de prévenir les Infideles : il leur

taque

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fournit même un grand nombre de vaisseaux de transport. Les Princes féduits par cette apparence de zele pour la cause commune, pafferent le Bofphore; & après quelques jours de marche, forme-. rent le fiege de Nicée. Soliman Turcoman, Selgeudice, parent de Trogrul-bec, & Sultan d'Iconic, avoit jetté dans Nicée une puiffante garnifon. L'at- Bibl.Orient. fut vive & la défenfe très-opiniâtre; les Tur- p. 822. comans disputerent le terrein pied à pied, & ils ne cederent qu'à une puissance formidable, & contre laquelle il ne fembloit pas qu'aucune Place pût tenir. Le Gouverneur, après trente quatre jours de fiege, rendit Nicée aux Chrétiens Latins, qui en exécution du traité fait avec l'Empereur Grec, la remirent de bonne foi aux Officiers de ce Prince avec la femme & les enfans de Soliman, qui par la capitulation étoient demeurez prisonniers de guerre.

Alexis ne fut pas fi touché de la prife de Ni- Le 20 Juin. cée, qu'il fut allarmé de la valeur & du courage que les Croisez venoient d'y faire paroître. Il ne douta point qu'ils ne fubjuguaffent bien-tôt la meilleure partie de l'Afie : voifins pour voisins il préfera ceux qu'il croyoit les plus foibles, & il ne fongea plus qu'à s'allier fecretement avec les Infideles pour traverser les conquêtes des Chrétiens Latins, qui lui paroiffoient alors les plus redoutables.

Dans cette vûe il renvoya à Soliman sa femme & ses enfans, comme un gage de l'amitié qu'il vouloit contracter avec lui. Ils firent entr'eux une alliance étroite, & en exécution de

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