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LETTRE

A Monfieur de Lacurne de Sainte-Palaye, de l'Académie des Belles-Lettres.

CE E Difcours, Monfieur, fur nos premieres Chanfons Françoifes, ne pouvoit être adreffé à perfonne, mieux qu'à vous, qui les connoissez fi parfaitement, &qui êtes dans le deffein de publier les Vies des Poëtes Provençaux, dont les François imiterent la forme réguliere, qu'ils donnerent les premiers à ces petits

Poëmes.

Pour parvenir à l'exécution de votre projet quelles recherches, quelles études n'avez-vous point faites en France & en Italie ! Les Troubadours vous font devenus auffi familiers que les Poëtes du fiécle de Louis XIV. rien ne vous manque pour bien remplir la carriere dans laquelle vous êtes entré: lié avec un ami illuftre, (a) vous partagerez en¬ (a) M. de Foncemagne,

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tre vous deux les lauriers qui vous font affûrés.

Les effais (a) que vous avez lûs à l'Académie pour pressentir fon goût, ne pûrent manquer de lui plaire. Le Public répéta tout haut les éloges, que vos Confreres,dont les décisions font autant d'ora cles sûrs, vous donnerent en particulier.

Le fujet que j'ai choifi, eft moins vaf te, que le vôtre : je me fuis feulement attaché à découvrir la véritable époque de la naiffance des Chanfons Françoifes, fur laquelle d'habiles gens ont été trompés: j'ai examiné, quelle fut leur premiere forme, & de quels inftrumens on accompagnoit la voix, en les chantant.

Cette matiere convient à la faifon, où tome la nature s'embellit; le plus charmant des Chanfonniers, Horace nous confeille de nous couronner (b) de Myr

(a) Les Vies de Bertrand de Borne & du Cabeftin, &c.

(b) Nunc decet aut viridi nitidum caput impedire Myrtho,

Aut flore, terra quem ferunt foluta. Od, 4. l. 1.

the, & de ne parler que de Chants, lorf que le Printems couvre la terre de fleurs. Un homme auffi délicat & auffi habile que vous, Monfieur, qui unissez le goût à la Science, la beauté de l'expreffion d la folidité des recherches, fe rendra fans peine aux confeils d'un pareil Maître.

Les Chants dont nous allons nous entretenir, ne font point pour ceux, qui ne connoiffent que les Opera & les Chanfons du tems. Ils n'imaginent pas, qu'avant Lambert, Lully & Rameau, il y ait eu de la Mufique, à laquelle les hommes ayent pû prendre quelque plaifir. La Jonglerie, (quel mot barbare pour eux!) la Jonglerie, qui fit les plus cheres délices de la France, & de toute l'Europe, leur eft auffi inconnue, que les Jongleurs qui la faifoient valoir.

Mais il eft d'autres perfonnes, qui fçavent, que chaque Art a fa naiffance, que la Mufique a eu la fienne, & que les tems de cette naissance offrent des chofes, dont l'esprit est autant tou

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188 LET. A M. DE LACURNE, &c. ché, que l'oreille eft flattée d'un beau morceau de Mufique moderne; ceux-là n'ignorent pas, que les Chanfons, dont je vais parler, étoient la feule Mufique Pon chantoit autrefois : je fuis trop que content fi ce Difcours mérite votre fuffrage, & fi vous le recevez comme un gage de l'amitié avec laquelle je fuis, Monfieur,

Votre très-humble, &c.

A Paris, ce 28. de May.

DE

L'ANCIENNETÉ

DES

CHANSONS FRANÇOISES, &c.

ANCIENNETE'.

ENTRAINE' par le plaifir & par

l'amusement, l'homme fut toujours habile à trouver différens moyens de fe les procurer, & de les multiplier. Ce n'étoit point affez pour lui d'avoir reçu fimplement la parole, pour s'exprimer, & pour faire éclater au - dehors les mouvemens de joye, ou de tristesse, dont fon coeur eft fufceptible; il a eu l'art de donner plus de force à la parole, en l'animant d'abord du feu de la Poëfie, & en joignant enfuite à l'har

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