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Sans doute il ne les avoit pas lues, car quelque févére qu'il fût, il en auroit porté un jugement plus favorable; elles font naturelles, naïves, fleuries en plusieurs endroits, peignant affez heureusement les différentes fituations d'un coeur amoureux : mais je ne fçais pourquoi cet Auteur étoit courroucé contre Thibaut; il le maltraite depuis le commencement de fon Livre jufqu'à la fin.

L'Abbé Choifi (a) dans l'Hiftoire de Saint Louis, & Auteuil dans celle de la Reine Blanche, n'ont point oublié le petit Roman. Auteuil (6) s'eft appuyé d'une Chronique, qui m'a femblé être l'original ou plûtôt la copie de ce que celles de S. Denis ont rapporté de l'amour & des Chanfons de Thibaut; ce que j'ai allégué contre celles de Saint Denis, détruit également celle-ci.

Quelque étranger que paroiffe ce fait à l'Hiftoire d'Angleterre, néanmoins fon nouvel Historien (c) auroit été fâché de perdre de vûe, ou de contredire en cela fon modéle Matthieu Paris; il a parlé

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(a) Liv. 1. pag. 12.

(b) Preuv. pag. 29.

(Rapin Thoiras, tom. 2. liv. 8. pag. 320.

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31 des amours de Blanche & de Thibaut du même ton, & dans les mêmes circonftances que lui; tant il eft vrai qu'une calomnie toute atroce qu'elle fort trouve toujours quelqu'un qui l'adopte avidement, & qui la protége; tant il eft vrai encore que les Princes les plus vertueux font à plaindre d'être expofés aux traits dangereux d'un Ecrivain, qui, livré à fa paffion, reçoit avec joye, & fans examen les bruits les plus injustes & les plus faux.

Enfin le Pere Daniel (a) ne s'eft point écarté de la route tracée. « Selon les Mémoires du tems, dit-il, il n'y a nul » lieu de douter de l'inclination du Com"te de Champagne pour la Reine; mais > on n'y voit rien qui marque qu'elle y » ait correspondu en aucune maniere. » Si cet Historien n'avoit point eû trop de confiance aux grandes Chroniques, qu'il regardoit comme des Monumens & des Mémoires du tems, non-feulement il auroit vû qu'il y a lieu de douter de l'inclination du Comte de Champagne, mais il l'auroit rejettée comme une

(a) Hiftoire de France, tom. 3. pag. 4.

Fable qui s'étoit infinuée dans notre Hif toire fans aucune autorité légitime.

Par cette fuite d'Historiens, on voit que la plupart ont été féduits par les grandes Chroniques ; & les Auteurs de celles-ci par Matthieu Paris, qui ne produit de ce qu'il allégue qu'un oui-dire. Après avoir détruit ce que l'un & l'autre ont avancé, je crois que le Roman ne peut plus fubfifter. Heureux fi ma Lettre montre à ceux qui écriront dans la fuite l'Hiftoire de Saint Louis, l'écueil dans lequel les Hiftoriens font tombés jufqu'à préfent.

Déformais il faudra raisonner tout différemment, que l'on n'a fait fur les causes des grands évenemens, qui arriverent pendant la Régence de la Reine Blanche, il faudra donner aux fervices que Thibaut lui rendit, un motif plus vrai & plus folide, que celui qu'on avoit imaginé; en un mot, il faut renverser toute la politique des premieres années du Rede S. Louis. C'eft ainsi qu'une erreur qui fe gliffe dans l'Hiftoire en corrompt au loin la pureté. J'ai l'honneur d'être, &c.

gne

A Paris ce 10. Juillet 1737.
SECOND E

XXXXXXXXXXXXX

SECONDE LETTRE,

EN

REPONSE, du R. P. le Peletier, Chanoine Regulier de la Congregation de Sainte Genevieve, imprimée dans le Mercure de Juin 1738. pag. 1120.

L'Chanfous de Thibaut, Roy de Na

'AUTEUR de l'Examen critique des

varre, & Comte de Champagne, entreprend une chofe bien hardie. On a cru jufqu'à préfent que ces Chansons ou la plûpart, s'adreffoient à la Reine Blanche, Mere de Saint Louis. Il prétend que c'est un préjugé fondé fur un Roman. Eft-ce donc-là comme l'on trai→ te nos vieilles Chroniques, & des Hif toriens refpectables par leur fcience & par leur probité, qui nous apprennent que le Roy de Navarre fit des Chanfons, parce qu'il aimoit la Reine Blanche ? Cette Princesse étoit, felon l'Auteur même que je contredis, que je contredis, d'une gran de beauté ; mais fon rang & fa fageffe I. Part,

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la rendoient inacceffible aux feux de Thibaut, qui n'en étoit que plus paffionné. C'est le fujet de fes plaintes ame res. Il n'y a rien en cela quí ne convienne à la Blonde couronnée, (terme d'un Manufcrit femblable pour le reste aux autres Manufcrits, qui difent coulorée) du Roy de Navarre. Quand même la Reine auroit eu en 1235. (a) 50. ans, & 15. ans de plus que Thibaut, lorfqu'il fit fes Chanfons, n'a-t-elle point pû conferver jufqu'à cet âge des charmes qui l'ont dû faire traiter par notre Poëte amoureux, de jeune, de gracieufe, &c? Il dit qu'elle eft fans expérien ce, parce que fon coeur chafte ne s'étoit pas laiffé féduire par les attraits de P'Amour. D'ailleurs, qui nous affûrera que la Chanson, où Thibaut traite fa Dame de jeune & fans expérience, a été faite pour Blanche âgée de 5o.ans? Il a pû écrire cela lorfqu'elle n'avoit que 30. ou 35. ans. On lui reproche un amour criminel pour Blanche dès l'année 1226. le bruit même courut que

(a) Elle est née en 1188, voyez Bollandus, 30. May, pag. 291,

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