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et promettre, défense et offense, père et mère, toi et moi, chair et cher, puissance et innocence, grand et prend, conquérant et apparent. Il apprécie et demande la rime difficile, comme stimulant la pensée et l'invention, ce qui ne laisse pas d'être vrai; il argue contre Desportes de la césure dans :

Il me fait voir assez | d'autres faits admirables;

Et mon cœur cessera d'idolâtrer vos yeux;

Les premiers jours qu'Amour | range sous sa puissance.

Il trouve une transposition intolérable dans :

Sitôt que m'apparut le chef-d'œuvre des cieux.

A chaque page de Desportes il souligne des cacophonies.
Hélas! c'est fait de lui; il crie, il se tourmente.

« I, i; crie, i, se. »

M'ôtant toute clarté, toute âme, tout pouvoir.

« Tan, tou, te, té, ta, en même vers. »

En moi toute autre ardeur désormais soit éteinte.

« Té, tein, te. »

C'est par ces exigences sévères, quelquefois étroites, et cette rigueur intolérante de critique qu'il disciplina l'inspiration et la langue. Le faux, le vide, la prolixité, la cheville l'exaspèrent chez Desportes. Avant Boileau il prescrivait, il pratiquait le

Avant donc que d'écrire apprenez à penser.

Une ode et une dizaine de stances de lui contre-pèsent un volume de Ronsard. « J'ai appris à faire les vers difficilement », disaitil: c'est le secret qu'enseigna plus tard à Racine Boileau, qui, lui aussi, avait à combattre une génération d'improvisateurs affolės. Plus d'un ronsardisant avait improvisé stans pede in uno. Il aligna, calcul fait, dit-on, trente-quatre vers par an, et les malicieux ont conté que quand il présenta au président de Verdun les Stances sur la mort de sa femme, qui lui avaient coûté trois ans, il le trouva remarié.

La hautaine et martiale figure du vieux poète, qui, encadrée dans une fraise antique, se voit en tête de son petit recueil, semble régenter la poésie et maintenir dans le devoir les six disciples, Racan, Maynard, Coulomby, Touvant, Yvande, Dumoutier (on sait leurs noms comme ceux de la pléiade), assis tous les soirs devant leur président », sur les six chaises de sa petite chambre. Ils ne se donnaient pas pour des étoiles dans le ciel ni leur maître pour un astre. Mais le monde est aux sobres et aux obstinés; le têtu Malherbe a vaincu où le fougueux Ronsard a échoué, et, comme on l'a dit, la langue française a fait avec lui un mariage de raison, qui, à côté de plus d'un enfant prodigue et aventureux, a donné aux règnes de Henri IV, de Louis XIII et de Louis XIV une assez glorieuse lignée. Son histoire, comme celle de son père, appartient au XVII siècle.

CLÉMENT MAROT

1495-1544

CLÉMENT MAROT naquit à Cahors, de Jean Marot, qui y était venu de Caen, sa patrie. Il suivit à Paris son père, devenu secrétaire d'Anne de Bretagne et poète de cour, et, pendant que Jean faisait et racontait en vers le Voyage de Génes et le Voyage de Venise, Clément commençait et continuait ses études sous des pédants qu'il a ridiculises, puis était successivement clerc de procureur, page chez M. de Villeroy, valet de chambre de la sœur de François Ier, Marguerite d'Angoulême, duchesse d Alençon, valet de chambre du roi, qu'il suit au camp du Drap d'Or (1520), soldat dans l'armée du duc d'Alençon sous Mézières en 1521, soldat et vaillant soldat à Pavie, où il fut blessé et pris. Rendu à la liberté, commença pour lui, en 1526, cette vie de persecutions, d'incarcérations, de proscriptions, qui pendant dix ans le conduisit, des prisons d'où plusieurs reprises le tira François Ier, à Pau, auprès de Margueite, devenue reine de Navare, à Ferrare, auprès de Renée de France, enfin à Venise. Une abjuration solennelle faite à Lyon en 1536 lui permit de reparaître la cour. Dans cette nouvelle période de sa vie, il retrouva la protection de François Ier et les fonctions de valet de chambre du roi qu'il avait déjà exercées, mais aussi les hostilités religieuses et littéraires de Sagon, évêque de Beauvais, contre lequel l'avaient défendu ses amis et qu'il n'eut pas de peine à vaincre dans une joute où il fallait de l'esprit. Malheureusement, la traduction en vers des psaumes de David que chantèrent les huguenots fut le signal d'une nouvelle persecution religieuse dirigée contre lui par la Sorbonne (1543). Réfugié d'abord à Genève, puis obligé de quitter cet asile, où son libertinage d'esprit et de mœurs l'aurait envoyé à l'échafaud sans l'intervention de Calvin, il alla mourir à Turin.

Dans les conditions diverses de cette existence agitée, Marot a toujours écrit; il en a seme de vers tout le cours et toutes les étapes. A la première partie de sa vie appartiennent des poésies mythologiques et allégoriques. inspirées du Roman de la Rose, par exemple le Temple de Cupido (1515), dédié à François Ier, qu'il réunit et publia en 1532 sous le titre de Adolescence Clémentine. Son Enfer (c'est le Châtelet) est écrit dans la prison de Chartres, où en 1526 il est transféré de Paris; ses, Psaumes sont de 1540 à 1543: ils furent continués à Genève. Ses Elégies (deux livres), ses Ballades et Chants royaux, ses Complaintes, ses Chansons, son Cimetière (épitaphes), ses Etrennes, ses Rondeaux (deux livres), ses Epigrammes (sept livres), ses Epitres (deux livres), ses Eglogues, éparses sous differents titres dans différents groupes poétiques, sont de toutes les époques.

Il a des traits d'une rare vigueur dans son Enfer. Il est, à part quelques heureuses exceptions, sec et prosaïque partout où il s'inspire de la Reforme. Mais sa gloire n'est pas là. « Il n'a pas été surpassé, dit M. GERUZEZ (Hist. de la Litt. franç, III, 1), dans les genres où il a pleinement réussi, l'epigramme, le rondeau, le madrigal (ses madrigaux sont compris dans son riche recueil d'épigrammes) et l'épître badine. Il à tout le sel et toute la grâce de

l'esprit gaulois... Ce n'est pas que ce génie vif, alerte et délicat ait manqué de feu et d'énergie; il avait tout de l'abeille : le miel, l'aiguillon, et même les ailes.

EPITRES

I

A SON AMI LYON (1526)

Une fable.

Je te veulx dire une belle fable:
C'est à sçavoir du Lyon et du Rat.

Cestuy Lyon, plus fort qu'un vieil verrat,
Veit une foys que le Rat ne sçavoit
Sortir d'ung lieu, pour autant qu'il avoit
Mengé le lard 2, et la chair toute crue :
Mais ce Lyon (qui jamais ne fut grue)
Trouva moyen, et maniere, et matiere
D'ongles et dentz, de rompre la ratiere,
Dont maistre Rat eschappe vistement;
Puis meit à terre ung genouil gentement,
Et en ostant son bonnet de la teste,
A mercié mille foys la grand beste,
Jurant le dieu des souris et des ratz
Qu'il luy rendroit. Maintenant tu verras
Le bon du compte 3. Il advint d'adventure
Que le Lyon pour chercher sa pasture
Saillit dehors sa caverne et son siege",
Dont (par malheur) se trouva pris au piege
Et fut lié contre un ferme posteau.

Adonc le Rat, sans serpe ne cousteau,
Y arriva joyeux et esbaudy,

Et du Lyon (pour vray) ne s'est gaudy 5 :

1. Écrite de la prison du Châtelet. Lyon Jamet, seigneur de Chambrun, répondit à l'invitation allégorique qui lui était faite. Il contribua à la délivrance de son ami. Recherché et menacé du supplice comme huguenot, il passa en Italie, où il fut longtemps secrétaire de la duchesse de Ferrare.

2. Marot avait été arrêté pour avoir mangé du lard en carême. Les « six pendars qui le saisirent criaient, dit-il (c'est le refrain de sa balfade IX): « Prenez-le, il a mangé le lard. »

3. Le xvr siècle, et souvent le XVII, ne distinguaient pas l'orthographe de compter et de conter. (Etymol. commune computere.)

4. Séjour. Sedes a les deux sens de siège et de séjour

5. Ne s'est amusé, moqué. Etymol.: gaudere.

Mais despita chatz, chates et chatons,
Et prisa fort ratz, rates et ratons,
Dont il avoit trouvé temps favorable 1
Pour secourir le Lyon secourable;
Auquel a dict: «Tais toy, Lyon lié,
Par moy seras maintenant deslié :
Tu le vaulx bien, car le cueur joly as;
Bien y parut quand tu me deslias.
Secouru m'as fort lyonneusement,
Or secouru seras rateusement. »>

Lors le Lyon ses deux grands yeulx vertit
Et vers le Rat les tourna un petit,

En luy disant : « O povre verminiere,
Tu n'as sur toy instrument ne maniere,
Tu n'as cousteau, serpe, ne serpillon,
Qui sceust coupper corde ne cordillon,
Pour me jecter de ceste etroicte voye!
Va te cacher, que le Chat ne te voye!
- Sire Lyon (dit le filz de Souris),
De ton propos certes je me soubris;
J'ay des cousteaux assez, ne te soucie,
De bel os blanc plus tranchans qu'une scie;
Leur gaine c'est ma gencive et ma bouche:
Bien coupperont la corde qui te touche
De si trespres, car j'y mettray bon ordre. »

Lors sire Rat va commencer à mordre
Ce gros lien. Vray est qu'il y songea 2
Assez longtemps, mais il le vous rongea
Souvent, et tant qu'à la parfin tout rompt,
Et le Lyon de s'en aller fut prompt,
Disant en soy : « Nul plaisir en effect

Ne se perd point 3, quelque part où soit faict. »
Voyla le compte en termes rithmassez,
Il est bien long, mais il est vieil assez,
Tesmoing Esope et plus d'un million *.
Or vien me veoir pour faire le Lyon,
Et je mettray peine, sens et estude
D'estre le Rat, exempt d'ingratitude :

1. Méprisa (despicere) la race des chats, parce que (de ce que, dont), ui rat, il trouvait l'occasion de rendre service pour service.

2. Avisa à le faire, s'y appliqua.

3. Un plaisir fait à autrui, un bienfait n'est jamais perdu. 4. D'autres conteurs.

J'entends, si Dieu te donne autant d'affaire
Qu'au grand Lyon : ce qu'il ne veuille faire 1.
(Epitres, 1, 6.)

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AU ROY. POUR AVOIR ESTÉ DESROBÉ 2 (1531)
Demande d'argent.

dire:

On dict bien vray, la maulvaise fortune
Ne vient jamais, qu'elle n'en apporte une,
Ou deux, ou troys avecques elle, Syre,
Vostre cueur noble en sçauroyt bien que
Et moy chetif, qui ne suis roy, ne rien,
L'ay esprouvé. Et vous compteray bien,
Si vous voulez, comment vint la besongne.
J'avoys ung jour ung valet de Gascongne,
Gourmand, yvrongne, et asseuré menteur,
Pipeur, larron, jureur, blasphemateur,
Sentant la hart 5 de cent pas à la ronde,
Au demourant, le meilleur filz du monde ".
Ce venerable hillot fut adverty

De quelque argent que m'aviez departy,
Et que ma bourse avoit grosse apostume3:
Si se leva plus tost que de coustume,
Et me va prendre en tapinoys 10 icelle;

1. On voit que ce n'est pas seulement l'art du conteur, mais aussi celui du fabuliste que La Fontaine pouvait apprendre de ce « maître Clément » qu'il pratiquait si volontiers. Dans ce sujet, il est resté fort inférieur à son modèle. (Voyez Fables, II, 11.)

2. Dérober: 10 enlever une chose; 2° dépouiller une personne. « Pour ailer ainsi vestu, il faut que vous me dérobiez » (MOLIÈRE, l'Avare, I, 5). Voler s'emploie de même. Le sens étymologique de robe est dépouille, puis tout l'équipement d'un homme.

3. Le proverbe dit: Un malheur ne vient jamais seul. L'épître est de 1531. La défaite de Pavie et la captivité du roi sont de 1525 à 1526. -- On remarquera que Marot, non plus que son école, ne s'astreignait à une alternative régulière de rimes féminines et de rimes masculines.

4. V. supra, la note de l'épitre précédente.

5. Hart (étymol. controversée) : 1° lien d'osier pour lier les fagots; 20 corde pour pendre.

6. Vers reste proverbe. L'édition posthume de Rabelais (1555) l'ajoute, dit le bibliophile Jacob, au portrait de Panurge: Malfaisant, pipeur, beuveur, batteur de pavez, s'il en estoit à Paris, au demourant, etc. (1er livre de Pantagruel, chap. 16).

7. Garçon, en patois gascon. Etym.: filius, dont l'espagnol a fait hijo. C'est ainsi que foris a donné hors. On l'a cru longtemps venu de hilote, ións, esclave lacédémonien.

8. Corruption de apostème, terme chirurgical, abcès (ànóσpa, écartement).

9. En cet état de choses, sic, outwg.

10. En cachette. Le mot a été longtemps adjectif. Etymol. controversée.

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