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Qui est celuy qui eust envie
Manger des paons et des phaisans,
Et changer ceste heureuse vie
A la friandise asservie

Des miserables courtisans?......

Vivez contens, ô gentils hommes,
Avec la paix et la santé,

Estimant vos fruits et vos pommes
Plus que ne fait ses grosses sommes
L'usurier de peur tourmenté1.

Si vous n'avez auprés d'un prince
Les estats 2 et les pensions
Pour gouverner quelque province,
Aussi personne ne vous pince
Et n'observe vos actions.

Vous ne cherchez point l'artifice
Pour attrapper un don du roy,
Ou pour voler un benefice,

Ou pour
faire vendre un office
Contre la raison et la loy.

Vous n'estes point dans une sale
A vous mocquer d'un estranger,
Et par trahison desloyale
D'un compagnon qui vous esgale
Ne taschez point à vous vanger.
Aussi vous n'avez point la peine
De vous friser tout le matin,
De faire bien sentir l'haleine,
Et chacun jour de la sepmaine
Changer de velours 3 et satin,
De gaudronner vostre chemise
Et toujours y porter la main,
De vous habiller à la guise
Tantost d'un seigneur de Venise,

Tantost d'un chevalier Romain 5....

(NICOLAS RAPIN).

1. Il y a là quelques souvenirs d'Horace. Voyez la deuxième Epode. 2. Fonctions officielles dans lesquelles on est établi.

3. Velours. Italien velluto. On a fait velouter.

4. Ou godronner, faire des plis ronds (godrons) aux fraises qui entourent le cou.

5. Cette jolie pièce, d'allure vive et ronde, à la bonhomie spirituelle,

ROIS ET REINES

Les princes de la race des Valois-Angoulême ont droit à une place parmi les poètes du siècle où ils ont régné : ils ont cultivé les lettres qu'ils protégeaient. FRANÇOIS Ier écrivit des vers sur les dames de sa cour et à sa sœur. HENRI II, son fils, en adressa à Diane de Poitiers. CHARLES IX, son petit-fils, célèbre la royauté poétique de Ronsard. Les femmes aussi ont tenu la plume; l'une d'elles, n'eû!elle pas été sœur de roi et reine, se fut fait un nom inoubliable dans l'histoire du xvIe siècle. MARGUERITE D'ANGOULÊME ou de Valois, duchesse d'Alençon, puis reine de Navarre (1492-1540), écrivit, outre l'Heptaméron, qui lui assure le premier rang entre les conteurs du xvi siecle, des poésies nombreuses (poèmes mystiques, poèmes mythologiques, mystères, farces, épîtres, complaintes, chansons spirituelles), publiés en 1547 sous le titre de Marguerites de la Marguerite des Princesses). - JEANNE D'ALBRET (1531-1572), fille de la précédente, « qui, dit d'Aubigné, n'avoit de femme que le sexe, l'âme entiere aux choses viriles, l'esprit puissant aux grandes affaires, le cœur invincible aux adversités », n'a pas dérogé au goût de sa race pour les choses de l'esprit. Elle l'a transmis au sang des Bourbons dans son fils HENRI IV, dont on sait l'originalité épistolaire et oratoire; on cite de la mère des sonnets, du fils des chansons. Ne séparons pas de cette lignée royale la seconde MARGUERITE DE VALOIS, la sœur de Charles IX, qui a écrit de charmants Mémoires, et sa belle-sœur MARIE STUART, dont les vers touchants n'ont pas été oubliés.

HUITAIN

Celle qui fut de beauté si louable

Que pour sa garde elle avoit une armee 1,
A aultre plus qu'à vous ne fut semblable,
Ni de Pâris, son ami, mieulx aimee,
Que de chacun vous estes estimee:
Mais il y a difference d'un poinct;
Car à bon droict elle a esté blasmée
De trop aimer, et vous de n'aimer poinct.

VERS A UN CRUCIFIX 1

(FRANÇOIS Ir).

C'est vous, Seigneur, pendant en ceste croix,
Qui montrés bien que, cloué et lyé,

percée d'une pointe d'épigramme, qui est le caractère des Ménippéens en leur prose et leur poésie. Le mot y est franchement rustique, et sent parfois le basse-cour, le chenil et la cuisine, plus que les parfums subtils de la cour et les roses et œillets qu'on respire dans les vers des Ronsard et des Belleau. On y entend la « cane» plus que le rossignol et l'alouette mais à l'occasion, la boute-selle. Sous le paysan, il y a le gentilhomme.

1. Hélène.

2. C'est le premier couplet d'une ballade, qui accompagnait un crucifix envoyé par le roi à sa sœur.

Vous commandés aux princes et aux roys,
L'humble haulsant, le fier humilié1;
Et je ton serf, Seigneur, t'ay supplié :
Tu m'as ouy, selon mon seur espoir,
En me donnant, ne m'ayant oublyé,
Conqueste, enffans, et defence, et pouvoir.
(FRANÇOIS I").

PRIÈRE A DIEU POUR SON FRÈRE MALADE:

De touttes ses graces et dons
A vous seul a rendu la gloire;
Parquoy à vous les mains tendons,
Afin qu'ayés de luy memoire :
Puisqu'il vous plaist luy faire boire
Vostre calice de douleur,

Donnés à nature victoire

Sur son mal et nostre malheur.

O grand medecin tout puissant!
Redonnés luy santé parfaite,
Et des ans vivre jusqu'à cent,
Et à son cueur ce qu'il souhaite.
Lors sera la joye refaicte

Que douleur brise dans nos cueurs :
Dont louenge vous sera faicte
De femme, enffans et serviteurs.

Par Jesus-Christ, nostre Sauveur,
En ce temps de sa mort cruelle 3,
Seigneur, j'attendz vostre faveur
Pour en oyr bonne nouvelle.

J'en suis loing: dont j'ai douleur telle,
Que nul ne la peult estimer.

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Le desir du bien que j'attendz
Me donne de travail matiere :
Une heure me dure cent ans,
Et me semble que ma lictière

1. Le fier [étant] humilié.

2. Nous commençons notre citation à la sixième strophe de la Chanson faicte par Madame Marguerile dans sa litière, durant la maladye du Roy, son frère, auprès duquel elle se rendait. Pensées de la reine de Navarre estant en sa..

3. La semaine sainte.

4. Affirmer.

On donne aussi ce titre :

Ne bouge, ou retourne en arriere,
Tant j'ay de m'avancer desir.
O! qu'elle est longue, la carriere
Où à la fin gist mon plaisir !

Je regarde de tous costés
Pour veoir s'il arrive personne,
Pryant sans cesser, n'en doubtés,
Dieu, que santé à mon roi donne.
Quand nul ne voy, l'œil j'abandonne
A pleurer; puis sur le papier
Ung peu de ma douleur j'ordonne :
Voilà mon douloureux mestier.

(MARGUERITE D'ANGOULEME).

ADIEUX A LA FRANCE 1

Adieu, plaisant pays de France,
O ma patrie

La plus cherie,

Qui as nourri ma jeune enfance;
Adieu, France! adieu mes beaux jours!
La nef qui disjoint nos amours
N'a cy de moy que la moitié ;
Une part te reste, elle est tienne.
Je la fie à ton amitié

Pour que de l'autre il te souvienne.

A RONSARD

(MARIE STUART).

L'art de faire des vers, deust on s'en indigner,
Doit estre à plus haut prix que celuy de regner.
Tous deux egalement nous portons des couronnes;
Mais, roy, je la reçus ; poète, tu la donnes.
Ton esprit enflammé d'une celeste ardeur

Esclatte
par soy-mesme, et moy par ma grandeur.
Si du costé des Dieux je cherche l'advantage,
Ronsard est leur mignon et je suis leur image.
Ta lyre, qui ravit par de si doux accords,
Te soumet les esprits dont je n'ai que les corps;
Elle s'en rend le maistre, et te fait introduire
Où le plus fier tyran n'a jamais eu d'empire,
Elle amollit les cœurs et soumet la beauté :
Je puis donner la mort, toi l'immortalité.

(CHARLES IX).

Vers écrits en vue des côtes de France, sur le vaisseau qui conduisait la reine en Ecosse.

XVII SIÈCLE

LA POÉSIE AU XVII. SIÈCLE

Entre Malherbe qui, après les brillantes aventures poétiques du XVIe siècle, avait ouvert magistralement la carrière au xvie, et meurt respecté quarante-trois ans après Ronsard oublié, et Boileau qui, en 1660, commence à écrire quand Louis XIV commence à régner et ouvre le Siècle de Louis XIV, entre les deux maîtres sévères qui enseignent et représentent la discipline, la poésie prit ses aises, s'émancipa et suivit librement plusieurs voies. Pendant un demisiècle, le faisceau d'unité que le premier avait noué et que le second renoua, se délia et se dispersa.

On peut compter plusieurs groupes distincts.

D'abord les disciples restés fidèles aux leçons du maître qui avait régenté et dominé la poésie. Ils les suivent, chacun dans la liberté de sa nature et de son esprit, mais tous respectueux de la langue, de l'harmonie, du goût et de la raison: RACAN (1589-1670), quelquefois négligé; GODEAU (1605-1672), souvent prolixe; MAYNARD (15821646), un peu froid; GOMBAULD (1570–1666), plus vigoureux qu'abondant; et, si l'on veut encore, SEGRAIS (1624-1701), venu après eux, mais venu avant Boileau, qui, dans le peu qu'il a légué, est heritier de leurs traditions.

Opposons-leur tout de suite les indépendants, amoureux de la fantaisie, imaginations brillantes et hardies, mais hasardeuses. Ce sont les THEOPHILE DE VIAU (1590-1626), les SAINT-AMAND (1593– 1660), les GEOrges de ScudÉRY (1601-1667), les CYRANO DE BERGERAC (1620-1655), les improvisateurs de la poésie, dont plusieurs s'aventurent dans l'épopée (Moïse sauvé, 1653, par le second; Alaric, 1654, par le troisième). Il faut leur adjoindre le créateur de la poésie burlesque en France et de la Mazarinade, SCARRON (1611-1660), gai et fin conteur en prose, plus d'une fois marotiste en vers, poète comique, protée infatigable. Leur plume court, libre en ses caprices, et eux-mêmes, à part Scarron, cloué à vingt-sept ans dans son lit ou son fauteuil, sont sujets à courir les grands chemins, SaintAmand, de la Pologne, Théophile, des Pyrénées. Quelques-uns sont suspects ou convaincus de libertinage religieux, comme Théophile, et les épicuriens DES YVETEAUX (1560-1649), fils de Vauquelin de la Fresnaye, DES BARREAUX (1602-1673), dont un sonnet a rendu célèbre la conversion finale, HESNAUT /mort en 1682), qui traduisit Lucrèce

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