De leur rayon tremblant fait briller les étoiles, (Abufar, I, 3.) II ABUFAR A SON FILS FARHAN 1. La nuit, quand nous levons nos mains vers les étoiles, Quand le soleil pâlit, quand les vents homicides (Ibid., 11, 7.) 1. Qui, poussé d'une ardeur inquiète, avait quitté les siens et erré de peuple en peuple. 2. On a retenu des autres tragédies de Ducis quelques vers d'une rare énergie: Il est juste Que le ciel qui nous met au-dessus de nos lois (Hamlet, I, 2.) Je veux qu'à chaque instant cette cendre en ces lieux Mais moi, fils du désert, moi, fils de la nature, VERS ÉCRITS A LA GRANDE-CHARTREUSE le 4 juin 1775 Quel calme: quel désert! dans une paix profonde, A MON RUISSEAU Ruisseau peu connu dont l'eau coule Ruisseau, sur ma peine passée Près de toi l'âme recueillie Ne sait plus s'il est des pervers : 1. Cf. LAMARTINE, Le vallon (Premières Méditations, VI) : L'amitié te trahit, la pitié t'abandonne, etc. 2. Ducis dit ailleurs (A ma Chartreuse, en Savoie, à Haute-Luce): Sois mille fois béni, désert qui me protèges! Que ma vie et ma mort se renferme en ces lieux; Le jardin de ma jeune abeille, Mon doux repos quand je sommeille, Et la paix de mon âme et son vol vers les cieux. Ducis était un chrétien catholique et pratiquant. Dès sa jeunesse, al milieu de ses travaux dramatiques, il avait un livre secret dans lequel il écrivait tout son examen de conscience; ce registre avait pour titre: Ma grande affaire, c'est-à-dire l'affaire du salut. (SAINTE-BEUVE, Causeries du Lundi, VI.) « J'habite avec Saint-Pacôme, écrivait-il en lisant les Vies des Pères du désert; c'est un charme que de se transporter sur cette terre des anges: on ne voudroit plus en sortir. » Ton flot pour la mélancolie Se plaît à murmurer des vers. Quand pourrai-je aux jours de l'automne, Que j'aime cette église antique, Dont la cloche attendrit les airs! Jadis chez des vierges austères Leurs flots si purs, avec mystère, Mon humble ruisseau, par ta fuite Avec fruit au fleuve du temps 2. 1. Voilà en trois ou quatre mots, sans description, une impression vraie de la nature; voilà la mélancolie discrète de la poésie de Virgile. «Je suis en veine de travail, dit-il dans une lettre à Talma (oct. 1803); l'automne jaunit mes forêts, les vents mélancoliques vont souffler; cette saison est ma Muse.> Et à Nepomucene Lemercier: «J'ai fait une lieué ce matin dans des plaines de bruyères, et quelquefois entre des buissons qui sont couverts de fleurs, et qui chantent. Pourquoi ne sommes-nous pas ensemble? C'est ce que je me dis toutes les fois que j'ai douceur et surabondance de mélancolie.> Et à Hérault de Séchelles, il écrivait, tout plein des grandeurs des Alpes: « C'est avec ce sentiment doux et fort tout ensemble, c'est avec cet amour du torrent que j'ai laissé échapper de mon cœur mes sombres et incultes ouvrages. Il a verse son âme douce et ardente, de « colombe» et de lion », dans des tragédies; c'était le moule du temps: quarante ans plus tard il eût été de la grande école de poésie lyrique et intime des Lamartine, des Brizeux, etc. Il a de ces échappées de poésie intime dans ses épîtres, autre moule du temps; il les écrit « comme un bûcheron qui chante dans ses bois en faisant des fagots. » 2. C'est encore dans la prose de Ducis que nous trouvons le plus poetique développement de ces sortes d'idées « Hélas! mon cher ami, vous avez bien raison: sur ce grand fleuve de la vie, parmi tant de barques qui le descendent rapidement pour ne plus le remonter jamais, c'est encore un bonheur que d'avoir trouvé dans son batelet quelquesonnes âmes qui mêlent leurs provisions avec les vôtres et mettent leur cœur en commun avec vous. On entend le bruit de la vague qui nous dit que nous passons. et l'on jette un regard sur la scène variée du rivage qui s'enfuit. FLORIAN 1755-1794 Le nom de FLORIAN rassemble bien des contrastes. Capitaine de dragons, ce sont des bergeries qui lui ont fait un nom populaire. La naïveté qu'il n'a pas trouvée dans ses romans pastoraux parce qu'il la cherchait, il l'a rencontrée au théâtre dans ses piquantes arlequinades». Enfin la renommée qu'au XVIIIe siècle il a due à la prose de ses bergeries, qu'on ne lit plus, est dans le xixe passée tout entière aux vers de ses fables qu'on lira toujours. Jean-Pierre-Clovis de Florian, né au château de Florian, sur les bords du Gardon, qu'il a failli illustrer au même titre que d'Urfé le Lignon, était, enfant, fort goûté de son grand-oncle Voltaire qui l'appelait Florianet, et qui un jour le déguisa en berger blanc et rose pour reciter des vers à Me Clairon. Page du duc de Penthièvre à seize ans, puis capitaine dans son régiment, et enfin son gentilhomme et son secrétaire, il fut le dispensateur de ses abondantes aumônes. Ame généreuse, cœur «sensible», comme on disait alors avec une affectation dont il ne faut pas trop sourire, ami entre autres de Ducis qui ne donnait son amitié qu'à bon escient, et qui dédia à son souvenir la tragédie d'Abufar, Florian a écrit ces rêves romanesques, bucoliques ou semi-épiques, qu'il a intitulés: Galatée (1783), en quatre livres, imitée ou travestie de Cervantės; Estelle (1788), en six livres, prose mêlée, comme Galatée, de romances, et qui a légué aux imageries populaires, avec son nom, celui de Némorin; Numa Pompilius (1786); Gonzalve de Cordoue (1791); et en même temps l'Eglogue de Ruth, le poème de Tobie, des Contes, des Nouvelles;-enfin (1792) le recueil de quatre-vingt-neuf Fables, en cinq livres, qui a consacré son nom. LE SINGE QUI MONTRE LA LANTERNE MAGIQUE1 Messieurs les beaux esprits dont la prose et les vers 1. Les fables de Florian, dit SAINTE-BEUVE (Causer. du Lundi, III), sont bien composées, d'une combinaison ingénieuse et facile; le sujet y est presque partout dans un parfait rapport, dans une proportion exacte avec la moralité... Point d'arrangement artificiel, comme chez La Motte... Ces qualités de fabuliste sont naturelles chez Florian: il a la fertilité de l'invention, et les images lui viennent sans effort. Il se plaît en réalité avec les animaux... Logé à l'hôtel de Toulouse, il avait sa bibliothèque tout près d'une volière peuplée d'une multitude d'oiseaux, sujets vivants de ses Fables.»-Elles sont de deux sortes. Les unes, leçons de vertu, d'amitié, nous apprennent qu' Il vaut encor mieux que trop d'amis est inutile : (La Brebis et le Chien, II, 3.) Un seul suffit quand il nous aime: (Le Lièvre, ses Amis et les deux Chevreuils, III, 7.) qu'il faut s'entr'aider comme l'Aveugle et le Paralytique (I, 20). On trou Un homme qui montroit la lanterne magique Jacqueau, c'étoit son nom, sur la corde élastique Et puis sur un cordon, sans que rien le soutienne, Un jour qu'au cabaret son maître étoit resté Notre singe en liberté Veut faire un coup de sa tête. Il s'en va rassembler les divers animaux Chiens, chats, poulets, dindons, pourceaux, << Entrez, entrez, messieurs, crioit notre Jacqueau; Va se placer, et l'on apporte La lanterne magique; on ferme les volets, Ses rayons et toute sa gloire. Voici présentement la lune, et puis l'histoire Voyez, messieurs, comme ils sont beaux! vera les plus parfaites dans le Recueil des classes de grammaire. -Les autres, à l'adresse de nos travers d'esprit, out, dans leur gaieté souriante. un tour satirique, et plusieurs, « d'un genre plus net et plus ferme », ont la brièveté et la pointe de l'épigramme. C'est dans le second groupe que nous choisissons nos emprunts. |