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De la rapide faux l'éclair par instant brille.
A travers la distance il éblouit nos yeux;

Par instants, une voix d'homme ou de jeune fille
Arrive à notre oreille en sons clairs et joyeux.

Dans le calme du soir, il fait bon de l'entendre!
Il fait bon d'aspirer, dans un air frais et doux,
Ces odeurs de gazons, ces parfums d'herbe tendre
Qui, du talus des prés, s'élèvent jusqu'à nous!

Le jour s'efface au loin; ses lueurs étouffées
Meurent sur les hauteurs, s'éteignent sur les eaux;
Et chaque vent qui passe apporte par bouffées
L'enivrante senteur des herbes en monceaux.
Et ce qu'on ressent là, c'est un calme suprême,
C'est une volupté sans ardeur ni transport,
C'est le recueillement de la nature même,
Qui, sous l'aile de Dieu, confiante s'endort!

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La nuit régnait encor, belle nuit de printemps,
Pleine encor de rayons, pleine de bruits chantants.

1. Le poète ajoute: Journal de campagne; journal, en effet, écrit au Jour le jour, pendant que la terre est en fleur, pendant que les moissons murissent, pendant que les arbres s'effeuillent (c'est la division du recueil), où, en des pièces de longueur et de mètres variés, il décrit et rend ce qu'il voit, ce qu'il entend, ce qu'il sent, dans la plénitude de cette vie pure et saine des champs où il se mêle fraternellement: poésie d'haleine un peu courte, mais d'allure franche, non sans une nuance de rêverie et de mélancolie quand « les arbres s'effeuillent », mais qui se plait mieux aux tableaux des trav ux rustiques égayes sous le soleil ardent par le chant de la caille, par les cris joyeux de l'enfant qui, sur le sein de sa mère, tire à lui la grappe mûre de la treille, par la danse improvisée près des meules ou des gerbes; puis, le soir venu, à la peinture du repos goûté, entre sa femme qui file et son enfant qui joue, par le paysan,

Assis devant sa porte,

Laboureur jeune encore, au front sévère et doux.
Immobile et pensif, les mains sur ses genoux,
Il aspire, dans l'air égayé de murmures,

Le meilleur des parfums, celui des gerbes mûres...
Ces trésors de son cœur, réunis près du seuil,

Ces étoiles au ciel dont la fête commence,

Ces bruits errants du soir dans la campagne immense,
Cette nappe d'épis dont les flots onduleux

Roulent, rouent sans fin jusqu'aux horizons bleus
Avec le frôlement d'un lourd manteau de soie,
Tout cela dans son cœur met une sainte joie.

(Vers la Saint-Jean, II, 9.)

Dans cet ordre de sujets et de poésie rustique, voici deux passages, de

Les brises qui de l'aile effleuraient sa fenêtre

Lui jetaient ces parfums que la nuit fait renaître.

formes très diverses, auxquels la précision du trait et la vérité du coloris donnent une valeur et un charme particulier.

La Ferme à midi.

Il est midi: la ferme a l'air d'être endormie :
Le hangar aux bouviers prête șon ombre amie :
Là, profitant de l'heure accordée au repos,
Bergers et laboureurs sont couchés sur le dos,
Et, près de retourner à leurs rudes ouvrages,
Dans un calme sommeil réparent leurs courages.
Auprès d'eux sont épars les fourches, les râteaux,
La charrette allongée et les lourds tombereaux.
Par une porte ouverte, on voit l'étable pleine
Des boeufs et des chevaux revenus de la plaine.
Ils prennent leur repas: on les entend de loin
Tirer du râtelier la luzerne et le foin;

Leur queue aux crins flottants sur leurs flancs qu'ils caressent
Fouette à coups redoublés les mouches qui les blessent

A quelques pas plus loin, un poulain familier

Frotte son poil bourru le long d'un vieux pailler,
Et des chèvres debout contre une claire-voie

Montrent leurs fronts cornus et leurs barbes de soie,
Les poules, hérissant leur dos bariolê,

Grattent le sol, cherchant quelques graines de blé.
Tout est en paix; le chien méme dort sous un arbre,
Sur la terre allongé comme un griffon de marbre.
Au seuil de la maison, assise sur un banc,

Entre ses doigts légers tournant son fuseau blanc,
Le pied sur l'escabeau, la ménagère file,
Surveillant du regard cette scène tranquille.
Seul, perché sur un toit, un poulet étourdi
Croit encore au matin et chante en plein midi.

(Ch. REYNAUD, 1821-1853, Contes, Épîtres et
Pastorales.)

(Pailler, v. 16, signifie: 1° une basse-cour où il y a de la paille, 20 un hangar sous lequel on conserve de la paille entassée.)

Les Bœufs

CHANSON

J'ai deux grands boeufs dans mon étable,

Deux grands boeufs blancs marqués de roux;

Le charri est en bois d'érable,

L'aiguillon en branche de houx.

C'est par eur soin qu'on voit la plaine

Verte l'hiver, jaune l'été ;

Ils gagnent dans une semaine

Plus d'argent qu'ils n'en ont coûté.

S'il me fallait les vendre,

J'aimerais mieux me pendre;

J'aime Jeanne ma femme; eh bien, j'aimerais mieux
La voir mourir que voir mourir mes bœufs.

Les voyez-vous, les belles bêtes,
Creuser profond et tracer droit,
Bravant la pluie et les te pêtes,
Qu'il fasse chaud, qu'il fasse froid?
Lorsque je fais halte pour boire,
Un brouillard sort de leurs naseaux,
Et je vois sur leur corne noire

Se poser les petits oiseaux.

S'il me, etc.

Ils sont forts comme un pressoir d'huile,

Ils sont doux comme des moutons;

Tous les ans, on vient de la ville

Les marchander dans nos cantons,
Pour les mener aux Tuileries,
Au Mardi gras, devant le roi,

L'astre des claires nuits argentait l'orient;
Tout flottait lumineux, limpide, souriant,
Tout nageait, les coteaux, les sillons, la vallée,
Dans un demi-jour doux comme une aube voilée.

Calme, les bras croisés, à la fenêtre, Armand
Ecoutait les conseils de son recueillement 1.

(Les Laboureurs 2, livre II. — Calmann Lévy, éditeur.)

CE QU'ON ENTEND DANS LA PLAINE

Couché dans l'herbe sèche, au penchant des collines,
Qui de vous n'a passé de ces heures divines

A voir les champs, les bois, l'horizon spacieux,
La beauté de la terre et la splendeur des cieux ;
A sentir sur son front le vent, tiède caresse;
A respirer cet air, plein d'une saine ivresse,
Ces parfums du genêt, de la sauge, du thym,
Plus pénétrants encor le soir que le matin;
A recueillir, muet, les vagues harmonies,
Concert accoutumé de ces heures bénies;
L'angélus d'un hameau dans le calme des airs,
La cloche des béliers sur les sommets déserts,
Le cri du laboureur qui, là-bas dans la plaine,
Gourmande encor ses bœufs las et manquant d'haleinc,
Le bruit d'une charrette aux essieux cahotés,
Les longs mugissements plusieurs fois répétés,

Et puis les vendre aux boucheries;
Je ne veux pas, ils sont à moi.
S'il me, etc.

Quant notre fille sera grande,
Si le fils de notre régent

En mariage la demande,

Je lui promets tout mon argent;

Mais, si pour dot il veut qu'on donne

Les grands boeufs blancs marqués de roux,

Ma fille, laissons la couronne,

Et ramenons les boeufs chez nous.

S'il me, etc.

(Pierre DUPONT, 1821-1870.)

(Régent, v. 34, signifie maitre d'école. Couronne, v. 39, signifie eouronne de mariée).

1. Cf. dans notre Recueil de Prosateurs, Une soirée d'été, par J. Sandeau.

2. Petit roman rustique en 4 livres. Un jeune homme, qui n'a rapporté des plaisirs de la ville que le dégoût de l'existence, revient au manoir paternel pour s'y tuer. Il ne peut éviter, sur le chemin qui y mène, la ferme; il n'y respire pas impunément l'air sain d'une vie laborieuse et honnête. Il ne se tue pas, dote la fille du fermier, et va servir en Afrique.

Le babil des oiseaux dans les branches, la note
Qu'en traversant les cieux y jette la linotte;
Ces frissons dans les bois des vents alternatifs 1,
Ces mille bruits confus, mystérieux, furtifs,
Qui, dans l'éther sans borne où l'esprit se balance,
Ne font, tous réunis, qu'un suprême silence.

(Les Laboureurs, livre III. - Calmann Lévy, éditeur.)

PONSARD

1814-1868

La chute des Burgraves de Victor Hugo et le retour du public à la tragédie du xvIIe siècle qu'en 1838 avait ramenée sur la scène le talent d'une grande tragédienne, Me Rachel, preparèrent le succes de Lucrèce que Francis PONSARD apporta de Vienne (Isère) à Paris en 1843. Il semble qne les spectateurs haletants, surmenės par les convulsions du drame romantique, respirerent enfin. Les oreilles, étourdies de cliquetis de mots, d'antithèses et de lyrisme, se reposerent sur un style clair, sobre, ferme. Les yeux fatigués des détails, éblouis de l'éclat d'une mise en scène riche comme un musée, savante comme une collection, sourirent à ce fuseau, à cett urne, ces toges blanches qui, avec le poignard classique de la fin, suffisaient au nouveau poete. Ponsard eut le double mérite de venir à propos, et, venu, accepté d'emblée, de ne pas faire, après le coup d'éclat de Lucrèce, d'un succes légitime un drapeau et une arme de réaction. Applaudi pour ses Romains, il laissa le regain de leur popularité nouvelle à la Virginie de M. Latour-SaintYbars (1845), et sut entretenir l'intérêt du public par la variété de ses sujets et par un judicieux usage des droits dont l'école rivale avait assuré au theâtre la conquête et l'exercice, les libertés de temps et de lieu. Chacune de ses pièces nouvelles l'éloigne de son point de depart et le rapproche de nous. Il est en France, au XIIe siècle, avec Agnès de Méranie (1845), dans le feu de la Révolution avec Charlotte Corday (1850) et sa comédie du Lion amoureux (1866), au milieu de ses contemporains avec ses comédies de l'Honneur et l'Argent (1853), et de la Bourse 1856), sans préjudice de ses excursions en pleine antiquité avec Ulysse (1852), en pays étranger avec Galilée (1867). Son style, quelquefois un peu nu, toujours naturel, souvent energique, particulierement touchant dans sa seconde tragédie, éloquent dans la troisième, brillant dans son drame italien, archaïque dans son étude antique, coloré dans sa comédie politique et militaire de 1795, simple dans ses comédies bourgeoises de nos jours, revêt partout des idees et des sentimeuts purs. Charlotte Corday est son œuvre la plus puissante; Lucrèce restera son œuvre originale.

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1. Expression roide et terne, qui détonne en ette page, émue et colorée.

LES TEMPORISATIONS DE BRUTUS

JUNIUS BRUTUS, VALERIUS [depuis] PUBLICOLA

BRUTE 1.

Que me veux-tu, Valère ?

VALÈRE.

Ami, réjouis-toi: tes vœux sont satisfaits,
Et nous allons passer des discours aux effets.
On se lasse à la fin de trembler sous un homme.
J'ai visité plusieurs des principaux de Rome,
Et tous, patriciens, chevaliers, sénateurs,
Que déjà du tyran fatiguaient les hauteurs,

Se voient poussés à bout par la guerre aux Rutules,
Dont les énormes frais dévorent leurs pécules 2.
J'ai flatté leur rancune, enflammé leurs esprits,
Appuyé sur les points qui les avaient aigris ;
Puis, après le courroux éveillant l'espérance,
J'ai fait à leurs regards luire la délivrance,
Et ne les ai quittés qu'en laissant dans leur sein
Le germe enraciné d'un vigoureux dessein.
Déjà des mots hardis se disent à l'oreille;
Déjà l'on s'interroge, on discute, on conseille,
Et, les Tarquins absents, de secrètes leçons
Circulent dans un air moins chargé de soupçons.
J'ai reçu ce matin le sénateur Procule:
Aucun n'ose avancer, mais aucun ne recule;
On est sur la limite, et c'est l'instant précis
De pousser en avant ceux qui sont indécis 3.

Il manque, a dit Procule, un chef qui nous commande,
Et moi j'ai répondu : « Ce chef qu'on se demande,
Il vit; il paraîtra quand il en sera temps,

Et, je vous le promets, vous en serez contents. >>
Là, j'ai clos l'entretien sans plus ample ouverture.
C'est alors, plaise aux Dieux qu'il soit de bon augure,

1. Cette terminaison française rappelle déjà Corneille, qui dit aussi Crasse, Tulle, Cosse, Métel, comme l'usage dit encore Camille, PaulEmile, Marc-Antoine, etc.

2. Mot pris dans un des sens du latin peculium, dont il vient: avoir, biens. Autres sens épargne du père de famille, du fils de famille, de l'esclave. Pécule n'a, proprement que le sens de épargne de l'esclave, épargne faite par le travail et l'économie. Racine pecus (qui a produit aussi pecunia) parce que, à Rome, primitivement, le bétail représentait la richesse.

3. Comparer dans Tite-Live (III, 36 sqq.) l'état de Rome qui commence à se lasser des décemvirs: Circumspectare tum patriciorum vultus plebeii, etc.

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