페이지 이미지
PDF
ePub

ranger le bien du côté fort, & le mal du côté faible, pour renforcer journélement l'un, & diminuer journélement l'autre, ou le faire difparaître avec le temps.

LA MERE.

Ai-je dit cela?

EMILIE.

Oui, maman. Je me fouviens ; moi, de ce que vous dites.

LA MER E.

Ah, fi cela était auffi aifé à faire

qu'à dire !

EMILIE.

t

Maman, voilà Monfieur le Curé qui vient au devant de nous. Il faut que j'aille courir & le recevoir de

votre part.

QUINZIEME

CONVERSATION.

EMILIE.

(parlant à fa poupée, dont elle fait la toilete, tandis que fa mere travaille à son métier.)

A NE vous rien cacher, Madame, je fuis outrée de vous voir en cet état d'humiliation. Vous avez un air éfroyable avec ce bonet, & le défespoir me prend toutes les fois que je vous vois fi épouvantablement mife. Mais laissez faire, Madame ; j'aurai peutêtre douze ou quinze ans un jour : alors j'aurai peut-être auffi une fois un écu de fix francs à ma difpofition, & nous irons faire conaissance avec

Mademoiselle Bertin; nous aurons des poufs, des bonets, des chapeaux, des plumes, des perles, des cordelieres, des mirzas aux oreilles, des cordons de montres, des ceintures; & l'on parlera avec extafe de notre goût & de notre élégance. Il est bien cruel que nous foyons trop pauvres à préfent, pour rien acheter de ce qui nous est nécessaire.

LA MER E.

Si tout cela eft néceffaire, je fuis donc pour le moins autant à plaindre que Madame : car je n'ai rien de tout cela.

EMILI E.

Hélas, oui, maman! Je ne fais que trop combien vous êtes à plaindre. Votre fanté déplorable vous empêche de jouir de rien de tout cela. Mais fi vous étiez dans le monde, convenez pourtant que vous ne pouriez pas vous en paffer.

LA MERE.

Je vous avoue, ma chere amie, que je n'avais pas encore regrété la fanté à caufe de ces privations; mais vous m'y faites penfer. Il eft cruel, comme vous dites fort bien, de n'avoir pas affez de fanté ou affez de richefses, pour se ruiner en poufs ou en plumes...

EMILI E.

Vous riez, maman. Eft-ce pour vous moquer de moi?

LA MER E.

L'état de ma fanté ne me laisse même aucune espérance à cet égard : au lieu que Madame fera au comble de vœux, dès que vous ferez parvenue à avoir un capital de fix francs en réferve.

fes

EMILIE.

J'ai peut-être acheté un peu plus de chofes avec ce capital, qu'il n'en

peut payer? Qu'en pensez-vous, ma

man?

LA MER E.

Il faudra confulter Mademoiselle Bertin; elle s'entend mieux en ces chofes que moi. Ce que je conçois, c'eft qu'il n'eft guere poffible de faire un ufage plus refpectable de fes richeffes, que de les dépenfer en plumes, en chifons, en colifichets.

EMILIE.

Tenez, maman, vous avez aujourd'hui votre air malin; vous vous moquez de moi, je vois cela. Mais au fond je ne compte dépenfer que ce que vous avez la bonté de me donner pour mes menus plaisirs, c'est-à-dire, quand je ferai plus grande, & que vous pourez m'en donner un peu davantage, pour que Madame foit mieux mife.

LA MER E.

Afin que tout le monde foit en ex

« 이전계속 »