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me n'a pu qualifier d'éfroyable, l'état où elle fe trouve avec fes trois enfans.

EMILI E.

Non, maman.

LA MER E.

C'est vous qui en êtes cause.

EMILI É.

Comment, moi? Je vous affure

je fuis innocente.

LA MER E.

que

Vous avez gâté ce mot, en l'appliquant à un chifon.

EMILI E.

Mais, maman, fi je l'ai gâté, c'est tout à l'heure, & la belle femme nous a parlé il y a plus de trois mois. Tenez, vous me traitez-là comme le pauvre agneau de la fable. Vous n'êtes pourtant pas du naturel des loups; mais vous voulez abfolument que j'aie troublé l'eau moi qui fuis votre agneau !

,

LA M'E RE.

Je ne vous accufe pas feule; les perfones que vous avez cru devoir imiter, pour être à la mode, pour prendre le ton du grand monde ou de la bonne compagnie, font vos complices. Mais quand on fe mêle avec elles par légéreté , par air, fans réflexion,. fans. favoir ce qu'on fait, on partage leurs torts & l'on ceffe d'être innocente. Vous avez dit d'un bonet qu'il était éfroyable; une autre le dit du temps, quand il pleut; une troifieme d'une lettre qui n'eft pas bien écrite; & de tout cela, il réfulte qu'on ne peut plus appeller éfroyable ce qui l'eft réélement, ce qui infpire l'éfroi, & que chacune de vous a gâté la langue autant qu'il a dépendu d'elle,

EMILIE,

J'ai été coupable, je ne le serai plus. Mais vous, maman, êtes - vous toujours innocente?

LA MER, E.

Je n'en fuis pas fûre.

EMILIE.

Hier, en caufant avec M. de Verteuil, vous parliez de je ne fais quoi, & vous difiez que c'était une chose à mourir de rire. Cependant, grâces à dieu! vous n'en êtes pas morte, & vous ne riiez même pas; vous disiez cela plutôt d'un air férieux.

LA MER E.

તે

J'ai eu grand tort, & ne veux pas m'en excufer. Mais ce qui m'eft arivélà, vous eft une nouvele preuve à quel point vous & vos pareils vous avez corrompu la langue, puifque nous autres gens fimples, nous ne pouvons plus nous en fervir, fans tomber dans vos défauts; & cela fans le vouloir, fans nous en apercevoir : tant à force de vous fréquenter, vous nous avez blafés fur cette habitude vicieuse. On entend dire paisiblement à tout le

monde que c'est à mourir de rire, à périr d'ennui, à étoufer de colere, fans qu'il foit question, ni de mourir, ni de périr, ni d'étoufer, & fans que ces expreffions éfrayantes caufent la moindre émotion à qui que ce foit. On ne fe formalise même pas d'entendre toute la journée ces phrafes outrées dans la bouche de tout le monde. On s'y fait, & l'on s'en fert à fon tour parce que la langue corrompue s'eft déshabituée de toute expref

peu a peu

fion fimple.

EMILIE.

Et c'eft de votre agneau que vous avez appris à mal parler!.. Ah, maman! LA MER E.

Je conviens que le mal était fait avant que mon agneau vînt au monde. Lui, il n'a fait que le finge. Ita cru bien faire, en imitant ceux qui m'ont gâté ma langue.

EMILI E.

Qui; mais il ne le croit plus.

LA MER E.

Notre auteur affure qu'une langue eft bien malade quand elle en eft là, & le peuple qui la parle, auffi.

EMILIE.

Ah çà, maman, convenez que c'est vous qui avez remis ce conte de Fées fur le tapis. Je n'y fuis pour rien. Moi, j'étais fidele à nos conventions. Vingt fois j'avais envie de vous parler de votre auteur, je n'en ai rien fait. Mais puifque vous l'avez ramené fur la fcene, je vous dirai que c'eft fon conte qui eft rempli d'exagérations, & même de fauffetés: fans parler des principes dangereux qui y font.

LA MERE...

Je ne fuis pas obligée de défendre l'auteur de ce conte, qui n'eft pas mon auteur; mais, fi par hafard il n'exagérait que pour fe moquer des exagérateurs, qu'auriez-vous à dire? Vous

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