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s'il eft vrai que le fentiment de la dignité de la nature humaine eft une fource féconde de grandes & belles actions. parmi les hommes; s'il eft vrai que, fans élévation, la vertu même refte privée de fon plus bel ornement je ne connais rien de plus propre à faire naître & fortifier ce fentiment dans les enfans, pour ainfi dire dès leur berceau, que de leur témoigner des égards. C'eft les avertir de la maniere la plus noble & la plus précise, de l'engagement facré qué chaque homme contracte à fon entrée dans ce monde, de ne rien fairede contraire à ce caractere de dignité. Ces égards que j'aime à avoir pour eux ne font pas à la vérité des égards de refpect, comme on en doit aux perfones vertueuses, aux grands hommes, aux héros de la patrie, mais des égards d'intérêt & de cette bienveillance qui contemple avec complaifance, dans la race naissante, la gloire

& la prospérité de la génération pro

chaine.

EMILIE.

En ma qualité d'enfant, je fuis obligée, maman, de vous remercier de vos principes. Ce n'eft pas à nous autres enfans de les contredire.

LA MER E.

Ces témoignages d'égards & d'intérêt peuvent devenir enfuite un barometre, à mesure que les espérances fe réalisent ou s'évanouissent. Sh EMILIE.

C'eft-à-dire, que ces témoignages vous voulez qu'on les augmente ou qu'on les diminué, fuivant que les enfans promettent & tienent, ou promettent fans tenir?

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Je la trouve très-juste, mais, ma

man, je ne la crois pas à la mode. Excepté vous, perfone ne prend garde

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Oh, quand on eft enfant, on fait cela. Tenez, maman, quand les parens font préfens, on les careffe un peu; mais feuls & fans eux, on ne les regarde feulement pas. Vous venez de le voir. Cette dame, pour réparer fa faute, vous a dit: Madame, yous avez-là un charmant enfant; mais je n'ai pas été la dupe de ce compliment: fi j'étais fi charmante, elle s'en ferait aperçue avant de vous avoir pris votre chaife.

LA MERE..

Je conviens que ce font de ces politeffes d'ufage, dont je ne fais aucun cas, & que je voudrais banir

de la fociété; mais elles n'excluent pas

la vraie politeffe.

EMILIE.

Détrompez-vous, ma chere maman, & foyez sûre que cet intérêt que vous voudriez infpirer pour les enfans, ne fe trouve chez perfone. LA MER E.

Si cela était, j'en ferais fâchée, & je commencerais à être perfuadée d'une triste vérité que j'entends fouvent répéter, fur-tout aux vieillards, & à laquelle je n'ai pas voulu croire jufqu'à préfent.

EMILIE.

Quelle eft cette vérité, maman?

LA

MERE,

Ils difent qu'après avoir paffé pendant long-temps pour le modele de la politeffe en Europe, notre nation perd tous les jours de cette réputation, & finira peut-être par être une

des moins polies. Cette réflexion me mortifie & m'humilie extrêmement. EMILI E.

Il

Mais, maman, un peu de courage! y a encore de bien aimables gens. D'abord, vos amis qui vienent ici, & puis ceux dont ils vous parlent. Cela fait déja un bon nombre.

LA MER E.

Je ne demande pas mieux que d'être

raffurée.

EMILI E.

Et puis la politesse n'est pas auffi néceffaire que beaucoup d'autres ver

tus.

LA MERE.

C'est-à-dire, qu'un peuple fauvage peut être bon & honête, fans être poli; mais quand je vois une nation civilifée tomber dans l'impoliteffe j'en fuis auffi inquiete que fi je voyais un vieillard tomber en enfance.

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