ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

man, je fuis acoutumée à penfer tout

haut.

LA MER E.

Il me femble que votre penfée n'est pas défavorable à l'ouvrage.

EMILIE.

Si peu, maman, que je confifque le livre à mon profit.

[merged small][ocr errors]

Allons, je ne peux rien contre la violence.

EMILIE.

Cependant il n'y a rien de nouveau là dedans au moins, Je fais tout cela, maman; c'est ce que nous disons tous les jours, & ce que j'ai toujours éprouvé. Quand j'ai tort, je fuis malheureuse; quand je fuis contente de moi, je fens le bonheur qui me court par le corps, & je fais pourquoi, Quand je peux faire du bien à quel que chose, je fuis enchantée; quand je vois quelqu'un foufrir, cela me

[ocr errors]

tourmente & me fait de la peine c'est comme fi c'était moi. Eh bien, voilà en trois mots tout ce que je viens de lire, excepté que je ne dis pas fi bien.

LA MER E.

Cela me prouve que l'auteur a bien connu les élémens du bonheur, puifque fes principes font d'acord avec votre expérience. Si j'avais à leur reprocher quelque chofe, ce ferait le vague que j'y trouve.

EMILI E.

Qu'appellez-vous vague?

LA MERE.

C'eft le contraire de la précifion. Les maximes générales font incontef tables. Perfone ne doute, par exemple, que le bonheur de l'homme ne repofe fur la vertu. Mais c'eft dans l'application des maximes générales à notre fituation particuliere, que confifte la science de bien vivre; & l'ouvrage de la vertu, à les fuivre fidéle

ment, quand même notre intérêt paffager ou mal entendu & nos pasfions du moment ne feraient pas de cet avis-là. Dire ou écrire, ou lire & répéter ces maximes générales & incontestables, c'eft n'avoir rien fait. pour l'avancement de cette fcience, la plus importante de toutes.

EMILI E.

C'eft-à-dire, la fcience de bien vi-
n'eft-ce pas ?

vre,

LA MER E.

Seulement celui qui dit mieux qu'un autre, qui exprime ces maximes d'une maniere plus heureufe, avec plus de feu, plus de force, plus de fenfibilité, mérite l'éloge d'un homme éloquent; & c'eft un fort bel éloge, mais ce n'eft pas le premier de tous.

EMILI E.

Ainfi ce n'eft pas celui que yous

préféreriez ?

[ocr errors]

LA MER E.

Si un de vos freres me faifait cette question, je lui demanderais: Auquel de deux guerriers penfez-vous qu'on doive confier la défense de la patrie, à celui qui parle le mieux fur l'ufage de chaque arme, ou à celui qui, fans parler, fait s'en fervir avec le plus de dextérité & de courage?

EMILI E.

Mes freres répondraient, en braves foldats: Au dernier.

LA MERE.

Parce qu'à la guerre il faut avoir fait fes preuves, & que ces preuves ne peuvent consister en paroles. Il en elt de même de la vertu. Elle est l'arme tutélaire de notre innocence & de tous les biens les plus précieux qui nous font confiés. La vie d'un feul homme vertueux eft plus inftructive, plus contagieufe, plus inflammatoire, fl'on peut s'exprimer ainfi, que tout ce

que les plus beaux difeurs peuvent écrire fur la vertu.

EMILIE.

Mais, maman, l'un n'empêche pas

l'autre ?

LA MERE.

Vous avez raifon. Bien dire n'empêche pas de bien faire; mais l'un eft tout autrement effentiel que l'au

tre.

EMILIE.

Ainfi, maman, tout considéré, vous n'aimez pas cet ouvrage ?

LAMER E.

Comme vous allez vite! Nous n'en avons lu que quelques pages, & vous voulez que je juge, & même que je condamne! Je crois ce livre fort bon; feulement dans ce que nous venons de lire, je trouve plus de douceur que de force voilà tout.

EMILIE,

Eh bien, la douceur est agréable.

« ÀÌÀü°è¼Ó »