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perdre courage. Au contraire, je ferai bien aise de vous le dire, & de favoir ce que vous en pensez.

EMILIE.

En ce cas, voyons votre rêve, ma chére maman.

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LA MER E.

J'ai vu dans mon rêve une jeune

fille.

EMILIE.

C'est moi, je parie.

LA MER E.

Vous allez en juger. Elle pouvait avoir cinq à fix ans.

EMILIE

Ah, ce n'est plus moi.

LA MER E.

Je me fentis pour cet enfant un intérêt fi vif & fi tendre, que je me mis à l'examiner avec une extrême attention. Je remarquai avec un plaifir fingulier, que, fans avoir rien perdu des grâces & de la fimplicité de l'en

fance, cette jeune fille avait déja acquis un tact, un difcernement, un jugement qui me paraissaient quelquefois fupérieurs à fon âge. Je crus m'apercevoir que cela venait de ce qu'elle caufait continuélement avec fa mere. Il régnait entre fa mere & elle une fi grande tendreffe, une amitié fi vraie & fi intime, que le feul spectacle de leur maniere d'être enfemble me rempliffait les yeux de larmes d'atendriffement. Elles ne voulaient fe quiter ni jour ni nuit.

EMILI E.

Né parlez pas avec tant d'émotion, ma chere maman.

LA MER E.

Quand la mere était obligée de donner quelque temps aux afaires de fa maison ou à d'autres devoirs indifpenfables, elle en était atriftée, & l'on voyait qu'elle ne cherchait qu'à

dit,

fe retrouver avec fon enfant. Quand fa mauvaise fanté l'empêchait de fuivre fa fille à la promenade & de partager les exercices du corps, c'était l'enfant qui s'en affligeait. Ses progrès en tout genre furent fenfibles; & lorfque l'étourderie & l'inconféquence de fon âge l'expofaient à quelque écart, un mot, un regard de fa mere, n'était pas n'était pas lancé, que la jeune fille avait déja fenti & réparé fon petit tort. Une chofe qui me frapa, c'est que c'était toujours elle qui se reprochait fes petites fautes la premiere, qui s'en accufait à fa mere; & celle-ci était ordinairement réduite au rôle bien fatisfaifant pour une mere, d'atténuer la faute, d'en chercher le côté excufable, & de prendre, pour ainfi dire, fon enfant fous la protection contre fa propre févérité. Le feul sujet de défunion que je pus remarquer entre deux perfones fi étroitement liées, c'est que fa mere se trouvait

trouvait quelquefois dans la néceffité de contrarier fa fille fur des goûts trop fédentaires, & même fur l'excès avec lequel elle fe livrait à la lecture. Jamais, par exemple, elle ne voulait fe coucher le foir, quoique les enfans aient befoin de beaucoup de fommeil; & la feule preuve de tendreffe qu'il ne fût pas au pouvoir de fa mere de lui donner, c'était de fe coucher auffitôt qu'elle.

EMILIE.

En vérité, maman, je n'ofe me flater de connaître cette jeune perfone.

LA MERE.

Tout-à-coup je la perdis de vue dans mon rêve. Cela me fit une peine inexprimable. Je me tourmentai pour la retrouver; je fis des éforts auffi inutiles que pénibles, & je me lamentai de cette perte, au point d'inquiéter mes gardes. Tome II. M

EMILI E.

Maman, vous avez eu le cauchemar. On dit que cela arive dans les maladies. Cela fait bien du mal, mais vous dormirez mieux cette nuit; n'eftce pas ?

LA MER E.

Enfin je la retrouvai, & je fis un cri de joie... J'eus d'abord quelque peine à la reconaître elle avait finguliérement grandi.

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EMILI E.

Elle avait peut-être deux ans & demi de plus? Etait-elle auffi grande que moi?

LA MERE.

Je ne crois pas avoir aperçu une ligne de différence... Sa mere me parut auffi extrêmement changée, & me fit beaucoup de peine à voir.

EMILIE.

C'est toujours du cauchemar que cela,

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