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EMILIE.

Comment peut-on s'ennuyer à une affemblée qui a été inventée pour s'amufer?

LA MER E.

En n'y apportant pas les difpofi

tions néceffaires.

EMILIE.

J'efpere que j'y porterai toujours les difpofitions néceffaires pour m'a

mufer.

LA MER E.

Tant que vous ferez fidele à cet engagement, peu de fêtes manqueront leur effet avec vous. Mais fuppofez quelqu'un qui affifte à une fête, fans mettre aucun intérêt ni à ce qui s'y paffe, ni aux perfones qui s'y trouvent.

EMILIE.

En ce cas, pourquoi s'y trouvet-il lui-même? Est-ce pour n'en avoir la fatigue?

que

LA MER E.

C'est le chapitre des égards qu'on croit fe devoir dans la fociété, & qu'on a imaginés pour remplacer le fentiment; ce font mille confidérations fouvent affez frivoles, qui vous mettent dans la néceffité de faire des chofes qui vous déplaifent, & dont perfone ne vous fait gré.

EMILIE.

Cela eft un peu bête, par exemple. Je vous promets bien, maman, qu'on ne m'y atrapera pas, & que le chapitre des égards ne me fera pas affister à une fête, fans y porter les difpofitions convenables; je fuis fermement réfolure d'y mettre toujours beaucoup d'intérêt, mais beau

coup.

LA MERE.

Voilà qui vous garantira d'abord perfonélement de tout reproche fans cependant affurer le fuccès de la fête.

EMILI E.

Que faut-il donc encore?
LA MERE.

Il faut que tout le monde y porte vos difpofitions. La gaité eft bien un peu contagieufe, mais l'ennui l'eft encore davantage. Or, fi vous ne trouviez que des cœurs froids ou des gens décidés à s'ennuyer, l'intérêt que vous mettriez au fuccès de la fête ne les échauferait guere; il s'éteindrait même, faute de pouvoir fe communiquer; & à la place de votre difpofition à la joie, vous gâgneriez peut-être leur ennui.

EMILIE.

Voilà un mauvais troc... Mais l'ennui eft donc un convive. qui se prie de toutes les fêtes? Etait-il à la noce de ma coufine?

LA MER E.

Vous y fûtes, ainfi je vous le demande.

EMILIE.

Oh, il ne fut pas à la table des petites bonnes gens. Nous n'eûmes d'autre ennui que de nous en aller un peu de trop bonne heure, parce que (je ne fais, ma chere maman, fi vous l'avez obfervé comme moi) on cherche toujours à fe débaraffer des enfans, le plus vîte qu'on peut. LA MERE.

S'il fe trouva à la grande table, il n'ofa pas du moins fe montrer à vifage découvert, parce que le plus grand nombre des convives s'intéresfait véritablement aux nouveaumariés.

EMILIE.

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Mais maman on trouve toujours des perfones de fes amis ou de fa connaiffance à la fête où l'on eft prié ?

LA MERE.

Auffi l'on s'en entoure, on fe

cantone

cantone & fe retranche avec elles; mais c'est évidemment un acte d'hoftilité contre le refte de l'affemblée.

EMILI E.

C'est vrai cela; M. de Verteuil dit que c'eft contre le droit des gens : on ne doit pas venir dans une affemblée pour s'en féparer.

LA MERE.

Encore moins pour s'obferver, s'examiner, s'éplucher, fe critiquer, dans fon maintien, dans fa parure, dans fes propos, dans une infinité de minuties qui ne fignifient rien.

EMILI E.

Eft-ce qu'ils appellent cela s'a

inufer?

LA MER E.

Ou fe défennuyer.

EMILIE.

Maman, j'ai peur que votre grand monde ne foit un peu ennuyeux. Qu'en penfez-vous?

Tome II.

Q

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