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EMILLE.

Les chârons font -ils durs ou com

patisfans?

LA MERE.

Je l'ignore, ma chere amie; j'efpere au moins qu'il y a châron & châron, comme dans tous les états de la fociété. Mais dans ces conditions continuélement entourées du fpectacle des miferes humaines, & où l'on ne peut s'en préferver foimême que par un travail affidu & pénible, il eft à craindre que le cœur ne s'endurciffe comme le fer au le bois qu'on manie & durcit fans ceffe, & qu'il n'y refte pas beaucoup de place pour la commifération.

EMILIE.

Maman, je crois que c'était une faible reffource pour cette pauvre Madame Preindle, d'être adreffée-là..

LA

MERE,

Elle follicita maître Truchard avec

un air très-éfaré, de lui acorder un afyle feulement pour quelques jours, promettant qu'elle ne lui ferait pas à charge long-temps, & qu'il n'entendrait pas parler d'elle pendant qu'elle ferait chez lui, pourvu qu'elle pût y refter ignorée & retirée. Elle ne s'ouvrit pas davantage fur fa fitua tion; & plus cette fituation paraissait preffante, moins le châron montra de curiofité de la connaître.

EMILI E.

Pourquoi donc céla? C'était au contraire le cas de tâcher de lui arracher fon fecret.

LA MER E.

Oui, quand on a le défir ou le pouvoir de venir au fecours de ceux qui font dans la peine, & maître Truchard manquait peut-être de l'un & de l'autre ; il n'avait en vue que d'obliger fon correfpondant. Le fait eft qu'il avait lui-même beaucoup

d'enfans, & que fa femme était prête d'acoucher. Ce ne fut donc qu'après bien des difficultés & pour quelques jours feulement, qu'il confentit d'établir Madame Preindle avec fes enfans dans une remife fermée de fon

arriere cour, n'ayant pour le préfent aucun autre réduit de fa maison à lui offrir; & pour faire les chofes magnifiquement, il garnit la remise de deux grabats remplis de paille, d'une mauvaise table, d'une cruche d'eau avec fa cuvete & de quelques efcabeaux.

EMILI E.

Quelle magnificence !

LA MERE.

Et rendant compte de ces détails à Madame la Ducheffe, maître Truchard l'affura que, n'était que fon fourgon fe trouvait encore fans abri, il n'avait pas eu à fe repentir de fa bonne action; que cette femme ne

lui caufait pas la moindre incommodité; qu'elle fe gliffait quelquefois le matin furtivement par l'allée, mais qu'elle revenait bientôt auprès de fes enfans; que le refte de la journée tout était tranquille, & qu'en faifant le foir fa ronde, il regardait toujours par le trou de la férure, mais ne voyait jamais de lumiere. Il ne lui reftait donc plus à défirer que de voir Madame Preindle vuider les lieux, après avoir reçu l'hofpitalité; & il s'en flatait, parce que pendant fon abfence M. le Curé de Saint-Eustache avait envoyé prendre des informations au fujet de cette femme. Cela lui prouvait qu'elle ferait bientôt à la charge de la paroiffe, & il fe propofait d'aller, dès le lendemain, trouver Monfieur le Curé, confommer cette bonne oeuvre.

pour

EMILI E.

Ah, maman, je respire. Dès que

Monfieur le Curé de Saint-Eustache esl à la piste de Madame Preindle, je la tiens pour fauvée. Si nous la connaiffions, elle nous dirait, qu'on est bien heureuse d'être fa paroiffiene; & moi je lui répondrais : Ma bonne femme, toute fa paroiffe eft de cet avis-là & maman & moi, nous le difons fouvent le foir dans nos cauferies.

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LA MER E.

Je vous remercie de ne m'avoir pas oubliée. Madame la Ducheffe qui fut, comme vous pouvez croire, très-preffée de connaître une perfone que fon nom faisait pâlir, pria le châron d'ouvrir incontinent la remife qui lui fervait d'afyle, & s'y rendit avec fa fille.

EMILIE.

Ah, dieu foit loué! Nous faurons à la fin à quoi nous en tenir fur cette Madame Preindle. Nous n'aurions ja

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