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même précipitation, avec laquelle elle avait quité le châron.

EMILIE.

Quelle était donc cette condition?
LA MER E.

L'hiftoire ne m'en a pas inftruite ; mais vous favez le refle. Ne fachant où donner de la tête avec les trois enfans, elle retourna chez le châron, l'efprit déja à moitié égaré. Bientôt elle fut affaillie par une groffe fievre vous l'avez vue fur le point de périr fans fecours, & enfin miraculeufement fauvée.

EMILIE.

C'eft bien vrai, maman, cela est miraculeux.

LA MERE.

Voyez à quoi tient notre miférable destinée, à quoi a tenu le falut de cette infortunée! La méchanceté de fa

mere l'éloigne du seul apni qu'elle ait fur la terre, & lui fait éviter, comme la plus cruele ennemie, lunique perfone qui ait le pouvoir & la volonté de remédier à fes malheurs. Sans un cocher ivre, cette perfone, la feule au monde qui puiffe la fauver, paffait, fans rien favoir, à deux pas du réduit où elle expirait. Que ce cocher ivre brife la voiture de fa bienfaitrice à deux cens pas en deçà ou au delà de la boutique du châron, & cet accident à qui elle doit fon falut, eft perdu pour elle. Il y a plus. Sans un miférable fourgon & l'importance que le châron met à le loger, cette persone fi néceffaire au falut de Cécile s'arrêtera plus d'une heure dans l'enceinte & à la porte du réduit où l'on a un fi preffant befoin d'elle, & s'en éloignera fans le connaître. Supposez encore que le châron foit moins bavard, ou que la Ducheffe, au lieu

de

rente,

de le blâmer, par défœuvrement, d'une négligence qui lui était bien indiffés'ennuie de fon bavardage, & dife, Arangez cela avec mes gens ; & la même impoffibilité de fecours fubfifte. A qui donc l'infortunée qui nous intéreffe doit-elle fon falut? A un concours fortuit d'une foule de circonftances bizâres & frivoles en apparence, & dont une feule omifeou changée le rendait impoffible. EMILI E.

Ah, maman, pourquoi ne voulezvous me laiffer aucune confolation ? N'eft-il pas horrible que des innocens tombent dans un abîme? Voulez-vous leur ôter l'espérance de s'en tirer?

LA MERE.

l'in

Tout au contraire, Madame Baruel vous prouve, ce me femble, que nocence ne doit jamais défefpérer de fon falut. J'aime à penfer que vous fentez auffi, combien il faut être moTome II, S

déré dans le bonheur, puifque persone ne peut favoir ce que le lendemain lui réferve.

EMILIE.

O le terrible rideau que celui qui couvre l'avenir !

LA MERE.

On peut dire Heureux ceux qui ont du courage, de la force, de la fermeté, de la conftance, de la réfignation car, pour peu que leur vie fe prolonge, ils trouveront l'occafion d'en faire usage.

EMILI E.

Je fuis bien malheureufe de vous avoir preffée de me conter cette hiltoire. A préfent je voudrais pouvoir l'oublier, ou plutôt ne l'avoir jamais fue.

LA MER E.

Je me reproche ma faibleffe, d'avoir cédé ce foir à vos inftances. Il vous en a coûté bien des larmes.....

EMILIE.

Vous l'avez donc vu, maman? J'ai pourtant avalé tant que j'ai pu. LA MER E.

Tandis qu'au retour d'une fête fi touchante, nous pouvions finir notre journée par une infinité de réflexions confolantes & douces.

EMILIE.

On a bien raison de dire que la fageffe & les enfans ne font pas longtemps route ensemble.

LA MER E.

Puifque le mal eft fans remede, je me flate que vous vous fiez du moins affez à la bonté de Madame la Ducheffe, pour être tranquille fur le fort de Monfieur & Madame Baruel.

EMILI E..

Ah, ma chere maman, contez-moi cela, pour me confoler.

LA MERE.

D'abord Madame la Ducheffe ne

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