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nous pafferions toute notre journée tête à tête ensemble, & cela ferait bien charmant.

LA MERE.

Cela le ferait sûrement pour moi; mais ce ferait à peu près comme tous les jours, il n'y aurait rien d'extraordinaire à cela; & ne craindriez-vous pas que la journée ne vous parût un peu longue?

EMILIE.

Non, je vous affure. Je vous défie d'imaginer quelque chofe qui me fasse autant de plaifir.

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En ce cas, les préparatifs de la fête ne nous prendront pas beaucoup de

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ferons-nous toute la

journée?

EMILI E.

Nous ferons, ma chere maman, comme nous faifons à la campagne,

où nous en paffons fouvent trois ou quatre de fuite tête-à-tête. LA MER E.

Oh, à la campagne, cela est différent; les jours ne font jamais trop longs. Nous avons tant de devoirs à remplir à droite & à gauche, tant d'occupations diverfes, qu'à peine nous refte-t-il le temps néceffaire pour la promenade. Mais à Paris, un jour d'hiver !...

EMILIE.

Je vois, maman, que vous craignez de vous ennuyer. Ce n'est pas ma faute, fi mon papa & mes freres font abfens.

LA MER E.

Ni la miene: mais votre expérience vous a déja appris qu'il ne faut pas compter fur les hommes; qu'ils apartienent à l'état avant d'apartenir à leur famille; qu'à peine fortis de l'enfance, dès leur entrée dans le monde, ils font obligés de refter

à la place que le devoir leur a marquée.

EMILIE.

O la vilaine chofe que la guerre ! Je vous l'ai dit mille fois, ma chere maman: comment les hommes qui font fi doux & fi polis dans la fociété, peuvent-ils devenir affez féroces, pour fe tuer les uns les autres, fans même fe connaître ?

LA MERE.

C'est que fouvent une nation n'est pas plus fage, plus jufte, plus modérée envers les autres nations qu'un particulier inquiet, turbulent & emporté envers fes concitoyens. Dans la fociété les injuftices font réprimées par les loix; mais comment voulez-vous que faffe une nation léfée dans fes droits? Il faut bien qu'elle repouffe l'injuftice & l'injure par la force.

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EMILI E.

Et à caufe de cela il faut fe faire tuer! Bien imaginé!

LA MERE.

Vous voyez que notre rôle est bien plus facile. La faiblesse de notre sexe & la fphere étroite de nos petits talens nous confinent dans l'exercice des devoirs domeftiques en les remplif fant, nous avons fatisfait à tout ce que la fociété atend de nous.

EMILIE.

Bien entendu que nous restons fans papa & fans freres.

LA MERE.

Il est vrai que votre papa & vos freres nous manqueront beaucoup demain.

EMILIE.

Sans compter ce qu'ils nous manquent tous les jours.

LA MER E.

Mais, quoique leur devoir les tiene

éloignés, heureufement ils ne courent pas encore les hafards de la guerre.

EMILI E.

Ah, oui; c'est une confolation que

cela.

LA

MERE.

Et puifque le fort nous réduit à la folitude, c'eft pour vous feule, ma chere amie, que je redoute l'ennui d'ur jour dont la folemnité femblait vous promettre de l'amufement.

EMILIE.

Mais, ma chere maman, un jour folemnel, eft-ce précisément un jour

gai?

LA MER E.

Je le crois, à la vérité, plus impofant que gai.

EMILIE.

C'est un jour à réflexions, n'est-il pas vrai? Ainfi le paffé vous revient dans la tête, malgré que vous en ayez. On fouleve auffi un peu ce ri

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