ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

deau qui cache l'avenir; & depuis que vous m'avez montré ce terfible rideau, je vous avoue qu'il ne m'est pas forti de la tête, & que je l'ai toujours là devant les yeux. Voyez donc, ma chere maman, quelle foule d'afaires pour une feule journée!

LA MERE.

Je ne vous blâmerai sûrement pas de regarder les limites de l'enfance & l'acheminement vers l'adolefcence fous ce point de vue férieux, & je commence à croire, comme vous, qu'il faut danser tout un autre jour que celui où l'on a dix ans acomplis.

EMILI E.

Commencez-vous auffi à croire que nous n'aurons pas le temps de nous ennuyer?

LA MERE.

Oui, en vérité. Un coup d'oeil réfléchi fur le paffé poura aifément absorber une journée, fans même

porter

porter nos regards fur l'avenir dont l'incertitude ne peut être envisagée fans un peu de trouble.

EMILIE.

En tout cas, fi nous n'avons pas fini pendant le jour, nous pouvons en conférer encore le foir, de notre lit car, dieu merci, le mien n'est plus fur la frontiere; il s'eft emparé de l'intérieur de votre chambre-àcoucher. Cela ne s'appelle-t-il pas une prise de poffeffion?

LA MER E.

Cela s'appelle, en droit public, une ufurpation manifefte, opérée moitié par rufe, moitié par violence; & voilà comme les guerres commencent fans ma douceur, ou pour mieux dire, ma faiblesse, j'aurais défendu ma chambre-à-coucher contre votre invafion qui l'a changée en dortoir. Votre lit était très-bien dans ce cabinet à côté; & moyenant la Tome II.

T

porte qui reftait ouverte, notre communication n'était jamais interrompue. EMILIE.

Mais, maman, il fallait s'égofiller pour fe parler, quand vous étiez couchée & moi auffi. Cela n'était point du tout convenable pour votre

fanté.

[blocks in formation]

Pour deux perfones qui ne fe quitent guere du matin au foir, ne pouvionsnous pas prendre le parti du filence en même temps que celui de la ré traite dans notre lit?

EMILIE.

Oui; mais quand il vous refte quelque chofe fur le coeur ou dans l'efprit, comment faire ? C'est sou→ vent une mifere, une miete; mais ce font précisément les mietes qu'il ne faut pas laiffer accumuler pour le lendemain,

LA MER E.

Je remarque que le foir la provifion des mietes eft inépuifable chez

yous.

EMILIE.

Mais, ma chere maman, n'eft-il pas bien plus joli de jafer, comme cela, d'un lit à l'autre, à deux toifes de distance, jufqu'à ce que l'homme au fable s'empare des yeux?

LA MER E.

Voilà, par exemple, une expreffion un peu triviale pour une perfone qui fe vante d'avoir étudié la mythologie.

EMILI E.

Cela eft vrai, je devais parler de Morphée.

LA MER E.

Quoi qu'il en foit, je sens bien qu'à caufe de la folemnité du jour, je ne pourai poliment vous dépofféder ni aujourd'hui ni demain.

EMILIE.

Ni après-demain, ni jamais.
LA MERE.

Ce que j'aimerais à prévoir, c'est le réfultat de la révifion que vous projetez favoir fi elle vous rendra gaie ou trifle, taciturne ou parlante.

EMILIE.

Je n'en fais, en vérité, rien. Voilà, ma chere maman, une queftion trèsembaraffante.

LA MERE.

Je ne le trouve pas. Si vous êtes contente de la maniere dont ces dix années fe font paffées, la réponse à ma question est faite; & pour le favoir avec la derniere précision, vous n'avez qu'à vous demander, fi vous voudriez les recommencer, pour les paffer une feconde fois exactement aux mêmes conditions & de la même maniere.

« ÀÌÀü°è¼Ó »