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s'occuper de ces forcieres, les avait oubliées net; & fon premier Médecin, le feul qui, en vertu de fa charge, pouvait risquer de lui en parler au moment de fa délivrance, était un efprit fort qui ne croyait pas aux Fées: il fut charmé de manquer en cette occafion au devoir de fa place.

Cet oubli donna une humeur diabolique aux trois vieilles. Elles avaient fait des frais de toilete confidérables, pour paraître à une cour fi brillante avec un éclat digne de leur rang & de la haute confidération dont elles jouiffaient. Quand elles virent ces frais perdus, elles firent un train qu'on a depuis cette époque appellé un vacarme de l'autre monde. Ce n'eft pas à elles qu'on doit s'en prendre, fi l'île heureuse ne fut pas immédiatement fubmergée; tout ce qu'elles purent fufciter d'orages, de grêles, d'ouragans, quand la faison s'y prêtait, nẹ

manqua jamais aux fujets de Régen tine, & les trois forcieres s'engagerent par un ferment terrible & folemnel de ne jamais mettre les pieds chez elle. Malheureufement tout le monde était fi occupé à fe divertir, qu'on n'eut pas le temps de s'apercevoir de leurs petites niches. Le premier Médecin à qui, en fa qualité de phyficien, elles ne pouvaient échaper, était malin comme un vieux finge, & riait fous cape de la colere de Leurs Hautes Puiffances.

Cependant une vieille dame d'atours fort atachée aux ancienes étiquetes, voyant les Princeffes croître & embélir, fans qu'il fût queftion le moins du monde de les mettre fous la protection des Fées, prit fur elle d'en parler à Régentine. Le moment fut bien choifi. Kégentine ne vit dans la propofition qu'une occafion de don ner une fuité de fêtes fuperbes, de déployer fa magnificence, de faire

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diverfion par un événement quel conque à l'uniformité d'une cour toujours amusée & toujours infipide. Je yous ai, Madame, dit-elle à la vieille d'atours, une véritable obligation. Vous me rápelez un tort que j'ai & qu'il faut réparer. Je ne tarderai pas à marier mes filles. Si je ne me trompe, Célefte a befoin d'être tirée un peu hors d'elle-même, & je voudrais bien que Reinete ne fût pas fi finge : c'eft vraiment le moment de s'occuper de leur étoile. D'ailleurs cela nous amufera; & quand ces dames feront retournées chez elles, le Grand-Ecuyer nous les contrefera

à ravir.

Auffi-tôt elle nomma trois ambaffadeurs, pour fe rendre de fa part auprès des trois Fées, & les inviter à venir honorer l'ile heureuse de leur préfence augufte. Le confeil fe mit à rédiger leurs inftructions, qui furent re

gardées dans le temps comme un chefd'oeuvre de fineffe & de profondeur. Deux miniftres d'état eurent le caractere représentatif, pour se rendre près la Fée Prévoyante & fa foeur cadete, la Fée Prudente, qui réfidaient dans le même palais en l'air. C'étaient deux dames bien fâmées, & au tatillonage près, d'un fort bon commerce. La troifieme avait une réputation un peu équivoque. L'ufage était de la choifir par politique, afin de l'empêcher, par les égards qu'on lui témoignait, de jouer de mauvais tours aux enfans, qu'on lui faifait, pour ainfi dire, adopter fans la confulter. Elle s'ap→ pellait la Fée Capricieufe. Un officier aux gardes fut choisi pour s'acquiter auprès d'elle de la commiffion de Régentine.

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Cette commiffion était délicate; elle exigeait une grande habitude dans les afaires, pour masquer l'oubli

qui

qui avait été commis, & pour écarter tout ce qui pouvait rapeler à ces dames leur vœu précipité. Il s'agiffait de leurs perfuader que Régentine, par un excès de difcrétion, n'avait voulu les incommoder & les détourner de. leurs fonctions importantes qu'à la derniere extrêmité, & qu'au moment où leur protection & leurs lumieres devenaient d'une néceffité abfolue à fes filles bien différente en cela. de ces meres inquietes & aveugles qui ofaient les interrompre à tout inftant pour oui & pour non, & qui déran geraient les deftins de l'univers pour l'amour d'une morveufe.

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- pro

On s'en raporta fur une infinité de détails à la dextérité des ambaffadeurs & à leur tact de faifir l'àpos on fe contenta de leur faire fentir que ce qui toucherait les Fées Prévoyante & Prudente, ne ferait qu'une médiocre impreffion fur la Fée Tome II.

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