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Royal-des-Champs. Il avoit l'avantage sur Corneille d'avoir une belle figure, avec la politesse et les usages du monde. Il fut nommé gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, qui, pendant ses maladies, le faisoit coucher auprès de lui; et comme il aimoit à s'entretenir avec Racine, et à l'entendre réciter, il étoit quelquefois admis chez madame de Maintenon, quand le roi s'y trouvoit. Mais il perdit sa faveur; et ce malheur inopiné fit une impression si grande sur un cœur trop sensible, qu'il ne put le soutenir. Des maladies, produites par le chagrin, le mirent au tombeau, le 22 avril 1699, à l'âge de cinquante-neuf ans.

On raconte différemment la cause de sa disgrace. Quelques-uns prétendent que madame de Maintenon, touchée de la misère du peuple, demanda à Racine un mémoire sur ce sujet, qu'elle donna au roi; que Louis XIV, peu content de voir que son historien s'occupât des défauts de son administration, défendit à madame de Maintenon de le revoir, en lui disant: Parce qu'il fait bien des vers, croit-il pouvoir étre ministre?

L'harmonie, la correction, un style noble sans enflure, et simple sans être vulgaire, caractérisent les tragédies de Racine.

« Il semble », dit Vauvenargues, « qu'on >> ne convienne de l'art de Racine, que pour >> donner à Corneille l'avantage du génie. Qu'on >> emploie cette distinction pour marquer le » caractère d'un faiseur de phrases, je la trou>> verai raisonnable; mais lorsqu'on parle de >> l'art de Racine, l'art qui met toutes les choses » à leur place; qui caractérise les hommes, » leurs passions, leurs mœurs, leur génie; qui >> chasse les obscurités, les superfluités, les faux >> brillans; qui peint la nature avec feu, avec >> sublimité et avec grace, que peut-on penser » d'un tel art, si ce n'est qu'il est le génie des >> hommes extraordinaires, et l'original même » de ces règles que les écrivains sans génie >> embrassent avec tant de zèle et si peu de » succès?...

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» Qui créa jamais une langue ou plus magnifique, ou plus simple, ou plus variée, ou plus noble, ou plus harmonieuse, ou plus » touchante?... Nul n'éleva si haut la parole, >> et n'y versa tant de douceur. Nul ne mit » jamais autant de vérité dans ses dialogues, » dans ses images, dans ses caractères, dans >> l'expression des passions. Seroit-il trop hardi » de dire, que c'est le plus beau génie qu'ait » eu la France?... »

On a observé que Racine, en faisant trop souvent dominer le sentiment de l'amour, avoit par-là même énervé son héros. « Mais, si ce reproche a pu quelquefois être fondé, on doit avouer aussi que le théâtre doit, au tableau de l'amour, les émotions les plus puissantes et les plus variées. L'amour est, de toutes les passions, celle qui a le plus d'inconstance et d'orages. Il allie au plus haut degré, et presque au même moment, tous les contrastes et tous les excès, la crainte et l'espérance, l'enthousiasme et l'abattement, la violence et la douceur, la tristesse et la joie, les délices et les souffrances. C'est au milieu de ce flux et reflux de mouvemens contraires, que se plaît la tragédie; c'est du fond des cœurs tourmentés par le plus invincible de tous les sentimens, que l'action dramatique doit sortir avec le plus d'énergie et d'impétuosité. . . .

» Virgile ne crut point l'amour trop petit pour être placé entre l'incendie de Troye et la fondation du Capitole, entre la ville des César et celle d'Annibal. C'est sur le bûcher de Didon que l'amour prépare les haines de Carthage contre les grandeurs de Rome, et qu'il fit entendre, avec une énergie qu'on n'avoit point encore connue, toutes ses fureurs et tous

ses gémissemens. C'est là qu'après dix-sept siècles, il se fit voir une seconde fois à Racine, comme il s'étoit montré à Virgile, au milieu des douleurs, des vengeances et des remords qui doivent lui servir de cortége. C'est là, si je puis m'exprimer ainsi, que, recueillant tous ses feux et toutes ses larmes, il les fit passer dans la tragédie française, et dans les vers de cet homme immortel qui, des traits approfondis du caractère de Didon, composa celui de Roxane, de Phédre et d'Hermione, et qui, seul parmi les modernes, retrouva le génie et l'expression du poète romain.

» N'en doutons point, c'est Virgile, encore plus qu'Euripide, qui fut le maître de Racine. C'est celui qui, dans le quatrième livre de l'Enéide, connut et peignit si bien toutes les agitations du cœur d'une femme, notumque furens quid fæmina possit; c'est le créateur de Didon qui avertit l'auteur d'Andromaque des nouvelles beautés dont il pouvoit enrichir le théâtre, déjà fondé avec tant de grandeur par le génie de Corneille (*). »

La grande réputation de Racine date de l'époque où il donna Andromaque; mais, comme

(*) Cours de Littérature par M. de La Harpe.

rien

rien n'échappe à la satyre, on a critiqué fort injustement le désespoir d'Oreste, les emportemens d'Hermione, et les incertitudes de Pyrrhus. Cependant les situations, l'intérêt, l'intrigue de la pièce, demandoient que tous les principaux caractères fussent peints par les couleurs les plus fortes. « Il y a trois amours dans cette pièce, celui de Pyrrhus pour Androcelui d'Hermione pour Pyrrhus, et maque, celui d'Oreste pour Hermione. Il falloit que tous trois fussent tragiques, que tous trois eussent un caractère différent, et que tous trois concourussent à lier et à délier le nœud principal du sujet, qui est le mariage de Pyrrhus avec Andromaque, d'où dépend la vie du fils d'Hector. D'abord, l'amour est tragique dans tous les trois, au point où il peut produire de grandes catastrophes et de grands crimes. Quelle marche claire et distincte, dans une intrigue qui sembloit double! Quel art d'entrelacer et de conduire ensemble les deux branches principales de l'action, de manière qu'elles semblent n'en faire qu'une! Tout se rapporte à un seul événement, au mariage d'Andromaque et de Pyrrhus; et les événemens que produit l'amour d'Oreste pour Hermione, sont toujours dépendans de celui de Pyrrhus

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