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peu au ton, aux pensées, et au style modernes (*). »

Deux sur-tout, dont le nom, les talens, l'éloquence,
Faisant aimer l'erreur, ont fondé sa puissance,
Préparèrent de loin des maux inattendus,
Dont ils auroient frémi, s'ils les avoient prévus.
Oui, je le crois, témoins de leur affreux ouvrage,
Ils auroient des Français désavoué la rage.
Vaine et tardive excuse aux fautes de l'orgueil!
Qui prend le gouvernail doit connoître l'écueil.
La foiblesse réclame un pardon légitime;

Mais de tout grand pouvoir l'abus est un grand crime.
Par les dons de l'esprit placés aux premiers rangs,
Ils ont parlé d'en haut aux peuples ignorans :
Leur voix montoit aux cieux pour y porter la guerre ;
Leur parole hardie a parcouru la terre.

Tous deux ont entrepris d'ôter au genre-humain
Le joug sacré qu'un Dieu n'imposa pas en vain;
Et des coups que ce Dieu frappe pour les confondre,
Au monde, leur disciple, ils auront à répondre.
Leurs noms, toujours chargés de reproches nouveaux,
Commenceront toujours le récit de nos maux.
Ils ont frayé la route à ce peuple rebelle:

De leurs tristes succès la honte est immortelle.

L'un qui, dès sa jeunesse, errant et rebuté,
Nourrit dans les affronts son orgueil révolté,

(*) Mercure de France.

Sur l'horizon des arts sinistre météore,
Marqua par le scandale une tardive aurore,
Et pour premier essai d'un talent imposteur,
Calomnia ces arts, ses seuls titres d'honneur;
D'un moderne cynique affecta l'arrogance;
Du paradoxe altier orna l'extravagance;
Ennoblit le sophisme, et cria vérité.
Mais par quel art honteux s'est-il accrédité?
Courtisan de l'envie, il la sert, la caresse,
Va dans les derniers rangs en flatter la bassesse;
Et jusqu'aux fondemens de la société,

Il a porté la faulx de son égalité.

Il sema, fit germer chez un peuple volage,
Cet esprit novateur, le monstre de notre âge,
Qui couvrira l'Europe et de sang et de deuil.
Rousseau fut parmi nous l'apôtre de l'orgueil:
Il vanta son enfance à Genève nourrie,

Et pour venger un livre il troubla sa patrie;
Tandis qu'en ses écrits, par un autre travers,
Sur sa ville chétive il régla l'univers.
J'admire ses talens, j'en déteste l'usage :

Sa parole est un feu, mais un feu qui ravage,
Dont les sombres lueurs brillent sur des débris.
Tout, jusqu'aux vérités, trompe dans ses écrits;
Et du faux et du vrai ce mélange adultère
Est d'un sophiste adroit le premier caractère.
Tour-à-tour apostat de l'une et l'autre loi,
Admirant l'évangile et réprouvant la foi,
Chrétien, déiste, armé contre Genève et Rome,
Il épuise à lui seul l'inconstance de l'homme;

Demande une statue, implore une prison;
Et l'amour-propre enfin égarant sa raison,
Frappe ses derniers ans du plus triste délire:
Il fuit le monde entier qui contre lui conspire;
Il se confesse au monde, et toujours plein de soi;
Dit hautement à Dieu : Nul n'est meilleur que moi.

L'autre encor plus fameux, plus éclatant génie,
Fut pour nous soixante ans le dieu de l'harmonie.
Ceint de tous les lauriers, fait pour tous les succès,
Voltaire a de son nom fait un titre aux Français.
Il nous a vendu cher ce brillant héritage,
Quand libre en son exil, rassuré par son âge,
De son esprit fougueux l'essor indépendant
Prit sur l'esprit du siècle un si haut ascendant
Quand son ambition, toujours plus indocile,
Prétendit détrôner le Dieu de l'évangile.
Voltaire, dans Ferney, son bruyant arsenal,
Secouoit sur l'Europe un magique fanal,

;

Que, pour embrâser tout, trente ans on a vu luire.
Par lui l'impiété, puissante pour détruire,
Ébranla, d'un effort aveugle et furieux,

Les trônes de la terre appuyés dans les Cieux.

Ce flexible Protée étoit né pour séduire :

Fort de tous les talens et de plaire et de nuire,
Il sut multiplier son fertile poison.
Armé du ridicule, éludant la raison,
Prodiguant le mensonge, et le sel et l'injure,
De cent masques divers il revêt l'imposture,
Impose à l'ignorant, insulte à l'homme instruit :
Il sut jusqu'au vulgaire abaisser son esprit,

Faire du vice un jeu, du scandale une école.
Grace à lui, le blasphême, et piquant et frivole,
Circuloit, embelli des traits de la gaieté ;
Au bon-sens il ôta sa vieille autorité,
Repoussa l'examen, fit rougir du scrupule,
Et mit au premier rang le titre d'incrédule.

Rousseau appeloit le vieillard de Ferney un corrupteur, et celui-ci désigna le philosophe de Genève comme un charlatan. Diderot, après avoir prodigué à Rousseau les louanges les plus outrées, finit par le déclarer un vil scélérat. Quel portrait ces prétendus réformateurs du genre humain, nous ont eux-mêmes donné de leurs personnes!

CLAUDE-ADRIEN HELVÉTIUS.

Le grand-père d'Helvétius étoit un médecin hollandois qui vint à Paris, et où il débita des poudres de la composition de son père. Un droguiste avec lequel il lia amitié, lui fit présent d'une certaine quantité de racines du Brésil, en lui disant que cette plante formoit un vrai spécifique contre la dyssenterie. Helvétius, après avoir éprouvé aux hôpitaux l'efficacité de ce remède, abandonna les poudres de son père, et fit afficher celle du Brésil.

Elle eut beaucoup de vogue. Louis XIV voulut qu'elle fût rendue publique; Helvétius déclara que c'étoit l'ipécacuanha, et reçut mille louis de gratification. Il devint ensuite inspecteurgénéral des hôpitaux de Flandres, et médecin du régent, M. le duc d'Orléans. Il mourut en 1727, et laissa un fils qui fut dans la suite premier médecin de la reine, femme de Louis XV, et inspecteur-général de tous les hôpitaux militaires. Il jouissoit d'une grande réputation pour son savoir et sa probité, et mourut en 1755, à soixante-dix ans. Son fils, né en 1715, fit ses études au collége de Louisle-Grand, sous le père Porée, qui trouvant en lui un esprit marquant, et étant ami de son père, prit un soin particulier de son éducation. Son père le destina pour la finance, et l'envoya, en sortant du collége, chez son oncle, qui étoit directeur des fermes à Caën. La reine, qui aimoit monsieur et madame Helvétius, obtint pour leur fils, n'étant âgé que de vingt-trois ans, une place de fermier-général, qui lui valut cent mille écus de rente. Il étoit très-bel homme, fort galant, généreux, et doué d'un caractère à se faire généralement aimer. En entrant dans le monde, il cultiva la connoissance des hommes les plus célèbres

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