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» leurs sentimens sur cet écrivain. Pour nous, >> en persistant à dire qu'on le regarde comme » un des plus habiles géomètres parmi ceux qui >> n'ont pas eu le génie de l'invention, nous » avouerons de bonne-foi que nous avons eu >> tort de le placer parmi nos bons littérateurs.

>> Il a cependant joui, sous ce dernier titre, » d'une grande réputation. Mais ne doit-on pas » convenir qu'il en a trop abusé, en voulant » établir dans les lettres certains paradoxes qui >> tendent à dénaturer les genres, et que l'esprit » géométrique, si nous entendons par ce mot » la justesse des idées, auroit dû être le premier » à réprouver? »

Ensuite il examine les sentimens de d'Alembert sur la poésie et l'éloquence, ses traductions de divers morceaux de Tacite, en y exposant ses erreurs et ses défauts. En parlant de ses Éloges lus dans les séances publiques de l'académie française, il dit : « La manière >> dont ils sont écrits est si mesquine, si incohé>> rente, si remplie d'afféterie, si forcée, que les » partisans les plus intrépides de M. d'Alem>>bert n'ont osé les louer; de sorte qu'ils sont » tombés, sans la moindre réclamation, dans » un mépris dont ils ne se relèveront jamais. » Et puis il ajoute : « Après avoir osé éclipser >> quelques

» quelques rayons de sa gloire, nous nous li» vrons avec plaisir aux justes éloges qu'il mé» rite par d'autres productions. »>

Il fait un éloge de son Essai sur les Gensde-lettres, de son Discours préliminaire pour servir de préface à l'Encyclopédie, et il termine l'article d'Alembert en disant :

« Quoique d'Alembert eût succédé à Vol» taire dans le patriarchat de la philosophie, il » n'eut jamais l'emportement et le fanatisme » de son prédécesseur. D'un caractère moins >> vif et moins inquiet, il mit dans son zèle plus de circonspection, de prudence et de » lenteur; systême qu'il n'a pas constamment >> suivi, comme on le voit par son Histoire des » Moines mendians, platitude qui en a produit » une autre, avec laquelle Linguet a cru s'il>> lustrer, en donnant son Essai sur le Mo»nachisme. »

DENIS DIDEROT.

Diderot, fils d'un coutelier de Langres, naquit en cette ville en 1713.

Il fit ses études au collége des jésuites. N'ayant pas voulu embrasser l'état de coutelier, on le plaça chez un procureur à Paris; Aaaa

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mais son père ayant appris qu'il ne vouloit rien faire chez le procureur, et qu'il s'occupoit uniquement de littérature, il supprima la pension qu'il lui avoit accordée. Diderot avoit appris assez de mathématiques pour pouvoir en donner des leçons; et pendant quelque temps il continua de subsister par ce moyen. On prétend qu'il faisoit aussi des sermons; et qu'un missionnaire lui en ayant commandé six, il les paya cinquante écus pièce.

En 1741, il épousa une demoiselle nommée Champion, fille sans fortune, et dont la mère s'étoit mariée en secondes noces avec un manufacturier d'étamines dans le Maine. Ce fabricant ayant fait banqueroute, mourut quelque temps après; et sa veuve vint à Paris, où elle s'associa avec une de ses amies pour faire le commerce de dentelles. Ce fut alors que se forma la liaison de Diderot avec mademoiselle Champion, qui paroît lui avoir fourni l'idée de madame de Saint-Albin dans le Père de Famille.

Se trouvant embarrassé dans ses affaires domestiques, il vendit, en 1768, sa bibliothèque à l'impératrice de Russie, pour quinze mille livres; mais l'impératrice lui en laissa la

jouissance (*), avec une pension de mille livres, pour en être, disoit-elle, le bibliothécaire. Cette pension ne fut point payée pendant deux ans. « Le prince Galitzin, qui se trouvoit à Paris, ayant demandé à Diderot s'il la recevoit exactement, il lui répondit qu'il n'y pensoit pas; qu'il étoit trop heureux que S. M. I. eût bien voulu acheter sa boutique et lui laisser ses outils. Le prince l'assura que ce n'étoit point l'intention de sa souveraine. En effet, quelque temps après, l'impératrice lui manda que pour le garantir désormais d'un pareil oubli, elle lui envoyoit cinquante années d'avance; et il reçut cinquante mille francs (**). » A son invitation, il alla à Pétersbourg; mais on m'a assuré que sa majesté fut très-aise de l'en voir partir (***). N'étant pas instruit des

(*) Dans une lettre de Diderot à d'Alembert, il dit: « J'avois fait proposer par Grimm, à l'impératrice de » Russie, d'acheter ma bibliothèque. Savez-vous ce qu'elle » a fait ? Elle la prend, elle me la fait payer ce que j'en » ai demandé, elle me la laisse, et elle y ajoute cent

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pistoles de pension; et il faut voir avec quelle attention, quelle délicatesse, quelle grace tous ces bienfaits » sont accordés. »

(**) Ouvrage intitulé: Aux Mánes de Diderot. (***) Le baron Grimm, qui entretenoit de Paris une

usages d'une cour, l'on devoit s'attendre que, sous ce rapport, Diderot se trouveroit souvent

correspondance avec l'impératrice, sur des matières littéraires, excita dans sa majesté le desir de voir Diderot. Son éloquence, sa manière de s'exprimer, firent trouver du plaisir à l'impératrice, dans ses entretiens; mais on dit qu'il étoit peu instruit des objets qui auroient pu l'intéresser, tels que l'histoire des temps reculés de différens empires, qui étoit son étude favorite. Elle avouoit qu'elle ne se connoissoit ni en vers, ni en musique, ni en peinture; mais elle encourageoit les arts, comme nécessaires à un grand empire, et à un empire naissant. Occupée d'ajouter encore à ses vastes possessions, elle s'appliquoit également à policer ses sujets, chez lesquels subsistoient encore des restes de barbarie. Il est malheureusement dans la nature humaine, ou plutôt dans l'esprit de l'homme perverti, d'aimer à abaisser ce qui est audessus de sa sphère, et on se plaît à dire que l'envie de faire parler d'elle, a été le principe déterminant de la plupart des grandes actions de cette princesse. Elle eut certainement beaucoup d'ambition; mais si c'est un défaut, c'est celui des grandes ames. Dans les achats immenses qu'elle faisoit, de tableaux, de statues, de livres et de manuscrits, ainsi que dans l'encouragement qu'elle donnoit aux artistes, aux savans, aux gens-de-lettres, quelques-uns n'ont vu aussi que de la vanité. Mais si cette passion entroit pour quelque chose dans cet empressement, c'étoit une vanité bien avantageuse à son empire, où elle rassembloit des chefs-d'œuvre propres à étendre les connoissances et à perfectionner le goût de ses sujets.

Une ame commune auroit cherché probablement à faire

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