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lieu. Cependant, lorsqu'en 1773 on célébra, sur le théâtre français, la centénaire de cet illustre écrivain, l'académie chargea d'Alembert de commander à Houdon le buste de Molière, qu'elle ne put placer qu'en 1778, dans la salle de ses séances, avec cette inscription faite par Saurin:

Rien ne manque à sa gloire, il manquoit à la nôtre.

REGNAR D.

Jean-François Regnard naquit à Paris, en 1647. Sa passion pour les voyages le porta à visiter une grande partie de l'Europe. Étant en Italie, il fit la connoissance à Bologne d'une dame provençale, qu'il nomme Elvire, et pour laquelle il conçut la passion la plus vive. Comme elle étoit sur le point de revenir en France, il s'embarqua avec elle à Gênes, sur un vaisseau que prirent les Algériens, et tout l'équipage fut conduit à Alger pour y être vendu. Il fut acheté par un nommé Achmet Talem. Il étoit très-bel homme; et Achmet l'ayant soupçonné d'intelligence avec une de ses favorites, le dénonça pour être puni selon la loi, qui condamne à la peine de mort tout chrétien qui a intimité avec une mahométane. Le consul de France le sauva, en offrant une forte rançon. Regnard

ayant reçu de sa famille des fonds assez considérables, il racheta la provençale, et revint avec elle à Paris. Là ils apprirent la nouvelle de la mort du mari de cette dame, nommé de Prade. Regnard lui proposa de l'épouser;

elle y consentit. Mais tandis qu'ils se disposoient à s'unir, M. de Prade arriva. Regnard, au désespoir de ce nouveau coup du sort, prit la résolution de se dérober d'un lieu où il trouvoit à chaque instant quelque aliment pour ses chagrins. En 1681, il partit une seconde. fois de Paris pour visiter la Flandre et la Hollande, d'où il passa en Danemarck et ensuite en Suède. Le roi de Suède lui ayant conseillé de voir la Laponie, il partit de Stockholm avec deux autres Français, nommés Fercourt et Corberon. Arrivés à Tornéo, ils remontèrent le fleuve ou lac de ce nom, jusqu'à une montagne nommée Métavara, du sommet de laquelle ils découvrirent la mer Glaciale. Là ils gravèrent sur le rocher l'inscription suivante:

Gallia nos genuit, vidit nos Africa, Gangem
Hausimus, Europamque oculis lustravimus omnem;
Casibus et variis acti, terrâque, marique.
Hic tandem stetimus, nobis ubi defuit orbis.
De Fercourt, de Corberon, Regnard.
Anno 1681, die 22 augusti.

Ce fut là, dit Regnard, que nous plantâmes notre inscription, mais qui ne sera, comme je crois, jamais lue que des ours.

M. de La Harpe a traduit cette inscription ainsi :

Nés Français, éprouvés par cent périls divers,
Le Gange nous a vus monter jusqu'à ses sources,
L'Afrique affronter ses déserts,
L'Europe parcourir ses climats et ses mers.
Voici le terme de nos courses,

Et nous nous arrêtons où finit l'univers.

Regnard parcourut ensuite la Pologne, la Hongrie et l'Allemagne; mais enfin, il songea à jouir du repos et des agrémens que sa fortune et ses talens pouvoient lui procurer. Il revint dans sa patrie, acheta une charge de trésorier de France, et fit l'acquisition d'une terre nommée Grillon, à onze lieues de Paris, où il passoit, avec quelques amis, toute la belle saison. C'est là qu'il écrivit ses voyages, et la plupart de ses pièces de théâtre. La petite historiette intitulée la Provençale, contient quelques-unes de ses aventures. Il mourut à sa terre de Grillon, en 1710. On prétendit qu'il avoit avancé ses jours; mais il savoit lui-même qu'il mouroit des suites d'une indigestion.

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Qui ne se platt point aux comédies de

Regnard, dit Voltaire, n'est point digne d'admirer Molière. »

Il excelle dans le comique noble, ainsi que dans le familier; mais, dans ses ouvrages, la morale est quelquefois blessée.

Ses meilleures pièces sont le Légataire (*), le Joueur, les Folies amoureuses, les Ménechmes, le Distrait, et le Retour imprévu.

La petite comédie Attendez-moi sous l'orme, qu'on trouve dans les œuvres de Regnard, est cependant attribuée à Du Fresny.

Quelqu'un ayant observé à Boileau que Regnard n'étoit qu'un auteur médiocre : Il n'est pas au moins, répondit-il, médiocrement gai. Il étoit beau dans Boileau de lui rendre cette justice, sachant qu'il avoit écrit contre lui une satyre la plus amère, intitulée : Le Tombeau de Boileau Despréaux. Regnard a fait, dans la suite, amende honorable de cette satyre, dans une épître dédicatoire des Ménechmes, qui est très-belle.

Favori des neuf Sœurs, qui, sur le mont Parnasse,
De l'aveu d'Apollon, marches si près d'Horace;
O toi! qui, comme lui, maître en l'art des bons vers,
As joui de ton nom, et mis l'envie aux fers,

(*) Le lieutenant de police disoit que le dernier acte de cette pièce devoit être représenté à la Grève.

Et qui, par un destin aussi noble que juste,
Trouves pour bienfaiteur un prince tel qu'Auguste!
Ouvre une main facile; accepte avec plaisir
Un poëme imparfait, enfant de mon loisir.
De tes traits éclatans admirateur fidèle,

Ton style, en tous les temps, m'a servi de modèle;
Et si quelque bon vers par ma veine est produit,
De tes doctes leçons ce n'est que l'heureux fruit.
Toi-même as bien voulu, sensible à mes prières,
Sur cet ouvrage offert me prêter des lumières.
Ton applaudissement, que rien n'a suspendu,
De celui du public m'a toujours répondu.

Qui peut mieux, en effet, dans le siècle où nous sommes,
Aux règles du bon goût assujettir les hommes?

Qui connoît mieux que toi le cœur et ses travers?

Le bon sens est toujours à son aise en tes vers;

Et, sous un art heureux, découvrant la nature,

La vérité par-tout y brille toute pure.

Mais qui peut, comme toi, prendre un si noble essor,
Et de tous les métaux tirer des veines d'or?
Que d'auteurs, en suivant Despréaux et Pindare,

Se sont fait un destin commun avec Icare!

De tous ces beaux lauriers, qu'ils ont cherchés en vain,
Je ne veux qu'une feuille offerte de ta main :
Si je l'ai méritée, et que tu me la donnes,

Ce présent, sur mon front, vaudra mille couronnes;
Et pour disciple, enfin, si tu veux m'avouer,

C'est par cet endroit seul qu'on pourra me louer.

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Regnard, plus plaisant que comique, mais » assez comique pourtant pour être, dans ce

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