a aucun. J'ai dit plus haut que la fortereffe n'étoit d'abord que de terre, mais en 1710 le Czar commença à y faire conftruire des murailles fortes & épaiffes. Le côté qui regarde la Carelie eft entierement achevé ; mais on travaille encore à celui qui donne fur la riviere. La muraille a trente pieds de hauteur jufqu'au parapet, & eft fi bien garnie de canons de fer & de fonte, qu'il faut un tems confiderable quand on y veut mettre le feu par tout. Il y a dans les flancs, qui font un font un peu ferrés, de fortes cafemates l'une par deffus l'autre, faites en arcades en dedans, & en dehors; mais fans voutes, à la place defquelles on les a feulement couvertes de groffes poutres, pour les garentir des bombes. On en a abandonné une partie aux marchands pour y mettre leurs marchandises & leurs vins. Cette fortereffe a deux portes, celle qui a la vûë fur la ri-、 viere, n'eft pas encore achevée, mais celle qui eft deffus, eft entierement finie, & ornée d'une très-belle fculpture. On a placé en dehors une itatue de S. Pierre, plus grande que nature, & fort bien faite, avec deux

clefs dans fa main. On y a mis auffi une infcription en langue Mofcovite qui marque l'année (a) de la fondations de la fortereffe. Sur la porte en dedans eft la grande aigle Ruffienne, elle a une couronne fur chacune de fes deux têtes, & tient un fceptre dans une de fes ferres, & un globe dans l'autre. Plus bas un S. Nicolas, principal patron de la nation Mofco: vite. Je ne fache pas qu'on ait encore donné de nom à cette porte, mais il y a apparence qu'on l'appellera la porte de S. Pierre. Il y a de vant une demi-lune à laquelle on va par un beau Pont conftruit fur ce bras de la riviere, avec deux Pontslevis. Les galeres, & autres petits vaiffeaux fe rangent l'hiver dans ce même bras, qui eft entre l'ouvrage à couronne & la fortereffe, & qui leur tient lieu de port. On a commencé à creufer un canal au travers de la fortereffe, pour avoir communication avec le grand bras de la riviere, mais il n'eft pas encore achevé. On éleve, tous les jours fur un des baftions, comme en Hollande, le grand drapeau de la fortereffe qui (a) C'est l'année 1703,

eft de plufieurs couleurs, & qu'on attache à une perche fort haute, plantée dans un pied de bois fait en forme de croix. Les jours de fêtes folemnelles, qu'ils appellent Prasnick, on déploie à fa place le grand drapeau jaune, où eft reprefentée l'aigle Ruffienne, tenant dans fes ferres, & couvrant de fes aîles les quatre mers, favoir la Blanche la Noire, la Cafpienne & la Baltique, pour montrer que les Etats de Sa Majefté Czarienne s'étendent jufqu'à ces mers qui leur fervent de bornes, quoique cela ne foit pas exactement vrai aujourd'hui par rapport à la mer Noire, depuis la paix faite en 1710. avec les Turcs.

Après avoir donné la defcription de la Citadelle, il faudroit auffi parler en particulier des bâtimens qu'elle renferme ; mais comme il fe fait tous les jours quelque changement dans le petit nombre de ceux qui ont été commencés, on n'en peut rien dire d'affûré, qu'ils ne foient tous finis & d'ailleurs l'endroit eft trop referré pour pouvoir contenir de grands édifices. Il y a néanmoins une cathedrale prefque achevée, dont le clocher eft

fort haut, Elle est toute de pierres, avec quatre rangs de colonnes les uns fur les autres, & de grandes arcades: le tout du deffein de Treffini architecte Italien. Le Czar a fait mettre dans cette Eglife un carillon, qui lui a couté une fomme confiderable en Hollande.

Le principal bureau d'état, ou comme ils l'appellent, la grande Chancellerie,eft un bâtiment de bois dans lequel le Senat avoit coutume de s'affembler, & où fe tenoit le Confeil privé; mais depuis qu'on a bâti une nouvelle Chancellerie ( no. 33.) on a tranfporté dans la vieille Lous les titres, & les actes publiques, & le Senat ne tient plus fes assemblées dans la fortereffe. En entrant dans la Courtine par la porte haute, on trouve à main droite l'Apoticairerie qui eft une des plus belles qu'on puiffe voir en aucun endroit, par l'excellence des drogues dont elle eft abondamment fournie, & fur tout par la beauté de fes vafes qui font tous precieux, & de la plus belle porcelaine de la Chine, & qui ont couté plufieurs milliers de roubles, Parmi les drogues du crû de la Mof

con

&

covie, la Rheubarbe est une des principales. La Sibérie en produit en quantité. Les. Mofcovites n'en' noiffoient pas d'abord la valeur, ne la vendoient qu'un grif ou dix copecs la livre; mais un marchand d'Hambourg ayant acheté "trente mille roubles le droit de la vendre feul, en tranfporta une groffe quantité à Hambourg, & en Hollande, où il n'en donnoit pas à moins de 8. richedales. Un Mofcovite, qui trouva pour lors à Hambourg,voyant le profit confiderable qu'il tiroit de ce commerce, en informa la Cour, qui donna auffi-tôt des ordres, pour en faire amaffer le plus qu'on pou roit en & en envoyer la charge d'un vaiffeau. en Hollande: mais le marchand en ayant eû Vent affés à tems, fe dépêcha de debiter ce qu'il en avoit, avant l'arrivée du vaiffeau. Il ne la vendit plus pour cet effet que 8 grofek, ou un tiers de richedale cela fit que la Rhéu barbe des Mofcovites leur refta, & demeura à fe gâter à Amfterdam, les Hollandois pouvant aifément fe paffer de celle de Siberie, fur tout de puis qu'ils fe font avifé d'en faire

Siberie'